<«<tion, si l'on veut que ce soit avec succès. » Il semblerait, d'après les paroles ci-dessus, qu'il y avait lieu seulement de mettre en garde les agents de l'autorité contre un zèle faux ou mal entendu? A mon sens une peine ne peut être efficace qu'autant qu'elle est proportionnée à l'importance du délit. Or, le principe de l'inviolabilité du domicile est assez précieux pour que, quand il est violé, on prononce une peine plus sévère qu'une simple amende de 15 à 200 francs au maximum (1). Une réforme s'imposait. La plupart des criminalistes critiquèrent les dispositions de l'article 184. Dans la refonte. du Code pénal, en 1832, d'importantes modifications furent apportées à cet article. Nous allons étudier l'article 184 dans sa teneur actuelle, en relatant les modifications qui nt été apportées à son ancienne rédaction par la loi de 1832. <«< Tout fonctionnaire de l'ordre administratif ou judi«ciaire, dit l'article 184, tout officier de justice ou de po«lice, tout commandant ou agent de la force publique, qui, (( (( agissant en sadite qualité, se sera introduit dans le domi cile d'un citoyen contre le gré de celui-ci, hors les cas prévus par la loi et sans les formalités qu'elle a prescrites, << sera puni d'un emprisonnement de six jours à un an, et <«< d'une amende de 16 francs à 500 francs, sans préjudice « du second paragraphe de l'article 114. (1) Destrivaux: Essais sur le Code pénal, p. 51; Carnot: Code pénal; Bavoux Leçons préliminaires, p. 70. « Tout individu qui se sera introduit, à l'aide de menaces << ou de violences, dans le domicile d'un citoyen, sera puni <«< d'un emprisonnement de six jours à trois mois et d'une << amende de 16 francs à 200 francs. >> L'énumération que faisait l'ancien article 184 des agents de l'autorité pouvant commettre le délit de violation de domicile a été étendue par la loi de 1832. En comparant les deux textes, l'on voit que le second diffère du premier en ce qu'il s'applique à tous les agents de la force publique qui n'étaient pas visés auparavant, et substitue, en outre, à une énumération d'agents, des dénominations générales qui peuvent s'appliquer à tout individu pourvu d'un mandat public lui permettant de s'introduire dans le domicile d'un citoyen, moyennant certaines formalités et dans des cas spécifiés. En effet, lors de la réforme, on s'aperçut que les gendarmes qui, souvent, procèdent à des perquisitions ou à des arrestations, peuvent commettre le délit de violation de domicile. Or, l'expression d'officiers de police judiciaire employée par l'ancien texte, s'appliquait bien aux commandants de gendarmerie, mais non aux simples gendarmes. L'article 184 ne s'applique, du reste, qu'aux fonctionnaires de l'ordre civil. S'agit-il des abus d'autorité commis par des chefs militaires, le Code de justice militaire comprend des dispositions spéciales (art. 226 et suiv., C. J. M. de 1837), et pour les délits commis par des commandants. de forces navales, les articles 305 et suiv. (le Code de J. M. pour l'armée de mer de 1858). Il faut que le délit soit commis par un agent agissant en sa qualité. C'est la seconde innovation de la loi nouvelle. Il résulte de là que c'est seulement dans le cas où un agent a commis une violation de domicile dans l'exercice de ses fonctions, que ce fait tombe sous le coup du § 1er de l'article 184. Si, au contraire, il a agi en dehors de ses fonctions, son délit est assimilé à celui d'un simple particulier, relevant du § 2 du même texte et ne devient punissable que s'il réunit les conditions exigées, c'est-à-dire s'il y a eu de sa part des violences ou des menaces. L'on voit que le délit de l'agent peut être envisagé sous deux aspects. Une troisième condition exigée par la loi de 1832, pour qu'il y ait violation de domicile, est la suivante : le domicile doit avoir été envahi contre le gré du propriétaire. Quel sens doit-on donner aux mots : contre le gré de celuici? Faut-il, pour que le fait de s'introduire dans le