CHAPITRE II. DE L'INVIOLABILITÉ DU DOMICILE PENDANT LA NUIT. Si le principe de l'inviolabilité du domicile a été inscrit dans les différentes constitutions et a reçu sa sanction de l'article 184 du Code pénal, il ne pouvait être absolu. Le domicile devait, dans certaines circonstances déterminées, s'ouvrir même contre le gré du citoyen. Aussi la loi a-t-elle admist des exceptions au principe. En les édictant, elle ne compromet point la sécurité des citoyens, car les besoins sociaux les légitiment. La loi devait, comme elle l'a fait, réglementer et déterminer d'une façon exacte les différents cas dans lesquels le domicile ne serait pas respecté, énumérer les formalités que les agents de l'autorité devaient observer en pareil cas, en réglant minutieusement ces formalités. C'est ce que nous allons examiner dans le présent chapitre. Pour déterminer les cas exceptionnels dans lesquels on peut pénétrer dans le domicile du particulier, il faut distinguer suivant qu'on y pénètre pendant le jour ou pendant la nuit. Et tout d'abord disons ce que c'est que le jour, ce que c'est que la nuit. Le législateur n'a pas posé une règle générale pour dé terminer d'une façon uniforme à quel moment commence le jour et quand il finit. Nous trouvons plusieurs textes qui fixent le jour et la nuit de façons différentes. Ainsi la loi du 22 mars 1841, sur le travail des enfants dans les manufactures, détermine uniformément la durée de la nuit pour toute l'année, et déclare qu'elle s'étend de neuf heures du soir à cinq heures du matin. La loi du 28 avril 1816 sur l'introduction des boissons dans un lieu sujet aux droits d'entrée la détermine suivant les différents mois de l'année. Le législateur en aucun cas ne tient compte du jour solaire sujet à des variations quotidiennes qui auraient été dans la pratique l'occasion de continuelles difficultés. S'agissant de l'inviolabilité du domicile, nous avons plusieurs lois auxquelles nous pouvons nous référer pour déterminer ce qu'il faut entendre par la nuit et le jour. Le décret du 4 août 1806 se référant aux prescriptions de la loi du 28 germinal an VI, article 131, qui défend aux gendarmes de pénétrer dans le domicile d'un citoyen pendant la nuit, décidait que le temps de nuit serait réglé conformément à l'article 1037 du Code de procédure civile. Cet article est ainsi conçu : « Aucune signification ni exécution ne pourra être faite << depuis le 1er octobre jusqu'au 31 mars avant six heures du <«< matin et après six heures du soir; et depuis le 1er avril <«< jusqu'au 30 septembre avant quatre heures du matin et après neuf heures du soir; non plus que les jours de fête légale si ce n'est en vertu de permission du juge dans les «< cas où il y aurait péril en la demeure. Un autre décret encore en vigueur des 1er mars-11 avril 1854, relatif à l'organisation de la gendarmerie (art. 291), se réfère à notre matière : Art. 291. « La maison de chaque citoyen est un asile où «< la gendarmerie ne peut pénétrer sans se rendre coupable <«< du délit d'abus de pouvoir, sauf les cas déterminés ciaprès : (( « 1° Pendant le jour elle peut y entrer pour un motif for<< mellement exprimé dans une loi ou en vertu d'un mandat spécial de perquisition décerné par l'autorité compétente. «<2° Pendant la nuit, elle peut y pénétrer dans le cas <«< d'incendie, d'inondation ou de réclamation venant de l'in«térieur de la maison. « «Dans tous les autres cas, elle doit prendre seulement, jusqu'à ce que le jour ait paru, les mesures indiquées aux << articles suivants. >> Quand fait-il jour? Du 1er octobre au 31 mars, depuis six heures du matin. jusqu'à six heures du soir. Du 1 avril au 31 septembre, depuis quatre heures du matin jusqu'à neuf du soir. C'est ce dernier décret qui, du reste, ne fait que reproduire l'article 1037 du Code de procédure civile, qui doit nous guider dans notre matière. Une difficulté s'est élevée au sujet de la détermination du temps que dure la nuit, à l'occasion des mots «< si ce n'est << en vertu de permission du juge, dans les cas où il y au«<rait péril en la demeure, » employés par l'article 1037. Ces mots s'appliquent-ils seulement aux fêtes légales ou aussi aux heures légales? Le Code de procédure contient des dispositions relatives. à l'exécution de la contrainte par corps et aux exécutions en général ce sont notamment les articles 781 et 1037. Plusieurs auteurs ont supposé qu'il était permis par les dispositions d'opérer une arrestation dans une maison, même la nuit, si le juge, pour cause de péril en la demeure, en donne la permission; de là ils ont conclu qu'un mandat d'arrêt ou une ordonnance de prise de corps en matière criminelle, réalisent la condition voulue, puisqu'il y a ordre du juge. Ces auteurs analysent inexactement des textes qu'ils invoquent. L'article 781 commence par interdire l'arrestation pour dettes, pendant la nuit ou un jour férié; puis afin de faire respecter le principe de l'inviolabilité du domicile, il ajoute que le débiteur ne pourra être arrêté dans une maison quelconque, même dans son domicile, à moins qu'il n'en ait été ainsi ordonné par le juge de paix du lieu, lequel se transportera dans la maison avec l'officier ministériel: Cela n'est écrit pour le jour. Quant à l'article 1037, les mots si ce n'est en vertu de permission du juge, ne peuvent se référer qu'aux exécutions opérées les jours fériés et non en dehors des heures légales. Cette permission du juge, à laquelle laisse place l'article 1037, a pour but de remédier aux inconvénients de la règle, qui défend de procéder aux exécutions les jours fériés. D'ailleurs, la construction grammaticale du texte, montre bien que ces mots ne s'appliquent qu'à la seconde partie de l'article. Le décret de 1854 a du reste tranché la question contre l'opinion des auteurs que nous combattons, car, en reproduisant les termes de l'article 1037, il a eu soin de ne pas y ajouter les mots en question (1). Maintenant que nous avons déterminé ce qu'on entend par nuit, nous allons examiner les différentes exceptions. admises par le législateur au principe de l'inviolabilité du domicile pendant la nuit. Les exceptions à ce principe, sont pour la nuit assez peu nombreuses. Le législateur a dû se montrer plus sévère pour la nuit que pour le jour, car le repos des citoyens aurait été troublé si de nombreuses exceptions avaient été admises. Les cas dans lesquels le domicile d'un citoyen cesse d'être inviolable sont les suivants : 1° En cas d'incendie, d'inondation ou de réclamation venant de l'intérieur; 2o Quand il s'agit des lieux publics où tout le monde est admis indistinctement; 3o Quand il s'agit des maisons où l'on joue habituellement à des jeux de hasard et les maisons de débauche; 4° Pour les brasseries et distilleries en activité. I. En cas d'incendie, d'inondation ou de réclamation venant de l'intérieur de la maison, le domicile de tout citoyen cesse d'être inviolable. Différentes lois et constitu (1) Berriat Saint-Prix Cours de proc., t. I, p. 157; Carré et Chauveau: t. Vl, no 3422. |