parties habitaient la même ville. Les parties pouvaient donc négliger la forme de la stipulation avec la presque certitude de l'impunité. Pour mettre fin à ces procès, Justinien décida que « les écrits portant indication de la présence des parties en feraient pleine foi; à moins que celui qui a l'improbité de recourir à de pareils moyens ne prouve de la manière la plus évidente, soit par écrit, soit par témoins dignes de foi, que pendant tout le jour dans lequel l'écrit a été fait, lui ou son adversaire était dans un autre lieu » (loi 14, C. 8, 38. - Inst. III, 19 § 12). Justinien donne ainsi à l'écrit qui constate la stipulation, une force probante à peu près absolue, et par suite il autorise l'abandon de la forme verbale de la stipulation: si deux personnes sans se voir ni se parler s'accordent pour rédiger un écrit constatant qu'elles ont fait une stipulation, pourvu qu'au jour de la date de l'acte elles se trouvent dans le même lieu, leur écrit sera inattaquable. En définitive, la rédaction d'un écrit, bien que dépourvue de toute solennité, produisait les mêmes résultats qu'un acte solennel et public. La stipulation subsiste en théorie; de fait elle est abrogée. Pour mettre d'accord la théorie et la pratique il aurait fallu donner à l'écrit la force de la stipulation; cette réforme, qui devait être le terme de la lente évolution accomplie par le droit contractuel, ne fut jamais réalisée par la législation romaine, du moins si l'on considère l'ensemble de cette législation. Car dans quelques hypothèses spéciales l'écrit est assimilé au contrat verbal: Ainsi les fidejusseurs fournis par le tuteur pour assurer sa responsabilité vis-à-vis du mineur sont obligés par le seul fait de l'inscription de leurs noms sur les acta publica, « comme si la stipulation avait eu lieu suivant les formes légales » (loi 4, § 3, D. 27, 7) tandis qu'auparavant c'était un esclave public ou le magistrat lui-même qui stipulait au nom du mineur (loi 1, §§ 15 et 16. D. 27, 8); en second lieu la stipulation de restitution de dot est sous-entendue dans les instrumenta dotalia (loi uniq. C. 5, 3); enfin une novelle de 539 relative au compromis dispose que la déclaration écrite par laquelle une partie se soumet à la sentence de l'arbitre sera réputée contenir une clause de stipulation (loi 4, § 6, C. 2, 56) (1). Dans ces trois cas le législateur avait simplifié les solennités de la stipulation à tel point que même en droit l'écrit en était devenu l'équivalent; mais il ne poussa pas plus loin la simplification. Il était réservé au droit moderne d'achever la réforme ébauchée par le législateur byzantin. - Dans les contrats autres que la stipulation, l'écrit n'est en principe qu'un moyen de preuve. « Dans la vente qui est un contrat de bonne foi, dit le jurisconsulte Paul, c'est à tort que l'on exige la présentation d'un écrit probatoire si l'existence du contrat peut être établie de quelque autre manière (Sentences II, 17, § 14 cf. Gaius loi 4, D. de fide instr.) La vente, dit encore un rescrit de Dioclétien, (loi 10 C. 4, 21) doit produire ses effets encore qu'aucun écrit n'ait été dressé; plusieurs constitutions impériales font l'application de cette règle à des espèces (1) M. L. Stouff: Formation des contrats par l'écriture dans le droit des formules, Nouv. Rev. hist.. n' de mai-juin 1887). particulières (lois 4 et 12, C. de probat. loi 12, C. de fide instr.). Tels sont les principes du droit classique et du Bas-Empire, sous Justinien ils restent encore en vigueur: toutes les fois que les parties ne se proposent pas de faire la vente par écrit, l'accord des volontés sur la chose et sur le prix suffit à parfaire le contrat; les arrhes qu'il est d'usage de donner en attendant l'exécution du contrat sont un simple moyen de preuve (Inst. III, 23 pr.). Mais si les parties ont voulu dresser un écrit, la naissance du contrat sera-t-elle retardée jusqu'à sa rédaction? il faut distinguer suivant l'intention des. parties. Les parties conviennent de rédiger un écrit, tout en formant de suite le contrat. S'il s'agit d'un contrat consensuel, d'une vente par exemple, chaque partie pourra, sauf à prouver la formation du contrat, demander en justice ce