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CHAPITRE PREMIER

DE L'ERREUR SUR L'OBJET

Les actes de dernière volonté sont des actes simples qui n'exigent, pour être valables, que la volonté d'une seule personne, celle du disposant.

Il n'en a pas toujours été ainsi. Dans le très ancien droit, le testament se faisait par une familie mancipatio, c'est-à-dire par un acte conventionnel (1). Mais, à l'époque classique, ces actes étaient unilatéraux.

Les actes de dernière volonté sont de deux sortes; les uns contiennent des dispositions à titre universel: ce sont l'institution d'héritier, le fidéicommis de la totalité ou d'une quote-part de l'hérédité; les autres ne renferment que des dispositions à titre particulier: ce sont les legs et le fideicommis portant sur telle ou telle chose

(1) Nouvelle Revue historique, 1887. Étude sur le testament per œs et libram.

déterminée, soit quant à son individualité, soit seulement quant à son genre.

SECTION PREMIÈRE

De l'erreur sur l'objet dans l'institution d'héritier.

L'objet de l'institution d'héritier n'est autre que l'hérédité elle-même. En pareil cas, l'erreur ne peut consister que dans une divergence, un désaccord entre la volonté du testateur et l'expression de cette volonté. Par exemple, le testateur voulait instituer Titius pour moitié. En réalité, par suite d'une distraction du testateur qui écrivait ses dernières volontés, ou du scribe auquel il les dictait, Titius ne se trouve porté sur les tablettes que pour un quart; ou, à l'inverse, le testateur ne voulait instituer Titius que pour un quart, et, en réalité, celui-ci se trouve porté sur les tablettes pour moitié. Que décider dans ces hypothèses? Doit-on s'attacher à la lettre même du testament ou à la volonté du testateur? Ulpien, suivant l'opinion de Celsus, fait une distinction (1): dans le premier cas, faisant prévaloir la volonté sur l'écriture, il déclare que Titius sera héritier pour moitié; dans le second, au contraire, c'est le texte du testament qui prévaut, et Titius bénéficie de l'erreur

matérielle.

(1) L. 9, § 2 et 3. D. De hered. institut., XXVIII, 5.

La première solution nous parait fort sujette à critique; elle est de nature à faire naître nombre de procès dans lesquels les héritiers demanderont à soutenir que le testateur voulait les instituer pour une part plus forte que celle pour laquelle ils figurent en réalité dans le testament. Aussi, ne croyons-nous pas que les Romains l'aient admise avec le caractère de généralité que paraît lui donner Ulpien. En principe, quand le texte du testament est clair, on doit s'y conformer: « Quum in verbis nulla ambiguitas est, non debet admitti voluntatis quæstio. »

Pour comprendre la décision donnée par Ulpien, au cas où le testateur aurait entendu donner à Titius une somme supérieure à celle pour laquelle il est, en réalité, porté sur les tablettes, il faut se rappeler qu'il y avait à Rome deux manières de tester: la forme secrète et la forme publique. Le testament a-t-il été fait dans la forme secrète? On n'aurait pas admis la prétention de l'héritier qui serait venu dire que le testateur entendait lui faire une libéralité supérieure à celle indiquée dans le testament. Le testament était-il nuncupatif ou public (1)? Le testateur a fait connaître ses dernières volontés en présence de sept témoins à haute et intelligible voix; puis, par mesure de précaution et à titre de moyen de preuve, il a écrit ou fait écrire par un testamentarius les dispositions qu'il venait de prononcer.

Dans cette hypothèse, la déclaration orale constitue

(1) Instit., § 14, De teslamentis ordinandis.

tout le testament; quant à l'écrit, il ne sert que de moyen de preuve. Or, c'est entre les paroles et l'écrit que se trouve la divergence. L'héritier invoque le testament, c'est-à-dire la déclaration verbale; il dit qu'elle lui confère des droits plus grands que l'écrit, il est juste de l'admettre à prouver sa prétention, en faisant intervenir les personnes qui ont été témoins au testament nuncupatif. Dans ce cas spécial, il est rationnel que la volonté du testateur puisse prévaloir sur l'acte écrit qui la constate; en toute autre circonstance, quand une disposition de dernière volonté ést claire par elle-même, les héritiers institués ne doivent pas être admis à prouver contre elle.

SECTION II

De l'erreur sur l'objet dans les legs et les fideicommis.

Le legs est la distraction d'une partie de la masse de l'hérédité au profit d'un tiers; c'est, disent les textes, une delibatio hereditatis.

Il peut se produire dans les legs, notamment dans le legs partiaire, une erreur analogue à celle que nous avons signalée relativement à l'institution d'héritier, c'est-à-dire une erreur portant sur la quantité : le testateur a voulu léguer le quart et il a écrit la moitié, ou, à l'inverse, il a voulu léguer plus et il a écrit moins.

Paul (1) nous dit que la volonté du testateur doit prévaloir sur l'écrit. Il nous semble que ce texte doit être interprété de la même manière que la loi 9 De hered. instit.; le testament est-il secret ou mystique? Il faut ajouter foi à l'écriture et ne pas rechercher la volonté du teslateur, autrement, on ouvrirait la porte à de nombreux procès d'une solution difficile, et d'ailleurs cela est logique, car dans le cas qui nous occupe, c'est l'écri ture qui donne la forme et la vie au testament, acte solennel; c'est donc à l'écrit qu'il faut s'attacher rigoureusement. Au contraire, le testament est-il nuncupatif? ce sont les paroles prononcées en présence de témoins qui constituent le testament. L'écrit joue ici un rôle secondaire; il n'intervient que pour la preuve, au cas où la mémoire des témoins ne serait pas fidèle; le légataire a la faculté de faire appel aux souvenirs des témoins et de les faire déposer sur le point de savoir si le testateurne lui a pas légué une part supérieure à celle indiquée dans l'écrit. En d'autres termes, le légataire profite ou souffre nécessairement de l'erreur d'écriture dans le testament mystique; au contraire, dans le testament nuncupatif, il peut, ainsi que l'héritier, se soustraire à ses conséquences en faisant intervenir les témoins.

Si nous supposons un legs de corps certain, l'erreur portera soit sur l'existence matérielle ou juridique de la

(1) Loi 15 princ. D. De legatis, 1°.

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