De l'erreur dans les dispositions INTRODUCTION L'erreur est l'état d'esprit de celui qui se trompe, qui croit ce qui n'est pas error est quum aliud est quam credo. C'est, dit M. de Savigny « la fausse notion que nous avons d'une chose ». Celui qui tombe dans l'erreur peut se tromper avec tout le monde, partager l'erreur commune; tel est le cas prévu aux Institutes de Justinien (de testam. ordin., § 7) On applique alors l'adage error communis facit jus; l'acte juridique, auquel il a été procédé sous l'empire de cette erreur, reste valable. Généralement celui qui se trompe se trompe seul, d'autres connaissent la vérité. Avec quelque prudence il aurait pu éviter l'erreur dans laquelle il est tombé : son erreur implique donc une certaine faute. Il en est notamment ainsi quand l'erreur porte sur un point de droit : celui qui se trompe aurait pu consulter un juriste, il aurait été exactement renseigné. L'erreur de fait implique ordinairement une faute moindre que l'erreur de droit, et est par conséquent plus digne de protection: facti interpretatio plerumque etiam prudentissimos fallit. (L. 2, de facti et juris ignor. XXII, 6.) Que l'erreur soit de fait ou de droit, la personne qui s'est trompée doit, en général, subir les conséquences de son erreur. En principe l'acte tient malgré l'erreur et la raison en est facile à donner. Il y a entre celui qui est privé de raison et celui qui est simplement dans l'erreur une différence capitale. Le premier ne choisit pas, ne délibère pas, se décidant à prendre tel parti plutôt que tel autre il ne veut pas. Le second, au contraire, a délibéré, il a librement choisi entre les divers partis qui s'offraient à lui: sous l'empire de l'erreur il a pris une décision, il a voulu, son erreur n'a pas détruit sa volonté. Mais il y a certains cas où l'erreur produit une absence complète de volonté : alors l'acte est nul, inexistant, puisque c'est la volonté qui donne la vie aux actes juridiques. Ce n'est donc qu'exceptionnellement que l'erreur est prise en considération pour faire annuler un acte : celui qui s'est trompé est en faute; avec plus d'attention il aurait évité l'erreur dans laquelle il est tombé : les conséquences lui en sont donc imputables. Chacun doit veiller à ses propres intérêts: jura vigilantibus subveniunt. L'erreur peut se produire dans tous les actes juridiques, qu'ils soient conventionnels ou qu'ils émanent d'une seule volonté (testament, legs, fidéicommis). Ces acles, qu'ils soient issus d'une ou de plusieurs volontés, portent toujours les caractères suivants : ils ont un ou plusieurs objets, un ou plusieurs sujets, une cause. Un ou plusieurs objets dans l'institution d'héritier, l'objet, c'est l'hérédité; dans le legs, c'est la chose léguée. Un ou plusieurs sujets : nous entendons par là ceux qui interviennent dans l'acte, soit comme disposants, soit comme gratifiés. Une cause dans les actes à titre gratuit, c'est une pensée libérale, la volonté de faire du bien, l'animus donandi (1). A ces éléments essentiels de tout acte juridique, il convient de joindre les motifs, c'est-à-dire les différents mobiles auxquels a obéi l'auteur de l'acte; les circonstances, qui, s'il s'agit d'un testament par exemple, ont déterminé le testateur à faire telle ou telle institution d'héritier. Nous étudierons ici les effets de l'erreur dont les dispositions de dernière volonté, recherchant quelle peut en être l'influence, selon qu'elle porte sur l'objet, sur la personne, sur la cause ou sur les motifs. (1) Voyez toutefois l'observation faite au chapitre III sur la cause dans les institutions d'héritier. |