FACULTÉ DE DROIT DE PARIS ÉTUDE SUR LA FORME DES ACTES DE DROIT PRIVÉ EN DROIT ROMAIN ET DANS LE TRÈS ANCIEN DROIT FRANÇAIS THÈSE POUR LE DOCTORAT Soutenue le Mercredi 17 Juillet 1889, à 3 heures ÉDOUARD DUCHEMIN. ÉDITEUR 18, RUE SOUFFLOT, 18 ل La Faculté n'entend donner aucune approba tion ni improbation aux opinions émises dans les thèses; ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs. JUN 27 1921 PROLOGUE Dans son sens le plus général, la forme est tout ce qui se rattache à l'expression de la volonté dans les conventions; toute convention a donc une forme aussi bien qu'un objet. Rien n'est plus complexe que la forme: elle varie suivant les peuples, les époques et la nature juridique des actes. Une étude d'ensemble sur ce sujet doit. donc tenir compte de multiples influences et faire des distinctions nombreuses. Cependant, il est une distinction fondamentale en droit et qu'on rencontre en fait dans toutes les législations c'est celle qui existe entre la forme orale et la forme écrite. Elle correspond d'une part à l'ordre chronologique, la parole étant la forme naturelle et primitive de l'expression des idées ; d'autre part, aux deux sens du mot acte. En effet, ce mot désigne à la fois ce qui s'est passé id quod actum est, et l'écrit rédigé pour constater ce qui s'est passé; de sorte que dans le même terme, se trouvent confondues deux notions bien distinctes: le fait (gestum, negotium juris) affectant en général la forme orale, et la preuve du fait (scriptum instrumentum) inséparable de la forme écrite. Orale ou écrite, la forme est de deux sortes: ou bien elle est abandonnée à l'initiative des parties, et alors elle se diversifie à l'infini suivant les mille accidents du commerce juridique et la volonté des con tractants; ou bien elle est solennelle et préconstituée; c'est-à-dire déterminée d'avance par la loi ou la coutume et toujours immuable. Dans ce dernier cas, elle est soumise à des règles précises comme les autres éléments du contrat. C'est la forme proprement dite. Celle-ci peut intervenir dans trois buts différents : soit afin de porter la convention à la connaissance des tiers (ad publicitatem), soit comme élément constitutif de l'acte (ad solemnitatem), soit enfin pour le prouver (ad probationem). Rarement ces trois éléments seront réunis dans un même fait juridique ou exigés à propos d'une même convention; le plus souvent nous les trouverons séparés. Toutefois il en est un qui est en quelque sorte inséparable de la forme. c'est l'élément probatoire: en effet, la forme préconstituée assure presque toujours la preuve de l'acte public ou solennel; quant à la forme individuelle, c'est la preuve qui est le but unique de son intervention : telle est la raison d'être des écritures privées. Dans le travail que nous allons entreprendre, nous étudierons la forme des actes à ce triple point de vue; nous en suivrons pas à pas les modifications successives à travers la législation romaine et les origines de notre droit jusqu'au moment où les principes modernes seront définitivement acquis. C'est donc le développement historique de la forme des conventions qui nous fournira le plan de cette étude. Dans le droit romain primitif, les actes formalistes (1) sont à la fois publics et solennels: ils sont (1) Je dis formalistes par opposition aux contrats qui ne sont assujettis à aucune forme et qui sans nul doute étaient fort nombreux. faits en présence du peuple assemblé dans ses comices et suivant certains rites prescrits par la coutume. Dans les actes ainsi conclus, ce qui prédomine c'est évidemment la publicité, l'élément solennel ne vient ensuite; enfin par là même qu'ils ont été passés en public, les assistants peuvent témoigner de ce qu'ils ont vu, mais ce n'est là qu'un élément accessoire. Les contrats les plus importants de la vie civile, ceux qui intéressaient la prospérité et l'avenir des familles, devaient être faits en cette forme; dans le droit de l'époque postérieure, nous trouvons encore des vestiges de ce système: le testament et l'adrogation. se font toujours dans les comices. Dans une seconde phase, les progrès du commerce juridique aidant, c'est seulement devant les représentants du peuple, témoins ou magistrats, que les conventions sont passées: cette nouvelle forme réunit dans une certaine mesure les mêmes avantages que la précédente, les classici testes ou témoins solennels jouant le rôle du peuple; mais l'importance de l'élément de publicité diminue, le contrat tend à devenir simplement solennel. Cette transformation est enfin réalisée lorsqu'il suffit pour rendre un contrat valable, selon le droit civil, de l'accomplissement de certaines formalités par les parties elles-mêmes, sans l'intervention d'un tiers. Dans ce cas, il est vrai, la preuve du contrat était plus difficile à faire aussi prit-on l'habitude d'appeler à la conclusion des contrats solennels des témoins choisis par les parties et en nombre variable; c'étaient les témoins préconstitués, c'est-à-dire requis spécialement pour assister à la formation de l'acte. En cas de contestation sur l'existence ou l'objet de l'acte, ces té |