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actes de dernière volonté, quelles que soient les circonstances où ils sont intervenus.

La cause est nécessaire à la validité des actes juridiques comme la volonté elle-même : c'est un élément essentiel à leur formation. Un acte juridique qui n'aurait pas de cause n'aurait aucune valeur; en droit, il serait inexistant.

Il s'ensuit que l'on doit considérer comme sans valeur tout legs ou tout fidéicommis d'où serait absente la volonté libérale, l'intention de faire du bien a la personne gratifiée. Tel est le cas pour le legs fait nomine pœnæ ; les jurisconsultes romains le déclarent nul, parce que l'on n'y trouve pas le sentiment de bienveillance qui doit animer le disposant envers le légataire. Pour la même raison on annulait aussi l'institution d'héritier faite à titre de peine (1), bien que le caractère de libéralité fût moins évident dans l'institution d'héritier que dans le legs et le fideicommis.

Quant aux motifs qui peuvent déterminer le testateur à se montrer libéral ou, en d'autres termes, quant aux

droit romain, cependant, l'institution d'héritier peut avoir une autre cause par exemple, le désir de ne pas mourir intestat et d'éviter ainsi l'infamie attachée à la bonorum venditio. Mais, en général, l'institution d'héritier puise sa source dans une intention libérale du testateur envers l'institué; c'est à ce point de vue que nous nous plaçons dans notre discussion sur la différence entre la cause et le motif.

(1) Instit., § 36, de legutis, II, 20.

causes qui produisent chez lui l'intention de donner, cause de la libéralité, ils peuvent être très divers. Je vous institue héritier, par exemple, parce que je crois que mon fils est mort et que vous êtes après lui la personne pour qui j'éprouve le plus d'affection. Je fais un legs en votre faveur, parce que vous m'avez sauvé la vie, et pour obéir ainsi à un sentiment de reconnaissance; je fais un legs au tuteur que je nomme à mon fils, afin de le récompenser des soins qu'il donnera à l'administration de sa fortune.

Il importe donc de distinguer soigneusement la cause et les motifs dans les actes de dernière volonté. La cause, c'est l'intention libérale du testateur; les motifs, ce sont ies circonstances qui l'ont déterminée.

Il résulte de là que l'erreur sur la cause ne se conçoit pas; il ne peut être ici question de fausse cause, comme dans les actes à titre onéreux. Quand un débiteur paye une dette qui n'existe pas, parce qu'elle a déjà été payée, il y a une fausse cause, car le débiteur a pour but d'obtenir sa libération; or, ce résultat ne peut être atteint, puisque cette libération est un fait accompli.

Au contraire, quand un testateur institue Mævius pour héritier, parce qu'il croit que son fils Titius est mort; qu'il fait un legs à Publilius, parce qu'il croit que celuici lui a sauvé la vie, ces libéralités n'ont pas une fausse cause; elles ont une cause véritable, qui est l'intention. libérale. Ce qui est faux, ce sont les motifs qui ont déterminé celte intention libérale.

Cette observation est d'une importance capitale, car, tandis que l'absence de l'intention libérale entraîne la nullité radicale de la disposition, l'inexistence des motifs qui ont pu agir sur la volonté du disposant ne produit pas le même effet. Dans le premier cas l'acte manque de cause, il est existant; dans le second, il est entaché d'un vice qui le rend simplement annulable.

Nous ne parlerons donc pas de la fausse cause, ce serait traiter de l'absence de volonté.

Examinons les effets du faux motif, et voyons quelles ont été en cette matière les décisions des jurisconsultes

romains.

L'institution est nulle si elle a pour fondement, pour motif déterminant, un fait erroné, sans lequel le testateur n'aurait pas fait cette disposition.

Cette solution s'appuie sur un texte célèbre, la loi 92, Dig (de hered. institut., XXVIII, 5), qui statue sur le cas suivant :

Androsthène avait, par un premier testament, institué Pactumeia Magna, sa nièce ex fratre. Le père de l'instituée étant décédé, le bruit couru que sa fille était morte aussi. Dans cette croyance, Androsthène fit un nouveau testament ainsi conçu : « Quia heredes, quos volui habere mihi, continere non potui, Novius Rufus heres esto. » Il greva en outre son nouvel héritier de différents legs. Le testateur étant décédé, sa nièce Pactumeia Magna attaqua le dernier testament, prétendant que le défunt avait été déterminé à instituer Novius Rufus uniquement par la

croyance que la première héritière instituée était morte. Il fut reconnu qu'elle avait droit à l'hérédité. Les termes mêmes du second testament indiquaient que c'était l'erreur seule, où se trouvait le testateur relativement à la mort de sa nièce, qui l'avait déterminé à faire une nouvelle institution cette institution, basée sur une fausse croyance, n'était pas valable.

Cette décision est également applicable au legs fait dans les mêmes conditions d'erreur. Le légataire qui intentera contre l'héritier l'action ex testamento pour se faire délivrer la chose léguée se verra repoussé par l'exception de dol si probetur alias legaturus non fuisse (L. 72, § 6, D. de condit.; L. 1 C. de falsa causa, VI, 44).

Mais pour qu'il en soit ainsi il faut que le motif reconnu plus tard erroné ait été la condition déterminante du legs. Autrement, nous dit Justinien : « falsa causa legato non nocet (1); » le faux motif ne nuit pas à la validité du legs, on le considère comme une énonciation accessoire, dont la fausseté est sans influence sur la volonté du testateur.

Sur le point de savoir s'il est nécessaire que la cause de l'erreur, pour amener la nullité de la disposition, se trouve énoncée dans le testament même, il y eut controverse entre les anciens commentateurs du droit romain.

Bartole exige que la preuve de l'erreur, qui a déterminé la disposition, résulte du testament même, et il fonde

(4) Instit., § 31, II, 20. Ulpien, XXIV, 19.

son opinion sur la loi 27, § 4, D (de inoff. testam., V, 2). D'autres auteurs, parmi lesquels Furgole, estiment qu'en pareil cas l'erreur peut se prouver d'une manière quelconque, et que, de quelque façon qu'elle soit justifiée elle produira son effet. Nous nous rallions à cette théorie. Nous invoquons en ce sens la loi 72, § 6 (XXXV, 1), déjà citée; les termes généraux de cette loi, si probetur alias legaturus non fuisse, comprennent toute espèce de preuves, même prises hors du contexte du testament.

Quant à l'argument tiré par Bartole de la loi 27, § 4, au Digeste (V, 2), il n'est pas décisif. Il ressort seulement de cette loi que, quand une mère a disposé en faveur d'un tiers, dans l'opinion que son fils était mort, ce fils peut intenter la querela inofficiosi testamenti; mais cette faculté n'exclut pas du tout le moyen qui résulte de l'erreur.

Ajoutons que la loi 28 du même titre, qui statue sur un cas analogue, n'indique nullement que la preuve de l'erreur soit contenue dans le testament l'hérédité est cependant attribuée au fils, qu'une institution fondée sur une croyance erronée dépouillait.

Dans notre droit français actuel, l'opinion générale est que, pour annuler un testament à raison de la fausseté des motifs, il faut que ces motifs résultent du texte même du testament (1).

(1) Voyez Aubry et Rau, VII, page 66, et les autorités qu'ils citent.

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