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me intéreffés à en foutenir les prétentions), s'armerent, fe déchaînerent contre ces livres ultramontains, les cenfurerent, les prohiberent, les mirent à l'Index. L'Italie n'en fut pas moins inondée. La cenfure ne fit, comme il arrive toujours, qu'aiguillonner la curiofité, que doubler l'avidité des lecteurs. Les Italiens parurent s'être impofé la loi de ne plus rien produire, de ne plus applaudir que les productions des autres, & de les citer feules à chaque page. Pendant plus d'un fiecle, leurs écoles, leurs académies, leurs converfations n'ont retenti que des noms des Arnaud, des Nicole, des lascal, des Boffuet des Fénélon, des Bourdaloue, des Maffillón, des Defcartes, Mallebranche, Leibnitz, Newton, Corneille, Racine, Addiffon, Pope, Bayle. Leurs ouvrages & ceux d'une infinité d'autres furent lus, dévorés, traduits, réimprimés, comme ne l'avoient jamais été les grecs & les latins. Cetre paffion pour les livres françois rendit aux italiens les gallicifmes fi familiers, que leur propre langue ne fut plus qu'un mêlange confus, bizarre & corrompu, dont le génie est méconnoiffable. A peine, ajoute l'hiftorien, fçait-on aujourd'hui quel eft le véritable & pur idiôme national. D'après ces confidérations, il eft aifé de juger des sommes confidérables que la librairie étrangere enleve à l'Italie.

A-t-elle du moins confervé la fupériorité

dans les arts d'agrément, de mollette & de -luxe ? non il n'en eft prefque pas un feul où les Italiens ne faient tributaites. Mais deur mufique, leurs ariettes, leurs, virtuoses font encore fupérieurs à ceux des autres nations. L'auteur l'accorde; il y joint même les poëtes, à caufe de l'étroite affinité des deux genres, & il avoué enfuite, que ni les plus merveilleux chantres, ni les plus célebres fymphonistes s'apportent aucun avantage réel à la nation en général. Les arts du deffin se sont enfuis eux-mêmes ; ce qui en refte en Italie, s'eft obfcurci, gâté, défiguré par la manie de contrefaire & d'imiter. Les François, quoique Bouchardon n'égale pas Michel Ange, ont forcé les Italiens de leur céder le prix de la fculpture. Quoique le Brun, le Pouffin, Rubens ne l'emportent pas fur le Titien, le Tintoret, Paul Véronefe & les Carraches, les premiers fubjuguerent 'Italie elle même. Les princes; les prélats, -les nobles italiens ne parent goûter que dès -peintures à la françoifet Il fallut savoir des -tableaux de la main de le Brun, du Pouffin, ou de ceux qui eurent le bonheur de faifir leur maniere, & d'imiter parfaitement leur faire. Pour s'accommoder au goût dominant, les peintres de la nation chercherent à leur reffembler & cette mâle vigueur, cotran ferme, hardr, original, qui caractérisoit sourtes les œuvres de nos maitres, dégénéra, fous nos touches lerviles & francifées, en de

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licateffe, en rafinement & en maniérage. Dumoins, continue l'auteur, fi ce tableau eft chargé, fi nos peintres ne font pas devenus littéralement les difciples des François, on ne peut nier qu'ils aient ceffé de donner exclufivement des leçons & des préceptes de leur art.

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Les dommages qu'effuyoit l'Italie en raifon des progrès que le deffin faifoit en France & ailleurs, s'étendoient jusques fur les arts qui en dérivent. Combien les feules gravures de Paris & de Londres ne coûtent-elles pas aux amateurs Italiens? Il eft vrai qu'en comparaifon des autres plaies que le génie vivi fiant & créateur du grand Colbert a faites à l'Italie, ceci & la confommation des vins de France, qui s'y introduifit fous le regne de Louis XIV, efpece de luxe inconnue aux fiecles précédens, n'eft qu'une bleffure qu'ils doivent à peine fentir.

Nous avons déjà remarqué quelques points de vue fous lefquels les panégyriftes deCol bert ont omis d'envifager ce grand homme. Il nous femble que celui que nous fournit M. Denina, n'étoit pas moins digne d'entrer dans fon éloge.

L'hiftorien, pour juftifier les obfervations politiques qu'il a femées dans fon ouvrage, & qui n'en font pas les morceaux les moins piquans, remarque judicieusement que les lettres n'ont vraiment d'attraits que parce qu'elles mettent ceux qui les cultivent à por

tée de les faire fervir au bonheur de la faciété, & de propofer, pár la voie des écrits, aux adminiftrateurs de la chofe publique de nouveaux moyens d'en relever les forces & la fplendeur; méditer pendant dix ans profondement les caufes de la grandeur & de la décadence des Italiens, examiner avec la plus grande attention l'hiftoire de 20 ficcles, en combiner les réfultats avec les vues des plus fçavans politiques, avec le fentiment des plus grands hommes d'état ; fe propofer d'éclairer par les faits, ceux qui font deftinés au maniment des affaires publiques, & cette claffe beaucoup plus nombreuse de lecteurs, qui s'intéreffe à tout ce qui roule fur les moyens d'améliorer le corps focial & la condition de l'homme; tels font les moyens qu'a employés l'auteur pour donner à fon ouvrage tout le degré d'utilité dont il étoit fufceptible; il ne pouvoit fe procurer de plus fûrs garants du fuccès. On fçaura beaucoup de gré au traducteur d'avoir enrichi la littérature françoife de ce bon ouvrage. Il ne pouvoit prouver, contre fon hiftorien même, & d'une maniere plus flatteufe, que l'Italie a encore des plumes mâles & vigoureuses. Au refte, nous ne pouvons nous difpenfer d'observer que Tuano en Italien, & Tuanus en latin, font la traduction du nom du célebre hiftorien françois de Thou, & qu'on chercheroit inutilement parmi tous nos hiftoriens le nom de Tuan, fous lequel M. l'abbé Jardin défigne celui-ci.

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Abrégé élémentairé de la géographie univerfelle de l'Italie, dans lequel on trouve tout ce qu'elle renferme de plus curieux dans la minéralogie, métallurgie, arts, manufactures, commerce, antiquités, &c., avec la defcription de fes villes principales, de fon terroir, des mœurs, coutumes, &c. Par M. Maffon, de Morvilliers. In 12, de 478 pag. A Paris, chez Moutard. 1774. Prix, 2 liv. 10 f., relié.

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'Auteur s'eft déjà fait connoitre par un Abrégé élémentaire de la géographie univerfelle de la France, dont nous avons rendu compte dans le Journal du 15 Juin dernier il se propose de publier fucceffivement la defcription des autres états de -l'Europe, & c'eft fur l'Italie qu'il fixe aujourd'hui nos regards. Toutes les géographies parlent de ce pays; mais ce qu'elles en difent, ne peut en donner qu'une idée très-imparfaite: elles ne nous offrent, la plûpart, que de triftes landes, au lieu d'un jardin charmant às qui la nature, en mere tendre, a prodigué les fleurs & les fruits.

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M. M. jette d'abord un coup d'œil rapide fur les anciens Romains, la puiffance des pes & l'exarcat de Ravenne, la fertilité, le terroir, les montagnes, les rivieres, les lacs, le commerce, la population, les mœurs,

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