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prêter main-forte el suppléer, au besoin, à l'autorité du maire), aux loteries, etc., etc. Dans tous ces cas, la loi a fait intervenir l'autorité du préfet pour protéger les faibles, mettre le public à l'abri de gens. malfaisants, le tenir en garde contre les exploiteurs, en un mot, pour sauvegarder les personnes et les biens.

Nous n'entrerons pas dans le détail des lois et règlements qui limitent et règlent les pouvoirs du préfet pour chaque matière spéciale. Cela nous entraînerait hors du cadre de cet exposé tout à fait général. Nous allons développer ce qui concerne les attroupements et les émeutes, et montrer l'étendue des pouvoirs de police du préfet. Cette matière délicate mérite plus particulièrement notre attention.

IV.

Lorsque l'Assemblée constituante supprima l'ancienne division de la France en provinces et généralités, et la remplaça par la division en départements, elle organisa, par la même loi du 22 décembre 1789, l'administration qui devait succéder aux intendants généraux. Par suite d'une confusion qui ne tarda pas à produire de fâcheux résultats, elle confia l'action administrative à un corps délibérant de 36 membres, qui nommaient parmi eux un directoire de 8 membres, et qui étaient assistés d'un procureur général syndic, élu comme eux. Les attributions des administrations de département sont énumérées à l'article 2 de la section 3 de la loi du 22 décembre 1789, ainsi conçu :

« Les administrations de département sont chargées, sous l'autorité et l'inspection du roi, comme chef suprême de la nation et de l'administration générale du royaume, de toutes les parties de cette administration, notamment de celles qui sont relatives......, 9° au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publiques. »

L'organisation créée par la loi du 22 décembre 1789 fut successivement modifiée par la loi du 14 frimaire an II, qui supprima les conseils de département et chargea de la direction des affaires politiques les comités locaux de salut public et les représentants du peuple en mission; par la constitution du 5 fructidor an III, qui établit une assemblée de 5 membres élus à côté desquels était un syndic; enfin, par la loi du 28 pluviôse an VIII, qui, partant du principe qu'agir est le fait

d'un seul, plaça un préfet à la tête de chaque département. Aujour d'hui donc, les préfets sont, pour ainsi dire, les successeurs et les héritiers des anciennes administrations de département. La loi du 22 décembre 1789 est toujours en vigueur, sauf en ce qui concerne les attributions données aux conseils généraux. Et pour déterminer les pouvoirs de police des préfets, on est obligé de se reporter à l'énumération contenue dans l'article 2 de la section III de cette loi.

Voilà donc le préfet chargé de maintenir l'ordre public dans le département. Pour remplir cette mission, il a à sa disposition la force publique. Mais comment est réglé l'exercice de la force publique? Dans quels cas peut-on en faire usage? Quelles précautions faut-il prendre dans ces différents cas?

Pour répondre à ces questions, il convient de se reporter à la loi des 26 (27) juillet-3 août 1791:

« Les attroupements séditieux contre la perception des cens, redevances, agriers et champarts, contre celle des contributions publiques, contre la liberté absolue de la circulation des subsistances, des espèces d'or et d'argent et toutes autres espèces monnayées; contre celle du travail et de l'industrie, ainsi que des conventions relatives aux prix des salaires, seront dissipés par la gendarmerie (art. 10). Il en sera de même dans le cas d'attroupement séditieux et d'émeute populaire contre la sûreté des personnes, quelles qu'elles puissent être; contre les propriétés, contre les autorités soit municipales, soit administratives, soit judiciaires; contre les tribunaux civils, criminels et de police; contre l'exécution des jugements ou pour la délivrance des prisonniers ou condamnés; enfin contre la liberté ou la tranquillité des assemblées constitutionnelles (art. 13). »

Les procureurs généraux syndics du département « seront tenus de faire les réquisitions nécessaires aux gendarmes nationaux et gardes soldées des villes, même, en cas de besoin, aux troupes de ligne (art. 16) ».

