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moitié entre le maître de l'institué et le substitué

Mævius.

Ón a donné de ce fait plusieurs explications:

Première interprétation proposée par Cujas. Il y a dans le texte une erreur de copiste. Julien décidait que l'institué Titius acquérait et faisait acquérir à son maître toute l'hérédité. La pensée du jurisconsulte était que l'erreur du testateur sur la qualité de l'institué ne suffisait pas à vicier la disposition, probablement parce qu'il n'était pas certain que le testateur n'eût pas maintenu l'institution, même sachant qu'elle était faite en faveur d'un esclave. Julien écrivit donc que le maître de l'esclave recueillerait la totalité de l'hérédité « as». Le copiste, se trompant, crut que « as » n'était que l'abréviation de « alter semis », et il remplaça le premier mot par la seconde expression.

Il paraît difficile d'accepter cette explication; le sens général du texte y répugne. Le jurisconsulte a, sans aucun doute, admis la division de l'hérédité entre le maître de l'institué et le substitué; la fin du texte : « ut... inter eum, qui dominus instituti heredis fuerit, et substitutum æquis portionibus dividatur » ne laisse aucun doute sur ce point. D'autre part, la loi 41 vient corroborer la solution de la loi 40: Pomponius nous dit formellement que l'hérédité se divise par moitié; l'esclave Titius ne recueille donc pas la totalité.

Deuxième interprétation. - Le texte de Julien formule l'hypothèse d'une façon elliptique. Il faut sous-entendre

que le testateur a institué non seulement Titius, mais encore Mævius, puis qu'il les a substitués réciproquement entre eux; il a dit : « Titius et Mævius heredes sunto, » ensuite il a substitué Mævius à Titius, et Titius à Mævius.

S'il en est ainsi, on comprend parfaitement que Titius et Mævius arrivent tous les deux à l'hérédité et se la partagent; c'est l'effet de l'institution faite conjointe

ment.

Quant à la substitution, elle ne s'ouvre pas, puisque aucun des deux institués ne se trouve défaillant.

Mais, observera-t-on, dans cette hypothèse le texte était bien inutile. Il allait de soi que les deux institués, arrivant ensemble, se partageraient l'hérédité.

Nullement, répondent les auteurs de la seconde interprétation; la décision de Julien n'était pas inutile. En effet, un doute existait à raison de l'erreur du testateur : Mævius pouvait soutenir que le testateur, s'il avait connu l'état d'esclave de Titius, ne l'aurait pas institué; que, par suite, Titius doit être exclu, et que c'est à lui, Mævius, de recueillir sa part en qualité de substitué. Julien écarte cette prétention de Mævius en décidant que, dans l'espèce, l'erreur sur la qualité ne rend pas nulle l'institution.

Nous repoussons également cette seconde explication; car 1° elle ajoute au texte; le testateur a institué un héritier Titius, Julien ne dit pas qu'il en a institué deux; 2o les lois 40 et 41 se rapportent à la même hypothèse.

Or, Pomponius nous présente l'esclave que le testateur croyait libre comme seul institué, et il nous montre la personne qui concourt avec lui venant non comme cohéritier, mais simplement comme substitué.

Troisième interprétation (1). Le testateur n'a désigné qu'un héritier, Titius, qu'il croyait libre, tandis qu'il était esclave, et il lui a substitué Mævius.

Quelle a été la pensée du testateur? Il a voulu procurer le bénéfice de l'hérédité soit à Titius lui-même, soit à celui qui, PAR LA SUITE, deviendra son maître, dans le cas où Titius tomberait en servitude. En substituant Movius, il a entendu que, si ce résultat ne pouvait être atteint, Mævius serait héritier. Dans ces circonstances, la condition, à laquelle est subordonnée la substitution de Mævius, est accomplie. Titius, en effet, ne peut acquérir l'hérédité pour lui-même, et, s'il peut la faire acquérir à autrui, c'est à raison d'un esclavage qui n'est pas survenu après la confection du testament, puisqu'il existait déjà à cette époque.

Le droit de Mævius s'ouvre donc. Mais, d'un autre côté, il n'est pas moins vrai de dire que Titius est institué, car la simple erreur sur la qualité de l'institué ne vicie pas l'institution. Titius vient donc aussi à l'hérédité et se trouve dès lors en concours avec Mævius; ce concours se règle par le partage.

La volonté certaine du testateur, dit-on, dans cette

(1) Accarias. Précis de dr. rom., nos 364, 2o, et 348.

troisième interprétation, était d'appeler Mævius, si Titius ne recueillait pas, soit pour lui-même, soit pour un maître sous la puissance duquel il pourra se trouver placé par l'effet d'une servitude survenue après la confection du testament. La condition se réalisant, Mævius devrait recueillir l'hérédité pour le tout, si l'on ne s'attachait qu'à la volonté du testateur. Mais ici doit intervenir une autre idée: c'est que l'institution est un acte formaliste. Titius figure comme héritier dans le testament, heres scriptus est: par cela seul, il sera effectivement héritier. Peu importe que l'institution soit le simple effet d'une erreur du testateur.

Mais Mævius, d'un autre côté, est substitué, c'est-à-dire institué sous la condition de la défaillance de Titius.

Pour savoir si la condition est réalisée, il faut tenir compte de l'intention du testateur, car l'interprétatio n des conditions se fait uniquement d'après la volonté du disposant (1).

En un mot, l'institution s'interprète strictement, tandis que la condition admet la recherche de la volonté de celui qui y subordonne sa disposition. Cette différence se traduit dans les termes qui servent à exprimer soit l'institution, soit la condition. Pour l'institution, les termes consacrés verba certa sont de rigueur; au contraire, la condition peut s'exprimer en des termes quelconques. Dans l'espèce qui nous occupe, les jurisconsultes

(1) L. 19, pr. de condit. et demonst., XXXV, 1.

romains regardaient à la fois comme institués Titius et Mævius le premier à raison de la lettre même du testament, de la formule de l'institution; le second à raison de la volonté du testateur. Ils combinaient le respect dû à la volonté du testateur et l'observation de la lettre du testament en partageant l'hérédité entre l'institué et le substitué.

Cette troisième interprétation laisse également à désirer.

L'institution d'héritier est un acte formaliste, il est vrai. Qu'est-ce que cela veut dire? Cela signifie simplement que la volonté seule ne suffit pas pour que l'institution produise son effet; il faut, de plus, qu'elle soit faite dans la forme exigée par la loi. Mais la volonté du testateur est toujours nécessaire. La mancipation est certainement un acte formaliste, et pourtant l'aliénation faite par cette voie n'est pas valable, si la volonté ou la capacité d'aliéner n'existe pas chez le mancipans: l'impubère qui manciperait la chose ne se dépouillerait pas de la propriété. Si, en droit romain, la volonté toute nue ne suffisait pas, dans certains cas, pour produire des effets juridiques, il est également vrai de dire que la forme des actes toute nue ne pouvait produire aucun résultat.

Par conséquent, on ne saurait tenir compte d'une institution qui a été déterminée par une erreur et que le testateur n'aurait évidemment pas faite s'il eût connu la vérité. On ne peut dire que « l'erreur du testateur sur la qualité de l'institué ne vicie pas l'institution ».

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