effet, dans un grand nombre d'actes, que si elle était manifestée dans des formes légales: tel était le cas pour le legs. En d'autres termes, le testateur est présumé ne s'être pas trompé sur le droit et avoir exactement connu le sens et la portée de la formule per vindicationem par lui employée. Il savait qu'on ne peut léguer en cette forme qu'une chose dont on est propriétaire au moment de la confection du testament: c'est là une présomption juris et de jure. Si donc le testateur a légué en cette forme, c'est qu'il se croyait propriétaire. Cette seconde présomption est commandée par la précédente et elle est comme elle juris et de jure. En un mot, il y a une présomption d'erreur chez le testateur, qui est absolue, et n'admet pas la preuve contraire. A l'inverse, supposons que le testateur ait légué per damnationem la chose d'autrui; le legs n'est pas nul pour vice de forme, mais l'héritier peut-il en refuser l'exécution en alléguant que le testateur était dans l'erreur, et qu'il se croyait propriétaire? Nous ne le croyons pas : l'ancien droit répugne à ces recherches d'intention fort difficiles en fait, et dont l'objet est d'autant plus malaisé à établir, qu'il s'agit d'une personne décédée. Ainsi, le legs per damnationem de la chose d'autrui valait toujours. Si le testateur ne voulait léguer la chose que s'il en était propriétaire, il devait le dire expressément : Heres meus, damnas esto fundum Cornelianum Titio dare, si meus est. Cette solution était sans doute très favorable au légataire per damnationem, mais elle était onéreuse pour l'hé ritier qui devait acheter la chose pour la livrer au légataire, et cette charge était injuste, contraire aux volontés du défunt, lorsqu'il avait légué dans la croyance qu'il était propriétaire. Ce défaut de la législation devint plus apparent après le sénatus-consulte Néronien, d'après lequel tout legs portant sur la chose d'autrui était réputé fait per damnationem, car l'erreur semblait bien s'accuser dans les termes mêmes employés par le testateur. Il n'était pas juste de donner effet à un tel legs sans distinction; aussi divers tempéraments furent-ils successivement apportés à cette décision. Tout d'abord, on admit que l'héritier pouvait opposer au légataire l'exception de dol. Cela paraît résulter d'un texte de Papinien (L. 72, § 6, Dig. XXXV, 1) qui s'exprime ainsi : « Plerumque doli exceptio locum habebit, si probetur alias legaturus non fuisse; » ce que nous traduisons: « L'héritier peut opposer l'exception de dol au légataire en prouvant que le testateur n'aurait pas légué s'il avait connu la vérité. » Plus tard, l'héritier n'eut pas besoin de s'abriter derrière l'exception de dol; la présomption fut en sa faveur. Le testateur qui avait légué la chose d'autrui était censé avoir ignoré que la chose ne lui appartenait pas c'était au légataire à prouver que le défunt avait légué en parfaite connaissance de cause. Cette décision était conforme à la règle générale : actori incumbit probatio. Rien de plus logique que cette règle, quand le legs est fait per vindicationem, car l'emploi de cette formule laisse évidemment présumer que le testateur croyait la chose sienne. Mais il n'en est plus de même quand le legs a été fait per damnationem; cette forme s'accorde très bien avec la croyance, chez le testateur, que la chose appartenait à autrui. Sans doute, le testateur a pu être dans l'erreur. On lègue tout aussi bien per damnationem une chose dont on croit être propriétaire qu'une chose qu'on sait appartenir à autrui; cependant, il est plus naturel, en l'absence de toute preuve, de supposer que le testateur connaissait la vérité, que de lui prêter une croyance erronée. La présomption devrait donc être dans le sens de la validité du legs, sauf le droit pour l'héritier d'opposer une exception de dol, s'il parvenait à démontrer que le testateur était dans l'erreur. On ne s'est pas attaché à cette distinction logique entre les deux formes de legs, car on cherchait, en cette matière, à substituer l'unité et la simplicité à la variété et à la complication anciennes des décisions. Voilà pourquoi, dans le cas de legs de la chose d'autrui, la présomption d'erreur chez le testateur fut admise aussi bien dans le legs per damnationem que dans le legs per vindicationem, quoique, justifiée dans le deuxième cas, elle ne le fût pas dans le premier. En résumé, le légataire devra prouver, dans tous les cas, que le testateur qui a légué la chose d'autrui, a agi en parfaite connaissance de cause, et savait très bien que la chose appartenait à autrui. L'annulation du legs de la chose d'autrui est une con séquence de cette présomption que, si le testateur avait été mieux instruit, il n'aurait pas légué : forsitan enim, si scisset alienam, non legasset. Il est certaines circonstances où cette présomption peut cesser. La présomption que le disposant n'aurait pas légué, s'il avait connu la vérité, repose en effet sur l'idée suivante : l'exécution du legs implique un déboursé, une avance, il faut que l'héritier achète pour livrer; il n'est pas probable que le testateur ait voulu imposer cette charge à l'héritier. Par suite, toutes les fois que l'exécution du legs n'implique aucune avance, aucun déboursé, elle devra se faire sans que le légataire ait à prouver autre chose que l'existence du legs, et sans que l'héritier soit admis à prouver que le testateur croyait la chose sienne. Il en est ainsi lorsque le legs porte sur une chose qui appartient à l'héritier, il est clair que celui-ci n'a alors aucun déboursé à faire (L. 67, § 8, De legatis 2°). Toutefois, nous pensons que l'héritier conserve le droit d'opposer l'exception de dol au moyen de laquelle il repoussera l'action du légataire en démontrant que la disposition n'aurait pas été faite si le testateur avait connu la vérité : cela paraît résulter du texte précité de Papinien (L. 72, § 6, Dig., De condit.). Une difficulté se présente lorsqu'il y a deux héritiers; le cas est prévu par Julien (L. 86, § 3, De legatis 1o). La chose léguée appartient à un seul les héritiers sont débiteurs du legs chacun pour moitié. Le cohéritier propriétaire se libérera en fournissant la moitié indivise de la chose; il n'a aucune preuve à demander au légataire, car il n'a aucun déboursé à faire pour l'exécution du legs. Mais l'autre héritier devra-t-il acheter à son cohéritier l'autre moitié indivise pour la livrer au légataire? ou le légataire sera-t-il dans l'obligation de démontrer que le testateur savait qu'il n'était pas propriétaire, et qu'il entendait par conséquent imposer à l'un de ses héritiers la charge de l'achat? Julien ne résout pas cette question. A notre avis, il faut appliquer ici les principes généraux : c'est au légataire à fournir la preuve. S'il y parvient, l'héritier, qui n'est pas propriétaire, devra acquérir de son cohéritier la seconde moitié indivise de la chose pour la fournir au légataire. Dans le cas contraire, le legs se trouvera nul pour moitié. Le Code civil prussien donne dans cette hypothèse une solution très simple: on prélève dans la succession une valeur égale à la chose léguée, et on fournit cette valeur au légataire. Le legs se trouve ainsi exécuté complètement, sans qu'aucune question de preuve sur l'intention du testateur soit soulevée par l'un ou l'autre des intéressés. On peut rapprocher de cette hypothèse une autre situation prévue par Paul dans ses sentences (III, 6, § 2 et 3). Dans ce texte le legs est imposé à un seul des deux cohéritiers, et voici dans quelle circonstance. On sait que les legs doivent être placés après l'institution. |