décisif en permettant à tout citoyen libre de devenir soldat quelle que fùt sa fortune (1), mais L'ancien mode de recrutement ne disparut pas pour cela, peu à peu les armées romaines ne se composèrent plus que de mercenaires enrôlés; et comme l'extension des conquêtes dans les pays lointains ne permettait plus de licencier promptement les soldats, les mercenaires ne partaient plus pour une campagne, mais pour un service de longue durée, qui allait jusqu'à vingt ans. Sous Auguste se forma une véritable armée permanente. Ces modifications étaient avantageuses au point de vue militaire; elles étaient, au contraire, fort dangereuses au point de vue politique. Ce furent elles qui amenèrent la chute de la République et l'avènement de l'Empire. Les prolétaires enrôlés étaient prêts à servir quiconque leur offrait une plus grasse solde et un plus riche butin; à ce prix, ils tournaient volontiers les armes contre leurs concitoyens. Rome ne manquait pas d'ambitieux disposés à tirer parti de cette situation et l'on vit alors les luttes des partis dégénérer en une rivalité de chefs militaires soutenus par leurs armées. César et Auguste durent leurs succès aux soldats qu'ils commandaient. Les empereurs aussi cherchèrent d'abord un appui dans l'armée; ils mirent tout en œuvre pour s'assurer de leur fidélité. De là, tous les privilèges accordés aux militaires : l'élévation de la solde, les dons en argent (donativa), la re (1) Mommsen Histoire romaine, t. II, chap. 6; Fitting Das castrense peculium, § 1. traite après le service expiré. L'état militaire devint bientôt un des plus enviés. Du désir de favoriser les soldats sont nés, avons-nous dit, la plupart des privilèges militaires; nous disons la plupart, car plusieurs s'expliquent par une raison différente. Pour les soldats des derniers temps de la République et de l'Empire, le service militaire était une vocation exclusive; le soldat restait vingt ans sous les drapeaux, car, même en temps de paix, on l'occupait à des travaux publics. Enfin, les troupes avaient leurs quartiers dans des provinces éloignées et tiraient leurs contingents, d'abord des classes inférieures, plus tard uniquement de ces provinces. On ne pouvait donc exiger de ces soldats la connaissance du droit que l'on réclamait de tout citoyen, et que, dans les premiers temps, on supposait aussi chez les soldats; pour ces derniers, il n'y avait point de raison de faire une exception, car, en général, ils revenaient assez vite à la vie civile et, de plus, il ne pouvait manquer d'y avoir parmi eux des gens connaissant le droit et dont ils pouvaient prendre conseil. Les soldats de vocation, au contraire, vivaient loin. des affaires civiles, ils ignoraient forcément le droit; on ne pouvait exiger d'eux qu'ils en observassent exactement les règles, et c'eût été trop rigoureux de les soumettre au droit commun (1). Tout d'abord, les soldats furent exemptés des règles juridiques ordinaires de la confection des testaments. Chaque citoyen tenait à laisser en mourant un testament, car la suc (1) Ihering: Histoire du droit romain, t. II, § 42; Accarias : Précis de droit romain, t. I, no 415; Fitting: Das castrense peculium, § 1. cession ab intestat passait à l'agnat le plus éloigné et même aux gentiles, à l'exclusion des cognats les plus proches. Les conditions ensuite de validité des testaments étaient si compliquées, qu'on s'explique que les soldats en aient été exemptés. D'après Ulpien (L. 1, D. De test. mil., L. 29, t. 1), cette réforme est due à Jules César. Ce privilège, nous dit ce jurisconsulte, n'était que temporaire. Les militaires n'en jouirent pas sous Auguste ni les empereurs suivants, jusqu'au jour où Titus le renouvela; c'est ce que prouve la suite du texte d'Ulpien. La dispense de formes, dit-il, que Jules César accorda le premier, comme faveur passagère, ne fut renouvelée que par Titus, après lui par Domitien, puis