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Terent fouvent par leur degré de perfection. On peut l'attribuer à ce que les fujets ne font pas affez analogues aux qualités de leurs facultés intellectuelles. Mais il arrive aufli qu'un auteur traite dans un tems avec beau coup de fuccès un fujet qu'il avoit tenté vainement de traiter dans un autre, au qu'il perfectionne une découverte jufqu'alors au-deffus de fes forces... Ici l'habitude ou quelque autre caufe occafionnelle donne à Pimagination une force qui, quoiqu'infenfible pour nous, la rend fupérieure à ellemême, foit en développant fes idées, foit en la difpofant à fuivre un rapport qui la conduit naturellement au but. Dans les circonftances moins heureufes la même cause attache fi fortement l'ame à une idée, ou à un rapport qui l'écarte de la vraie route, qu'il eft impoffible de vaincre la pente qu'elle y donne, quoiqu'elle foit diametralement oppofée à la découverte projettée. Si l'on n'en peut accufer ces caufes, on doit s'en prendre à ces inégalités du génie qui fe font remarquer affez fouvent. Quoique les principes d'affociation ne foient jamais fans forcé, ils ne font pas chez quelques-uns toujours difpofés à agir, ou à agir avec la même vigueur. Quelquefois ils font fi actifs, fi prompts à parcourir, à la moindre idée qui fe préfente, toutes celles qui y ont rapport, qu'on ne peut ni arrêter, ni modérer leur activité. Alors l'imagination brille de tout

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fon éclat ; & fi elle eft fortement attachée à fa fin, le génie eft dans fa plus grande vigueur; il met le fceau de la perfection à une découverte, à un fyftême, à un ouvrage qu'il auroit inutilement entrepris dans une difpofition moins favorable ».

« Pour produire cette vigueur, cette promp te facilité à inventer, il eft néceffaire qu'une perception, qui en rappelle plufieurs autres, leur ferve comme de fondement, que l'ame ne foit pas fortement engagée dans quelque autre genre de méditation qui la détourne de la route, & qu'il y ait un grand rapport entre la fituation de l'ame & le deflein. Si l'une ou l'autre de ces conditions de ces co manque, plus de facilité dans le travail, dans la recherche, dans le choix, dans la combinaifon des idées; l'imagination eft froide; la force affociatrice eft fufpendue; fi elle s'exerce, ce n'eft que fur des objets communs, & pour s'égarer dans des détails minutieux. Elle eft trop foible pour refter attachée à un plan. Elle flotte fans ceffe entre des réflexions vagues & fans importance. Tant que cette foibleffe d'imagination dure, "le génie eft dans un état de langueur: il entreprend fans ardeur, il s'épuife fans fuccès. Les idées lui manquent, ou elles ne le conduifent pas à fon but. Voilà ce qui explique pourquoi les inventions, & les découvertes les plus utiles ont été faites par hafard, & dans le moment où l'on cherchoit toute

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autre chofe, & pourquoi-les plus grands génies font quelquefois fort au-deffous d'euxmêmes. On ne fupplée pas plus au défaut de la faculté inventrice par l'application, qu'on ne produit le génie à l'aide de celleci. C'eft la force d'une imagination exaltée qui jette de l'éclat fur les productions, & qui les diftingue des ouvrages froidement compaffés & pefans."

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M. G. s'occupe dans la 3e. partie, des différentes efpeces de génie, qui ont pour bafe les divers fujets qu'il embraffe. Ou il cherche le vrai, ou il afpire au beau, au fublime. Dans les fciences le génie s'éleve par la pénétration; dans les arts, c'eft par la hardieffe & la vivacité. On développe enfaite les refforts que l'imagination déploie dans ces deux efpeces de génie, & les différences qu'un ufage réfléchi de la mémoire & du jugement met entre elles. Les deux fections fuivantes font deftinées à prouver que le goût eft effentiel au génie, & que les forces exécutrices lui font néceffaires dans les arts. La derniere eft confacrée à des recherches fur l'union des différentes especes de génie.

Cet ouvrage, defliné à faire connoitre les principales fources du génie, fes premiers élémens, & à en donner des leçons, eft du genre des productions didactiques; ainfi il devroit, ce nous femble, être, par fa clarté, à la portée des jeunes gens. Mais qui d'en

tre eux pourra fuivre l'auteur dans les pro fondeurs de la métaphyfique où il s'eft engagé? Longin a fçu éviter cet écueil; il eft dans fon traité du fublime, prefque toujours éloquent, fouvent fublime lui-même, partout clair & d'une conception facile. M. Gerard ne s'eft pas appefanti fur ces difcuffions philofophiques par où l'on s'efforce de faire, pour ainfi dire, l'anatomie des facultés intellectuelles, dans un autre ouvrage que nous connoiffons de lui. C'eft fon Effai fur le goût, couronné en 1756, par la fociété établie à Edimbourg, pour encourager les arts, les fciences, les manufactures & l'agriculture. Cette differtation, peutêtre trop peu lue, quoique traduite en françois, eft partout nette, précife, intelligible, & fortement penfée. On defireroit que M. G. eût fuivi le modele qu'il s'étoit fait à lui-même. fon nouvel effai, dépouillé de cet appareil fcientifique, n'en feroit que plus

utile.

The intereft of the marchants and manufactures of Great Britain &c. C'est-à-dire, De l'intérêt des marchands & des manufacturiers de la Grande-Bretagne, dans la conteftation actuelle avec les colonies. A Londres, chez Cadell. 1774.

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L ne faut pas une grande fagacité, di que les Américains peuvent fournir des denrées & des marchandifes à meilleur compte que l'Angleterre, & qu'il a été plus avantageux aux colons d'en tirer d'autres d'Angleterre, que de fe les procurer eux-mêmes. Il leur falloit défricher l'Amérique couverte de bois; pouvoient-ils employer aux manufactures des bras fi néceffaires à l'agriculture, avant d'avoir pourvu à leur fubfiftance? L'Angleterre fe chargea donc de leur fournir des marchandifes dont ils avoient befoin, & acheta ellemême leurs bois & le poiffon pêché fur leurs côtes, ou les leur fit acheter.

On découvrit que le tabac, plante indigene, réuffiffoit fupérieurement dans la Virginie. On en cultivoit déjà en Angleterre, & tout annonçoit qu'il s'y trouvoit très bien. Cependant, la légiflation confidéra que la métropole avoit un grand nombre d'autres objets à échanger contre le tabac de la Vir

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