comme héritier, puisque le testateur n'a pas voulu l'instituer; d'autre part, le frère du défunt ne saurait être héritier, bien que le testateur ait eu la ferme intention. de l'instituer. L'institution d'héritier étant un acte formaliste, il faut, sous peine de ne pas valoir, qu'elle soit faite d'une façon expresse et dans les formes établies par la loi. On conçoit très bien que l'erreur sur l'individualité de l'héritier ou du légataire se produise dans le testament écrit ou mystique; par suite d'un défaut d'attention, le testateur écrit un mot pour un autre. La même erreur peut se rencontrer également dans le testament nuncupatif ou oral, cela de deux façons : 1o Le testateur, par un lapsus linguæ, prononce un nom pour un autre; il est certain qu'il pense à Primus, il a annoncé plusieurs fois l'intention de l'instituer; ses papiers domestiques, notes, lettres, mémoires, en font foi; mais, en testant peu avant son décès, il prononce par erreur le nom de Secundus, et meurt subitement avant d'avoir pu rectifier cette fausse énonciation. L'institution de Secundus est nulle, parce que telle n'était pas la volonté du testateur, et Primus ne sera pas non plus héritier, parce qu'il n'a pas été désigné dans le testament. 2o Dans le testament nuncupatif, le testateur peut désigner son héritier, non seulement par des paroles, mais encore par des signes ou par des gestes faits d'une manière bien nette et bien claire, en présence de sept témoins. Quoique le mot nuncupare, indique d'ordinaire, nous dit Ulpien, une énonciation à haute voix (1), nous pensons que le testateur devait avoir cette faculté, autrement on ne comprendrait pas que des muets ne sachant pas écrire pussent tester. Or, cette faculté leur fut certainement reconnue sous Justinien (2); ils l'avaient même antérieurement, en vertu d'une permission du prince (3). Dans tous les cas, il est hors de doute qu'un militaire peut valablement indiquer son héritier par un simple signe fait en présence de ses compagnons (4). Il est facile de concevoir que le testateur, étendant la main pour désigner son héritier, se trompe de personne, soit par suite de la faiblesse de sa vue, soit à raison de l'obscurité de la pièce où il se trouve. Il veut indiquer Primus, et c'est Secundus qu'il montre aux témoins. Le testament n'a pas plus d'effet à l'égard de l'un qu'à l'égard de l'autre. Il arrivait parfois qu'un testaleur, après avoir fait un testament nuncupatif, écrivait ensuite ce qu'il avait énoncé oralement, afin de faciliter la preuve de ses dernières volontés. Supposons que, après avoir institué Titius dans son testament nuncupatif, il indique Mævius dans l'écrit: c'est Titius qui sera regardé comme institué, (1) L. 21, pr. D. XXVIII, 1. (2) Instit., § 3, II, 12; L. 10, C. VI, 22. (3) L. 7, D., XXVIII, 1. (4) Arg. Instit. de militari testamento, pr. II, 11. car le testament, en pareil cas, réside entièrement dans les paroles prononcées. L'erreur sur la qualité de l'héritier produit-elle la nullité de l'institution? Ainsi le tes!ateur institue Titius comme son fils quasi filium suum: on découvre ensuite que Titius n'est pas le fils du défunt. La fausse opinion de la filiation est présumée la cause de cette disposition, le motif qui a seul déterminé le testateur; s'il avait su que Titius n'était pas son fils, il ne l'aurait certainement pas institué; par suite, la disposition est nulle (L. 5 C. de testam., VI, 23; L. 4 C. de hered. inst., VI, 24). Cette observation doit être limitée au cas particulier de filiation. Si le testateur institue Titius à tout autre titre que celui de fils, par exemple à titre de frère, de neveu, de cousin, et qu'en réalité Titius n'ait pas cette qualité, cette fausse désignation n'entraînera pas la nullité de l'institution (L. 33 D. de condit. et demonstrat., XXXV, 1; L. 58, § 1, D. de hered. instit., XXVIII, 5; L. 5 C., VI, 24). Toutefois il en serait autrement s'il était clairement prouvé que le testateur n'avait en vue, dans la libéralité en question, que la qualité de frère ou de parent, et que cette erreur seule a été la cause du legs ou de l'institution: alias non fuisse legaturus (Arg., L. 72, § 6, D. de condit. et demonstrat., XXXV, 1). · La preuve serait évidemment facile à faire si le testateur exprimait dans son testament que c'est la qualité de parent qui l'a déterminé à instituer Titius; s'il avait dit Titius étant mon frère, je l'institue pour héritier ou je lui lègue telle chose, parce qu'alors la disposition semble être subordonnée à une condition, et tombe, par conséquent, si cette condition ne se trouve pas réalisée. Mais, lorsqu'il y a erreur sur la qualité de la personne gratifiée, et que la fausse opinion, où se trouvait le . testateur sur cette qualité, n'a pas été la cause déterminante de cette disposition, celle-ci n'est pas viciée (1). Il en est ainsi, si le testateur dit : J'institue Titius, mon frère ou mon neveu; j'institue Titius, fils de Mævius; j'institue Titius de tel pays et si ces diverses mentions sont, dans la suite, reconnues fausses (L. 48, § 3, D. de hered. instit., XXVIII, 5. Voyez aussi L. 58, § 1, eod. loc.; L. 5, C. VI, 24. Instit., § 30, de legatis, II, 20; L. 33, D. de condit. et demonstr., XXXV, 1). Dans tous les cas, la qualité désignée n'est qu'une indication dont l'inexactitude n'entraîne pas la caducité de la disposition. Il en est de même si le testateur appelle posthume son héritier, ignorant qu'il fût né (L. 25, § 1, D. de liberis et posthumis, XXVIII, 2). Une des plus importantes erreurs sur la qualité du gratifié (institué ou légataire) consistait à le croire libre alors qu'il était esclave. (1) Voy. infra, chap. III. Dans cet ordre d'idées, nous trouvons, au Digeste, deux textes célèbres (L. 40 et 41, de hered. instit., XXXVIII, 5) (1) dont la solution a fort embarrassé les commentateurs. Un testateur institue Titius qu'il croit libre, et qui, en réalité, est esclave: « Titius heres esto. » Il lui substitue Mævius pour le cas où il n'arriverait pas à l'hérédité : « Si Titius heres non erit, Mævius heres esto. » Julien nous dit que l'hérédité se divisera par moitié entre le maître de l'institué Titius et le substitué Mævius. Cette solution ne va pas sans soulever quelques objections; de deux choses l'une, semble-t-il : Ou bien on prend en considération l'erreur du testateur; on estime que, s'il avait su que Titius était esclave, il ne l'aurait pas institué. Alors, on devrait tenir l'institution comme nulle et admettre Mævius à recueillir le bénéfice de la substitution, c'est-à-dire l'hérédité tout entière; Ou bien, au contraire, on considère que cette erreur sur la qualité de l'héritier ne suffit pas pour vicier la volonté du testateur. Alors, l'institution conservant toute son efficacité, la substitution ne devrait pas s'ouvrir. L'esclave Titius, faisant addition jussu domini, le maître acquiert la totalité de l'hérédité; Mævius est écarté. Comment donc expliquer cette solution des jurisconsultes d'après laquelle l'hérédité se divise par (1) La même hypothèse est prévue aux Institutes, II, 15, § 4. |