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bite pour Caton & pour Brutus, qui déconcerte an peu ce projet, & il n'eft plus queftion d'Antoine, ni de Cléopâtre jusqu'à la fin de la scene, où Octave dit qu'il veut porter la tête de fon rival au fénat.

ACTE V. Le victorieux Antoine est toujours retenu dans le palais par la crainte des affaffins. Son cœur éprouve un retour vers Cléopâtre ; & au lieu de combattre & de mourir pour elle, il va entrer dans le tombeau des rois d'Egypte, & s'écrie, près d'y entrer :

O trifte monument! Reçois ce que la terre a produit de plus grand, Celui qui fous fon joug a fait plier la terre, Le deftructeur des rois, l'arbitre de la guerre.

Céfar n'eut point ainfi parlé de lui-même, & ce n'eft pas après la bataille d'Actium qu'Antoine doit s'exprimer ainfi. Cléopâtre furvient, lui annonce l'arrivée d'Octave, & Antoine fe tue. Scene entre Octave & la reine, qui lui reproche fes lâchetés, & qui fe retire. Monologue d'Octave qui ne veut pas regner. Retour de Cléopâtre, que la morfure de l'afpic vient d'empoifonner, & qui fe fait conduire dans le tombeau des rois d'Egypte. Octave se reproche le malheur de la reine, dont il ne doit guere fe foucier: il en conclut que la vertu doit chez lui retrouver fon autel, & qu'il doit être empereur, fans être criminel.

Telle eft cette tragédie, où l'on ne trouve ni intrigue, ni intérêt, ni action; également démuée de caracteres, de dialogue & de ftyle. Si nous avons infifté fur cet ouvrage, c'eft que nous avons cru devoir faire juftice de la fupercherie qui voudroit faire attribuer cette production malheureuse à un écrivain diftingué dans un autre genre, & trop au deffus d'un pareil foupçon.

LE BARBIER DE SÉVILLE, comédie en profe, & én 5 ades. Par M. de Beaumarchais, repréfentée à la comédie françoife, le 23 Février 1775.

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I nous nous étions preffés de parler de cette nouveauté, fi fort attendue, nous n'aurions pu annoncer que les défagrémens qu'elle éprouva le, premier jour; mais réduite en 4 actes, & purgée d'un grand nombre de pasquinades, de calembourgs, de jeux de mots, & de différens traits d'un comique un peu bas, on l'a vue depuis auffi applaudie, qu'elle l'avoit d'abord été peu. Ce n'eft pas que les changemens en aient fait une véritable comédie; les moyens n'y étoient pas; mais comme une farce de carnaval, jouée fupérieurement nous concevons qu'elle ait pu échapper à la profcription universelle de fa premiere repréfentation.

Il fera difficile, fans doute, pour le journalif te même le plas exercé, de tracer le plan de cette comédie, parce qu'elle en a peu, & qu'il n'offre en général que des fcenes liées prefque au hazard, à la maniere de ces canevas italiens, où l'on ne confulte ni vraisemblance, ni aucune des unités, ni marche naturelle & progreffive. Nous nous bornerons donc à une idée fuperficielle de cette piece.

Un vieux docteur en médecine, de Madrid, tuteur & amant d'une jeune & jolie pupille, s'eft apperçu qu'un grand feigneur vouloit lui ravir fa proie. Il a pris la fuite, & eft venu s'établir à Séville. Le comte d'Almaviva a fuivi fes traces & croit être sûr, depuis quelques jours, que c'est fon amante qu'il voit les foirs à travers les barreaux d'une jaloufie. Dans le defir qu'il a de s'en convaincre, & fe promenant fous le balcon de

Rofine, il apperçoit une figure qu'il croit reconnoitre. C'eft, en effet, un drôle qui a été à Madrid; il eft barbier, & comme le Crispin des Folies amoureufes, il a fait tant de métiers d'après le naturel, qu'il pourroit s'appeller un homme univerfel. C'eft ce barbier, nommé Figaro, qui eft l'intrigant de la piece, qui confeille au comte des traveftiffemens pour entrer dans l'impénétrable maison du docteur Bartholo, afin de pouvoir donner à Rofine une réponse à un billet qu'elle a fait tomber de fon balcon, en préfence de fon tuteur. D'abord le comte s'introduit en foldat ivre, qui a un billet de logement chez le docteur; mais comme il en eft exempt par fa qualité de médecin des hôpitaux, cette pemiere rufe ne réuffit pas. Il a beau dire, comme l'Arlequin, enfant, ftatue, & perroquer, qui a auffi une lettre à remettre, voilà la lettre, prenez la lettre, attachez-vous à la lettre; on ne l'a point entendu, & il reparoit, comme dans le Malade imaginaire, à la. place du maitre de mufique de Rofine, qui l'envoie donner Icon.