C'est donc à la gendarmerie d'abord qu'il faudra avoir recours. Ce n'est que subsidiairement que le préfet requerra les troupes. Mais, dans quelle forme la gendarmerie sera-t-elle requise? L'article 96 du décret du 1er mars 1854 portant règlement sur l'organisation et le service de la gendarmerie, donne la formule. La voici :

« Conformément à la loi..... en vertu d..... (loi, arrêté, règlement), nous requérons le (grade et lieu de résidence), de commander, faire....

se transporter..... arrêter, etc....... et qu'il nous fasse part (si c'est un officier), et qu'il nous rende compte (si c'est un sous-officier) de ce qui est par nous requis au nom de la République. »>

Lorsque la réquisition est adressée aux troupes, elle doit, d'après la loi des 26 (27) juillet - 3 août 1791, être faite en la forme suivante :

« Nous..., requérons, en vertu de la loi, le sieur....., commandant, etc...., de prêter le secours de troupes de ligne nécessaires pour prévenir..... ou dissiper les attroupements. » Dans aucun cas, les termes de la réquisition ne doivent être impératifs.

Avant de faire les réquisitions, le préfet se concertera verbalement avec le commandant de la force armée. Ils délibéreront ensemble sur la gravité des troubles, sur la quantité de troupes qu'il convient de requérir, sur les divers moyens à employer, mais une fois les réquisitions faites, le préfet ne peut s'immiscer en aucune façon dans les opérations militaires ordonnées par les officiers pour l'exécution de ces réquisitions.

La loi des 26 (27) juillet - 3 août 1791 dispose également qu'avant d'employer la force des armes on devra faire trois sommations, chacune précédée d'un roulement de tambour. La forme de la sommation est celle-ci Obéissance à la loi! On va faire usage de la force! Que les bons citoyens se retirent! Ces sommations, indispensables, seront faites par un officier de police administrative, commissaire de police, maire, ou par le préfet lui-même.

Telles sont les dispositions de loi qui donnent aux préfets les pouvoirs nécessaires pour prévenir ou dissiper les troubles, et qui règlent dans quelles formes ces pouvoirs doivent s'exercer.

De nombreuses lois postérieures sont intervenues sur la même matière. Elles ont été provoquées pour la plupart par des troubles et des émeutes, qui ont fait voir la nécessité d'une modification, d'une aggravation dans la législation antérieure. La loi du 10 avril 1831 ordonnait à toutes les personnes formant des attroupements sur les places ou sur la voie publique de se disperser, après les sommations de l'autorité, et prononçait des peines plus ou moins fortes contre les coupables, suivant qu'ils auraient continué à rester dans l'attroupement après la première, la deuxième ou la troisième sommation. Cette loi a été abrogée par la loi plus rigoureuse du 7 juin 1848 « sur les attroupements ». D'après celle-ci, « tout attroupement armé formé sur la voie publique est interdit. Est également interdit sur la voie pu

blique, tout attroupement non armé qui pourrait troubler la tranquil- . lité publique. » La même loi règle ensuite une échelle de peines qui seront prononcées contre ceux qui ne se seraient pas dispersés après chaque sommation. Elle punit même « la provocation directe à un attroupement armé ou non armé, par des discours proférés publiquement et par des écrits ou des imprimés, affichés ou distribués »; cela, même si la provocation n'est pas suivie d'effet. La loi du 29 juillet 1881 est moins rigoureuse; elle ne punit, dans des cas analogues, que si la provocation aux crimes ou délits est suivie d'effet. La loi sur la presse n'a pas d'ailleurs abrogé la loi sur les attroupements. Specialia generalibus non derogant. De même, un projet de loi récemment déposé à la Chambre des députés par le Gouvernement, sur les réunions sur la voie publique, les symboles et cris séditieux, prévoit et punit l'attroupement et la provocation à l'attroupement, l'affichage et l'exposition de placards et emblèmes séditieux.

