Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

température de cette ifle, & fes différentes productions, il décrit les regles, les abus de l'adminiftration dans fes divers départemens, & les moyens d'y remédier: aux vexations, à la cupidité d'une multitude d'officiers publics, il oppose la bienfaisance & le généreux défintéreffement de quelques bons patriotes. « Les Romains, dit-il, avoient fenti la néceffité de punir les concuffions des prêteurs & des autres officiers envoyés dans les provinces éloignées de la métropole. Les citoyens de tous les ordres fe faifoient un honneur de dénoncer au fénat les coupables, & de réclamer contr'eux la févérité des loix. Parmi nous, au contraire, la tyrannie trouve des appuis, des encouragemens, & même des récompenfes proportionnées à fes vexations. Le tyran appelle faction les efforts des opprimés pour alléger le poids de leurs chaînes, & ce nom fuffit pour couvrir d'un voile épais & leurs malheurs & fes crimes. Le tableau fidele du gouvernement de nos provinces offriroit un odieux mêlange de baffeffe & de fierté, de violences, de rapines, de cruautés &c. Au milieu de ces horreurs à peine diftingueroit-on les traces de quelques

vertus >>.

L'anonyme rend néanmoins juftice à des hommes célebres, que leurs talens & leur probité ont rendus dignes de l'autorité qui leur a été confiée à la Jamaïque. « Sous les aufpices du colonel d'ogley, cette ifle, dit

vit per

il, préfervée du fléau de la guerre, fectionner dans fon fein le fyftême focial. La bravoure & la fage conduite de cet officier firent échouer toutes les tentatives des Efpagnols pour rentrer en poffeffion de la Jamaïque. En excitant l'induftrie parmi les troupes & les autres citoyens, il s'acquit plus de gloire, que des ufurpations n'en avoient procuré à Penn, ou à Venables. Mais cette gloire fut toute la récompense, malgré les fervices importans qu'il rendit à fa patrie. Né d'une famille honnête, il étoit pourvu d'un emploi en Irlande, où il exerçoit, en même tems, la profeffion de jurisconfulte, lorfque la guerre civile s'alluma dans la Grande-Bretagne. Entraîné par l'exemple, il abandonna l'un & l'autre, & fervit d'abord dans le parti du roi, & puis dans celui de Cromwel, après avoir été fait prifonnier. Quoiqu'il ne fe fût engagé que pour une année dans l'expédition aux Indes occidentales.contre les Efpagnols, il ne fe retira du fervice que lorfqu'ils eurent reftitué les pays dont ils s'étoient emparés. D'Ogley follicita plufieurs fois le protecteur de le confirmer dans le gouvernement de la Jamaïque; mais Cromwel fe refufa conftamment à fes inftances, peut-être parce qu'il ne fe fioit point à fes principes politiques; & fi le colonel jouit du pouvoir fuprême dans cette ifle plus longtems qu'aucun de Les prédéceffeurs, ce ne fut que parce qu'il

[ocr errors]

furvécut à Sedgawicke & à Brayne ». Paffons à quelques détails fur la température de la Jamaïque.

« En avançant des côtes vers les montagnes, dit l'hiftorien, on fent, à chaque mille, diminuer la chaleur, & l'on a rarement à s'en plaindre lorfqu'on a gagné ces hauteurs. J'ai trouvé qu'au mois d'Août, après une journée très-chaude dans le pays plat le feu étoit, le foir, fort fupportable à Petro-Corkpets. Je n'ai jamais effuyé de chaleur incommode, même à midi, fur Guy's Hill, Monte Diabolo, & Charpenters Mountains. La côte maritime eft également fujette à ces variations. Il y fait plus ou moins chaud felon que les vents de mer la parcourent plus ou moins librement. Je crois que la plus grande chaleur fur les hautes montagnes paffe rarement le 75e. degré du thermomêtre de Réaumur : la liqueur de cet inftrument eft le plus fouvent à la Jamaïque entre le 60e. & le 69e., ou le 7ce. degré. La partie feptentrionale de cette ifle eft, en général, fraîche, agréable & très-faine, à l'exception des terreins bas & plats, qui avoifinent la côte. Les cannes à fucre font mûres au commencement de Janvier, dans la partie méridionale; mais dans le nord, la récolte ne s'en fait qu'à la fin de Mars, & quelquefois même plus tard, Com. me l'atmosphere dans cette contrée est trèsfouvent chargée de nuages, & que les pluies

A

y font fréquentes & froides, l'action du fʊleil doit néceffairement y être affoiblie, & la végétation lente. Il faut encore confidé. rer que lorfque le foleil fe meut dans le tro. pique méridional, les montagnes, à fon lever, donnent une ombre qui s'étend trèsfoin dans le pays, jufqu'à ce que cet are foit parvenu à une certaine hauteur fur l'ho rizon. La même chofe a lieu au coucher du foleil; enforte que les cantons fitués au nord n'en reçoivent pas autant de chaleng que les contrées méridionales. Les montagnes bleues, dans les mois chauds, produifent, chaque matin, par leur élévation une ombre fort agréable, qui couvre une pattie confidérable du Liguanea. L'atmosphere fortement échauffée & raréfiée pendant le jour, le long de la côte, reçoit, conformément aux loix connues de la nature, l'air plus denfe des montagnes, qui s'y précipite conftamment depuis le coucher du foleil jufqu'à une ou deux heures après fon lever. Delà vient que toute la côte maritime eft rafraîchie par ce vent de terre, qui fouffle de tous les points; quoiqu'au milieu des montagnes on n'apperçoive aucun mouvement de l'air ».

Les pluies du printems & de l'automne font pour la Jamaïque ce que font pour l'Egypte les débordemens du Nil. Les grandes pluies, qui dans cette ifle tombent ordinairement pendant les mois de Mai &

d'Octobre, femblent devoir leur origine au changement du vent, qui, après avoir foufflé, les mois précédens, du nord-eft ou du fud-eft, vient du fud ou du fud-eft, & du nord ou du nord-eft, felon qu'on approche du commencement ou de la fin de l'année. Tandis que ce changement s'opere, l'air eft agité, & fujet à de fréquentes variations. Des vapeurs s'exhalent en quantité de la mer, & s'amaffent de toute part, jufqu'à ce que la force du vent dominant, qui dans les commencemens, eft toujours impétueux

les condenfe, & les précipite comme un torrent. Le retardement ou le défaut des pluies au mois de Mai, paroiffent avoir pour caufes la foibleffe & la courte durée des vents du nord pendant certaines années, ainfi que la force extraordinaire & la continuité des vents de terre durant ces mêmes années. Alors les vapeurs, loin de s'amaffer, font pouflées conftamment dans la même direction; & comme rien ne les fait rétrograder, ni ne les fufpend en l'air, pour s'y accumuler, elles ne tombent pas fur l'ifle. La faifon pluvieufe s'annonce de différen tes manieres. On voit, le foir, des météores ignées, ou des éclairs qui fillonnent de toutes parts l'horizon, quoiqu'il n'y ait pas le moindre nuage: quelquefois on entend gronder le tonnerre; les nuées orageufes s'entaffent vers les côtes & au fommet des montagnes; & pendant toute la nuit on

[ocr errors]
« PreviousContinue »