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DES

POUVOIRS DE POLICE DES PRÉFETS

EN GÉNÉRAL

ET SPÉCIALEMENT EN CAS DE TROUBLES

Il n'y a pas de matière de droit administratif aussi diverse et aussi compliquée que la police. Cela est si vrai qu'il est pour ainsi dire impossible de donner de ce mot une définition exacte et complète. On procède généralement par énumération. De là des lacunes et un défaut de méthode qui ont rendu cette étude difficile. Énoncer quelques divisions rationnelles, dans lesquelles on pourra faire entrer ensuite les diverses espèces qui se présenteront, développer avec détail la question plus particulièrement délicate des pouvoirs des préfets en cas de troubles, fournir çà et là des renseignements de droit utiles, enfin donner quelques idées, tel est le but, modeste comme on voit, de l'exposé général que nous allons faire.

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I.

On doit diviser d'abord la police en police judiciaire et police administrative. La police judiciaire a pour but de constater et de réprimer les crimes, délits et contraventions. La police administrative n'a pour but que de les prévenir; de plus, elle s'applique à beaucoup d'autres objets.

Les préfets sont officiers de police judiciaire, en vertu de l'article 10 du Code d'instruction criminelle ainsi conçu: « Les préfets des départements et le préfet de police à Paris pourront faire personnellement ou requérir les officiers de police judiciaire, chacun en ce qui le con

cerne, de faire tous actes nécessaires à l'effet de constater les crimes, délits et contraventions, et d'en livrer les auteurs aux tribunaux chargés de les punir. » Il est de jurisprudence que ces fonctions ne peuvent être déléguées au secrétaire général ni à un conseiller de préfecture.

C'est en agissant comme officiers de police judiciaire, et seulement ainsi, que les préfets peuvent procéder ou faire procéder à des arrestations, à des saisies, destinées à constater les crimes, délits et contraventions et à en livrer les auteurs aux tribunaux. Ils peuvent faire ou requérir, tant au domicile des prévenus que partout ailleurs, et même dans les bureaux de poste, les perquisitions et saisies qu'ils jugent nécessaires à cet effet (Cass., ch. réun., 21 novembre 1853). Ils peuvent, aussi bien que les juges d'instruction, faire la recherche des pièces à conviction au domicile d'un tiers. Une circulaire ministérielle du 21 février 1854 recommande aux préfets de n'user qu'« exceptionnellement et en cas d'urgence du droit de perquisition dans les bureaux de poste, pour découvrir les correspondances qui seraient de nature à nécessiter des poursuites ». Si, en effet, le préfet faisait un exercice abusif de son pouvoir, c'est-à-dire s'il en usait dans un autre but que la recherche d'une infraction à la loi pénale, il encourrait la responsabilité civile de l'article 1382 du Code civil et la responsabilité criminelle de l'article 187 du Code pénal.

Lorsque les procès-verbaux sont dressés, lorsque les documents sont réunis, le préfet apprécie s'il convient de déférer l'affaire à la justice, ou de ne pas y donner suite. Dans tous les cas, il devra avertir le procureur général de ce qui s'est passé. Les officiers de police judiciaire sont placés par la loi sous la haute direction de ce magistrat.

1

C'est uniquement en vertu de ses pouvoirs d'officier de police judiciaire que le préfet pourrait, au moins en l'état actuel de la législation, faire enlever et saisir des affiches provoquant à des crimes ou délits (art. 75 à 101, C. pén. et loi du 30 juin 1881, art. 23), ou des emblèmes séditieux (déc. du 11 août 1848, art. 6).