A la loi du 7 juin 1848, il faut joindre celle du 24 mai 1834 « sur les détenteurs d'armes ou de munitions de guerre », qui fut rendue dans une période de troubles, pour donner à l'autorité des armes énergiques et préventives contre les fauteurs de désordre. La loi de 1831 ne frappait les coupables qu'après le crime consommé. Celle de 1834 permit de les saisir et de les frapper quand ils préparent l'insurrection. Elle établit des peines rigoureuses contre tout individu convaincu d'avoir fabriqué, débité ou distribué des armes prohibées par la loi ou par les règlements d'administration publique. Il en est de même des fabricants et détenteurs de poudres qui n'auraient pas été

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1. La circulaire suivante, adressée récemment aux procureurs généraux par le garde des sceaux, le constate formellement.

« Monsieur le Procureur général,

« Paris, le 13 mars 1883.

<«< Les excitations séditieuses qui se produisent soit par la voie de la presse, soit dans les réunions publiques, tendent à se multiplier, et les provocations incessantes à la révolte auxquelles se livrent les ennemis de nos institutions pourraient, si l'on n'y mettait un terme, porter le trouble dans les esprits.

<< Il convient, dans ces circonstances, que les dépositaires de l'action publique usent, pour en obtenir la répression, de toutes les armes que la législation actuelle met entre leurs mains.

« J'appelle en conséquence toute votre vigilance sur les infractions aux dispositions qui ont pour objet d'assurer le maintien de l'ordre, et notamment sur les délits prévus par la loi du 29 juillet 1881 et par celle du 17 juin 1848 sur les attroupements.... ....))

autorisés. La même loi punit de mort ceux qui, dans l'insurrection, ont fait usage de leurs armes; ceux qui n'en ont pas fait usage, ceux qui ont dressé des barricades sont punis de la détention; sont punis des travaux forcés à temps ceux qui se sont emparés d'armes ou de munitions, soit à l'aide de violences ou de menaces, soit en pillant ou envahissant des établissements.

Mais la loi de 1834, ni la loi de 1848, ni aucune loi suivante, ne contient de dispositions réglant l'exercice de la force publique, déterminant les cas où l'on peut en faire usage et les précautions 'que l'on doit prendre dans ces différents cas. Ces dispositions sont contenues dans la seule loi des 26 (27) juillet-3 août 1791, à laquelle le préfet devra toujours recourir.

Voilà donc sur quelles bases sont fondés les pouvoirs des préfets en cas de troubles. Voilà comment ces pouvoirs doivent s'exercer, comment ils sont limités. Mais est-ce au préfet seul qu'incombe le devoir de prévenir et de réprimer les troubles? Deyra-t-il toujours se mettre en avant et agir? N'y a-t-il pas d'autres fonctionnaires à qui revient, comme à lui ou avant lui, la même responsabilité ? C'est ce qu'il importe d'examiner.

V.

Le décret de la Constituante, en date du 14 décembre 1789, établit dans son article 50 que « les fonctions propres au pouvoir municipal,

1. Pour la législation relative aux armes de guerre et autres et aux poudres, voir loi 13 fructidor an V, déclar. du roi du 23 mars 1728, ordonn. juil. 1816; décr. 25 mars 1852 sur la décent.; loi 14 juil. 1860, règl. du 6 mars 1861, décr. du 49 juin 1865; loi 19 juin 1871. L'ensemble de cette législation peut se résumer ainsi toute personne peut se livrer à la fabrication ou au commerce des armes de guerre, en vertu d'une autorisation donnée par le ministre de la guerre. Mais les armes de guerre fabriquées par l'industrie privée ne peuvent être vendues à l'intérieur et doivent être exportées. Les armes de guerre sont celles qui servent, qui ont servi ou qui peuvent servir à armer les troupes, françaises ou étrangères. Est interdite la fabrication ou la détention, sans autorisation, de machines ou engins meurtriers ou incendiaires, agissant par explosion ou autrement, ou de poudre fulminante, quelle qu'en soit la composition. Les fabricants ou vendeurs d'armes de commerce sont soumis à la surveillance des maires. Le port d'armes secrètes est interdit. Le port d'armes ordinaires n'est interdit qu'aux gens sans aveu, ou aux condamnés à la dégradation civique, ou dans certains lieux, comme les assemblées électorales, les foires et marchés; de plus, dans les insurrections, il aggrave la pénalité encourue. La vente des poudres de guerre est prohibée. Celle des autres poudres doit être autorisée par le préfet,

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