Nerva l'étendit; avec Trajan, cette faveur forme un article des mandats. Il en faut conclure que dans le siècle qui sépare César de Titus, ce privilège n'existait pas. Le second privilège et le plus important, fut l'introduction du pécule castrense. Ce fut le plus sérieux tempérament à la règle injuste qui faisait acquérir au père de famille tous les biens que le fils avait acquis par son seul fait. — L'institution du pécule castrense paraît remonter à Auguste (Inst., pr., L. II, t. 12). Cet empereur qui confisqua des terres pour les distribuer à ses soldats, s'aperçut que ceux d'entre eux qui étaient fils de famille ne les acquerraient pas pour eux-mêmes, mais pour leur paterfamilias. Afin de les faire bénéficier de ses libéralités il institua le pécule castrense(1). (1) Accarias: op. cit., t. I, 297, note 2. En même temps Auguste accorda aux soldats en puissance paternelle le droit de disposer par testament de ce qu'ils acquerraient aux camps, du pécule castrense. C'est ce qu'il résulte d'un passage précité des Institutes, et d'un texte des fragments d'Ulpien: « Filiusfamiliæ testamentum facere « non potest, quoniam nihil suum habet, ut testari de eo possit. Sed divus Augustus Marcus constituit, ut filiusfa«miliæ miles de eo peculio quod in castris adquisivit, testa<< mentum facere possit (1). » Quoique le texte parle de Marcus, il faut attribuer cette innovation à Auguste. Il y a là une faute, car Ulpien n'a pu écrire le mot Marcus. Pour s'en convaincre, il suffit d'observer que d'après le passage des Institutes, Adrien, avait étendu ce privilège aux vétérans; or comment Marc-Aurèle aurait-il pu songer à l'accorder aux milites sans faire mention des vétérans? A son époque le droit du fils de famille, soldat ou vétéran, de disposer par testament de son pécule castrense était depuis longtemps incontesté; il n'y avait doute que sur le point de savoir, quel était du pater ou du fils de famille le propriétaire du pécule. Tout fait croire qu'au lieu du mot Marcus il y avait l'abréviation M. datis, à laquelle un scribe inintelligent a substitué le nom de l'empereur qui s'en rapprochait le plus (2). Ce privilège accordé par Auguste aux soldats n'avait aucun rapport avec la faveur qui les dispensait de remplir, pour faire leur testament, les formalités prescrites. De ce (1) Fragmenta, t. XX, § 10. (2) Fitting op. cit., § 2. que les soldats n'étaient pas astreints à tester dans les formes ordinaires, il ne s'en suivait pas qu'ils eussent la faculté de tester; il leur fallait pour cela posséder quelque chose en propre, d'où la nécessité de leur accorder un second privilège, indépendant du premier, de leur permettre de disposer par testament de leur pécule castrense. Auguste l'institua, sans exempter les soldats de l'observation des formalités prescrites pour la confection des testaments; cette exemption ne fut accordée aux vétérans que par Adrien. La dispense de formes, avons-nous dit, n'exista pas sous le règne d'Auguste, elle ne fut renouvelée que par Titus. Cette innovation se justifie par une raison politique. L'empereur cherchait d'abord à attirer les fils de famille à l'armée par une faveur, et en même temps à les rendre indépendants de leurs pères, afin d'en faire des instruments plus dociles. C'est dans le même but qu'Auguste (L. 26, D. L. 28, t. 2), interdit au père d'exhéréder son fils au service; cette mesure assurait à ce dernier sa portion légitime. Par suite de ces derniers privilèges, non seulement le fils devenait indépendant de son père, mais même le père en arrivait à dépendre de son fils; car par suite des nombreux donativa que les soldats recevaient à l'armée et dont la moitié servait à lui former un capital dont il ne pouvait disposer qu'à son congé, le pécule castrense, atteignait un chiffre assez élevé, étant donné surtout que l'armée se recrutait dans la classe populaire. - Le pater, par suite, |