domicile d'un citoyen ne soit pas punissable, qu'il n'y ait pas eu opposition de la part de ce dernier, ou faut-il de plus qu'il ait donné son consentement? De la lecture de l'article 184, il résulte qu'il ne peut y avoir violation de domicile d'un citoyen que si on a pénétré chez lui contre son gré, c'est-à-dire contre sa volonté. Si le propriétaire consent formellement ou même tacitement à ce qu'on pénètre chez lui, il n'y a pas de délit. De la discussion qui eut lieu à la Chambre des députés, en 1832, il résulte que l'autorisation du propriétaire n'est pas nécessaire. En effet, un député avait proposé un amendement pour remplacer les mots contre le gré de celui-ci, par l'expression : << sans l'autorisation de celui-ci ; » l'amendement fut repoussé. (( De même, il n'est pas nécessaire que des violences aient. été exercées par les fonctionnaires, la loi étant muette sur ce point; si elle l'avait exigé elle l'aurait spécifié, comme lorsqu'il s'agit de la violation d'un domicile par un simple particulier; il suffit que le propriétaire ait refusé de laisser pénétrer. « L'article 184 n'exige pas qu'il y ait opposition «< et résistance à la visite, il demande seulement comme « élément de l'incrimination, qu'elle ait été faite contre le gré de la partie et que par conséquent celle-ci ne l'ait pas « consentie. C'est donc du consentement que le prévenu doit <«< faire preuve et non pas du défaut d'opposition seule«ment (1). » La Cour de cassation a jugé dans le même sens (2) dans le cas suivant. Deux employés de la régie voulant découvrir la preuve des fraudes commises par un particulier, se présentèrent chez lui pour opérer une visite domiciliaire en vertu de la loi du 28 avril 1816 sans s'être munis de l'ordre d'un employé supérieur et de l'assistance du maire ou du juge de paix. Le propriétaire étant absent, ils procédèrent à la visite sans avoir rencontré aucune opposition; le propriétaire poursuivit alors la nullité des procès-verbaux et des saisies en se basant sur ce que la visite à laquelle il avait été procédé sans son consentement, puisqu'il était absent, était irrégulière et illégale. La Cour de Caen annula les procès-verbaux et la Cour de cassation rejeta le pourvoi intenté par la régie. Le consentement tacite ou formel est vicié si le fonction (1) Faustin Hélie et Chauveau Théorie du Code pénal, t. III, p. 18. 2) Cass., 10 avril 1823, J. P., 1823, p. 1025. naire a employé pour l'obtenir le dol ou la fraude, et l'on peut dire que dans ce cas la visite a eu lieu contre le gré du citoyen; le délit de violation de domicile a été commis par le fonctionnaire, car le consentement qui le prévient doit être donné librement et obtenu par des manoeuvres dolosives il n'est pas volontaire. C'est ce qu'a décidé la Cour de Rennes par arrêt du 9 décembre 1885 (1) dans l'espèce suivante. Un commissaire vint frapper la nuit à la porte de Mm* N***, lui enjoignant d'ouvrir sous prétexte qu'il devait continuer une enquête commencée les jours précédents. La dame se crut obligée d'ouvrir. La Cour eut à juger si le fonctionnaire avait commis le délit de violation de domicile dans les conditions où il s'était fait ouvrir le domicile. Adoptant les conclusions de l'avocat général, la Cour se prononça pour l'affir mative. Son arrêt est ainsi motivé : « Considérant que l'article 184 a pour objet de protéger « efficacement et dans tous les cas le domicile des citoyens ; «que s'il ne punit le simple particulier qu'autant que celui«ci a usé de la violence ou de la menace, il atteint le fonctionnaire public par cela seul que son introduction a eu lieu contre le gré de l'habitant, que cette expression doit « s'entendre en ce sens que le délit existe dès lors que le <«< consentement n'est pas donné librement et en pleine con<< naissance de cause, mais qu'il est surpris et vicié par des « manœuvres dolosives. (( « Considérant que si la dame N*** n'a ouvert la porte que (1) Journal des Parquets, 1886, art. 9. |