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On ne conçoit gueres comment le comte prend toute cette peine pour remettre une lettre, tandis que Figaro, chirurgien de la maifon du docteur, a fes entrées chez lui. Ce Figaro de fon côté, fous le prétexte d'aller chercher le plat à barbe de Bartholo, prend la clef du balcon le jeune Espagnol doit enlever la nuit prochaine, la pupille, qui fe prête à tout, & qui met peu de décence & de retenue dans fa conduite. (*) Ce qui n'eft gueres plus aifé à comprendre, c'eft que Bartholo, médecin, laiffe purger tous fes domeftiques par fon barbier, qui

(*) C'eft l'obfervation de beaucoup de gens; mais ils ne réfléchiffent pas que la contrainte, le défaut de liberté donnent en Espagne, & prefque partout, cet oubli des bienféances chez les jeunes perfonnes.

Tom. III. Part. I.

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par fes remedes, leur cause les accidens les plus dangereux; ce qui prouve qu'il n'eft point jaloux des prérogatives de fon état. La nuit vient: Bartholo fçait les deffeins de fon rival pour s'introduire chez lui, & il abandonne la maison pour aller on ne fçait où. Le comte s'eft donné la peine de monter au balcon par une échelle avec Figaro, quoique la porte ne foit pas fermée, puis on voit arriver un notaire, & le confeil du docteur. Enfin, on figne le contrat de mariage du comte & de Rofine, fans que Bartholo pareiffe: il ne vient que lorfque tout eft fait, & pour signer lui-même, aux conditions qu'on ne lui demandera pas compte du bien de fa pupille. Tel eft le fond de cette farce, qui produit quelques fcenes de mouvement & de gaîté folle.

On trouve à la jeune perfonne tous les défauts d'une fille mal élevée : l'amant paroit s'avilir par un des perfonnages qu'il joue: le tuteur, qui d'abord pénétroit tout, fe laiffe atrapper comme un imbécille : Figaro, dit-on, dit-on, reffemble à tout; rien n'eft lié, rien n'eft conduit; mais, malgré tout cela, on rit à cette piece autant qu'à celle d'Arlequin, voleur, juge & prévôt ; & c'eft probablement tout ce que demandoit l'auteur, fi célebre par d'autres écrits, dont le mérite brillant ne peut être contefté.

Nous ne nous permettrons plus qu'une réflexion que fait naître le fort de cet ouvrage. Pendant plus d'une année, il a été lu dans tout Paris; il a été fêté, préconifé; & pour ne pas le voir entierement expirer fur le théâtre, il faut le mutiler, le changer, l'élaguer, le refondre. Quel auteur déformais fe fera un titre des arrêts des petits tribunaux particuliers dont cette capitale fourmille, & auxquels bien des gens font tentés d'attribuer la perte du goût?

Précis d'un mémoire fur une machine à électriser d'une efpece particuliere; par M. Le Roi, de l'académie royale des fciences de Paris; inféré dans le Journal de phyfique du mois de Janvier dernier.

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A phyfique, dit M. de Voltaire, est une mi

ne dans laquelle il faut defcendre avec des machines: il feroit difficile de préfenter une image plus jufte des difficultés de cette fcience, & des moyens que nous avons pour les furmonter: en effet, tous ces inftrumens & toutes ces machines qu'emploie la physique, font les véritables armes avec lesquelles on peut attaquer la nature, & la forcer à nous révéler fes fecrets; car l'expérience variée par toutes les combinaisons poffibles, pouvant feule nous mener à la découverte des cau les, ces machines, en étendant nos organes, nous fourniffent les moyens de reconnoitre des phénomenes que, fans leur fecours, nous n'euffions ja➡ mais découverts. Quoiqu'on fente, chaque jour, la néceffité de perfectionner & de multiplier les machines phyfiques, nos progrès font néanmoins fi lents & les découvertes fi rares, qu'il fe paffe quelquefois bien du tems avant qu'on parvienne ou à perfectionner les machines déjà connues ou à en employer de nouvelles : pour s'en convaincre, il fuffiroit de jetter un coup d'oeil fur l'hiftoire des moyens dont on s'eft fervi pour électrifer les corps. Vers 1740, quelques phyficiens allemands, afin de s'épargner les fatigues qu'on éprouvoit en faifant de l'électricité avec des tubes de verre, imaginerent de leur fubftituer des globes de la même matiere, qu'on électrifoit en leur donnant un mouvement de rotation rapide fur leur axe, & en les frottant, en même tems, avec les deux mains. Ce moyen_eut un fuccès

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