qui lui est dû; elle pourra en outre réclamer la rédaction d'un écrit probatoire, car la convention qui s'est produite à ce sujet entre les parties est sanctionnée par l'action même du contrat ; c'est l'application du principe que le pacte adjoint in continenti fait partie du contrat de bonne foi. Le contrat est-il réel ou innommé, la partie qui aura exécuté la prestation mise à sa charge, aura les mêmes droits que si le contrat était consensuel (1). Il est possible aussi que les parties aient eu l'intention de ne s'obliger qu'au moment où l'écrit serait achevé; jusque là le contrat n'est qu'un projet que chacune d'elles est libre d'abandonner sans en (1) Accarias, Précis de dr. romain, t. II, p. 563, (3° édit.). courir aucune peine. Les parties en effet consentent. quand elles veulent, et rien ne s'oppose à ce qu'elles fassent concorder l'instant où elles donnent leur consentement avec celui où l'écrit est parfait. Dans ce cas le contrat devient formaliste, l'écrit intervient ad solemnitatem. La confection de l'écrit est en outre subordonnée à certaines règles dont l'inobservation empêche la formation de l'obligation: ainsi le brouillon (sheda) rédigé par les parties on un de leurs esclaves ne suffit pas; pour que l'instrumentum soit complet il faut qu'il ait été mis au net (in mundum), confirmé par les signatures des contractants ou revêtu de leurs sceaux. De plus s'il s'agit d'un acte publicè confectum, l'acte ne produit d'effet que lorsque le tabellion l'a revêtu de la mention de la completio et que la remise des titres a été effectuée. Jusqu'à l'entier accomplissement de ces formalités il n'y a pas vente (Inst. III, 23 pr.). Au reste cette solution n'a rien de spécial à la vente, Justinien l'étend expressément à toute espèce de contrats (loi 17, C. IV, 21). Mais la liberté laissée aux parties de se dédire jusqu'à la rédaction de l'écrit suppose qu'il n'a pas été donné d'arrhes: en effet la remise des arrhes devient dans notre hypothèse un contrat accessoire qui se règle indépendamment du contrat principal: si, par exemple, c'est le vendeur qui les a fournies et qu'elles consistent en argent il ne pourra refuser d'acheter qu'en les abandonnant au vendeur, et celui-ci ne pourra refuser de vendre qu'en restituant une somme double. Dans la constitution que nous venons de citer, Justinien modifie la pratique antérieure: il ne distingue plus, lorsque les parties sont convenues de passer acte de leur contrat, si le marché a été conclu de suite ou au contraire si son existence a été subordonnée à la rédaction de l'écrit. Pour éviter les procès relatifs à l'interprétation de la volonté des parties ce prince pose en règle générale qu'on ne recherchera plus si, dans leur pensée, le contrat tient ou non son existence de la perfection de l'écrit: on présume que toutes les fois que les parties ont voulu rédiger un instrumentum elles ont entendu faire de cette rédaction une condition essentielle de leur engagement. Quant à savoir avec certitude si les parties s'étaient proposé de faire un écrit, il n'y avait que l'usage pour résoudre la question lorsque le contrat était de ceux qu'on avait coutume de faire par écrit, comme une vente immobilière, le juge devait présumer que l'intention des parties était de se conformer à l'usage. Cette présomption était conforme à l'idée que les Romains se faisaient le plus souvent de la fonction de l'écrit probatoire l'écrit n'était pas seulement pour eux une preuve, il était aussi un élément formel du contrat. Si en effet la théorie distingue le negotium et l'instrumentum le contrat et l'écrit qui le prouve, un autre point de vue domine la pratique : les contractants ne se croient obligés que lorsqu'un signe, l'écriture, affirme leur volonté. Aussi bien tant qu'il n'y a pas d'écrit le droit manque le plus souvent de preuve; et au point de vue du résultat pratique le défaut de preuve équivaut à l'inexistence du contrat. De là ce préjugé si répandu que c'est dans l'écrit que réside le principe de l'efficacité du contrat, préjugé qui fut quelquefois partagé par le législateur, puisque dans une constitution d'Alexandre Sévère déjà citée la cautio est qualifiée d'obligatio (loi 7, C. 4, 30). |