Le Code d'instruction criminelle a établi des moyens de maintenir l'ordre dans les réunions où les fonctionnaires administratifs remplissent quelques actes de leur ministère. « Les préfets, sous-préfets, maires et adjoints, officiers de police administrative ou judiciaire, lorsqu'ils rempliront publiquement quelques actes de leur ministère, exerceront aussi les fonctions de police réglées par l'article 504 (il

s'agit des attributions du magistrat qui préside les audiences dans les tribunaux de l'ordre judiciaire); et, après avoir fait saisir les perturbateurs, ils dresseront procès-verbal et enverront ce procès-verbal, s'il y a lieu, ainsi que les prévenus, devant les juges compétents (art. 509, C. inst. cr.).» Les pouvoirs attribués par cet article n'appartiennent pas aux préfets seuls, mais encore aux sous-préfets, maires, adjoints, et aux officiers de police administrative qui, dans l'exercice de leurs fonctions, président des assemblées. Mais ici, les préfets n'agissent plus, à proprement dire, comme officiers de police judiciaire, auxiliaires du procureur général. C'est comme un pouvoir de police spécial qui leur appartient pour faire respecter leur autorité, dans certains cas déterminés.

Nous ferons entrer dans cette même division les cas nombreux où le préfet croit devoir faire connaître, en la forme administrative, au procureur de la République qu'une infraction aux lois a été commise, et lui demander qu'il y soit donné telle suite que de droit.

Nous ne nous étendrons pas davantage sur ce sujet. C'est la police administrative qui fait l'objet principal de cet exposé.

11.

Dans ses Études administratives, qui sont encore, malgré le temps, un des ouvrages que l'on consulte avec le plus de fruit et de plaisir, et où notre droit si divers a été synthétisé avec le plus de clarté, M. Vivien divise la police en trois grandes catégories :

1o La police politique;

2o La police de sûreté ;

3o La police administrative proprement dite.

La police politique consiste d'abord en une haute surveillance que le préfet exerce sur ce qui se passe dans son département, et en un compte exact qu'il en doit faire au Gouvernement. Par les fonctionnaires directement placés sous ses ordres, sous-préfets, maires, commissaires de police, il sera tenu au courant des réunions qui ont eu lieu, de ce qui s'y est dit, des mouvements de l'opinion publique, si utiles à connaître sous un régime républicain, des agissements des personnages importants, de la propagande et des menées des partis politiques. Par ses tournées dans les communes, il acquerra une con

naissance personnelle de l'état des esprits. Il embrassera ainsi d'un regard tout son département, et sera en mesure d'informer le ministre sous les ordres duquel il est placé, du sentiment que provoquent les actes des pouvoirs publics, ainsi que des besoins matériels, intellectuels et moraux des populations. Il connaîtra le nombre, l'organisation, le fonctionnement des associations de toutes sortes. Il les surveillera. Il transmettra au Gouvernement, avec son avis, les demandes d'autorisation, conformément à l'article 291 du Code pénal. Pour les associations qui ne se conformeraient pas aux lois, il examinera s'il doit les déférer à la justice ou les dissoudre par la voie administrative. On attend aujourd'hui une nouvelle loi sur le droit d'association; elle est en délibération devant le Parlement. Elle ne peut manquer de préciser les pouvoirs du préfet en cette matière.

C'est dans la police politique qu'il faut comprendre les pouvoirs généraux en vertu desquels le préfet a la haute main sur toutes les administrations de son département. L'article 3 de la loi du 28 pluviôse an VIII établit que le préfet est seul chargé de l'administration. Cela signifie que le préfet trouve, dans sa qualité d'auxiliaire du Gouvernement et de représentant de tous les ministres, un pouvoir qui s'étend à tous les services publics. Il est le supérieur hiérarchique des autres agents administratifs, et s'il ne lui appartient pas toujours de réformer leurs actes, du moins a-t-il un droit de contrôle et de surveillance générale sur le personnel et sur la marche des affaires.

III.

« Le domaine de la police de sûreté, dit M. Vivien, est illimité: tout ce qui touche à la défense des personnes ou des propriétés lui appartient... La police de sûreté est présente partout où se font de grands rassemblements, dans les théâtres, dans les fêtes, dans les promenades où se presse la foule. L'émeute et la sédition la font apparaître sans délai : partout elle a pour éclaireurs ses agents, pour force suprême la garde municipale (M. Vivien se place au point de vue de Paris) et au besoin toutes les troupes de la garnison. »

Parmi les attributions de cette catégorie qui appartiennent aux préfets, citons celles qui sont relatives aux passeports, aux permis de séjour, aux incendies (bien que le préfet n'intervienne que pour

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