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devant la loi civile sans acception d'opinion religieuse, - et l'incapacité de l'Etat à intervenir dans les affaires dogmatiques des cultes; il faut plus que cela; il faut que le principe de la liberté de conscience ait pour corrollaire la liberté de ces cultes, et l'indépendance des cultes dans toutes leurs manifestations qui ne sont point contraires à l'ordre public.

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Or, malgré les déclarations de principe contenues dans les fameux décrets de 1789, et dans les chartes et constitutions qui se sont succédées dans notre pays, la liberté des cultes, tant invoquée, la séparation de l'Eglise et de l'Etat tant vantée, ne sont point devenues, autant qu'elles devraient l'être, une vérité pratique ; le culte ce n'est pas la croyance; nos croyances sont libres, et nous reconnaissons qu'aucune entrave n'existe à la liberté de ceux qui n'ont ou ne veulent avoir aucune croyance religieuse; mais le culte, c'est l'hommage rendu par ceux qui croient à ce qui fait l'objet de leur foi, - et la liberté de cet hommage n'est point encore aujourd'hui une vérité pratique.

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En Belgique, le culte de la majorité subit encore une partie des entraves que la législation du consulat et de l'empire, tout en restaurant ce culte, n'a pu se résoudre à ne pas consacrer quelques-unes de ces

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entraves, nous le reconnaissons, sont nées de l'impossibilité où l'Etat se trouvait, en 1801, de rendre à l'Eglise catholique, tout ce dont elle avait été spoliée, - et de la nécessité qu'il y avait pour lui d'intervenir pour la surveiller, dans une administration aux ressources de laquelle il s'engageait à contribuer indéfiniment pour complèter la restitution, base du concordat; - en Belgique, cette contribution de l'Etat aux frais du culte est devenu un principe constitutionnel, et nous force ainsi à admettre une certaine intervention de l'Etat dans le réglement et la surveillance du temporel du culte, intervention qui serait contraire en principe, ainsi que nous l'établirons, à l'indépendance du culte catholique; mais parmi les entraves que la législation du consulat et de l'empire a mises à l'indépendance de l'Eglise catholique, il en est d'autres que nous ne devons qu'à l'esprit de ce gouvernement ; esprit despotique, comme le sera toujours celui d'un gouvernement appelé à mettre fin à uue période d'anarchie, et qui le sera d'autant plus si la main qui le dirige est celle d'un conquérant. Or, c'est précisément cet esprit despotique qui semblait devoir disparaître totalement de nos lois sur le temporel des cultes, après la conquête de notre nationalité, et la proclamation de

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notre Constitution; - une réforme de ces lois, opérée dès 1831, eût été, sans aucun doute, une réforme libérale, vraiment digne de ce nom : on se contenta des articles 14, 15 et 16 de la Constitution belge, et de l'abrogation tacite des dispositions que ces principes constitutionnels entraînaient; — et il se fait qu'aujourd'hui, trente années plus tard, nous constatons par des actes récents du pouvoir exécutif, l'immixtion la plus arbitraire du pouvoir civil dans les affaires du culte, au détriment de la liberté de celui-ci; et la législation de l'empire qui a rendu possible cette immixtion, et par conséquent ces excès, ne semble donc pas devoir être réformée dans le sens d'un retour aux vrais principes de la liberté politique (1).

D'où vient, en matière de culte surtout, cette ten

(4) Un arrêté royal vient de refuser, il y a quelques jours, à une fabrique d'église l'autorisation d'accepter une donation de cinq cents francs, faite pour fonder une mission décennale dans l'église de Mont (Luxembourg). — L'arrêté est motivé, non pas sur ce que cette acceptation grèverait de trop grandes charges le budget de la fabrique, mais sur ce le gouvernement ne doit pas reconnaître toutes sortes de fondations.

Cet acte déplorable est à lui seul une preuve de l'incroyable aberration où certains esprits sont tombés dans notre pays. Nous ne discutons jamais qu'en admettant la bonne foi de nos adversaires : c'est pour cela que nous nous contentons d'appeler du nom d'aberration ce fait inouï posé par des hommes qui invoquent cependant tous les jours comme une conquête des temps modernes la sépara tion de l'Eglise et de l'Etat.

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dance au despotisme de l'Etat, à l'absorption au profit de l'Etat de toute administration, tendance irrécusable que des hommes de talent sont parvenus à imprimer au gouvernement de notre pays?

De la nature des partis qui divisent la Belgique, et du caractère de la lutte de ces partis.

Tous les grands principes de liberté sont, par un côté du moins, du domaine philosophique et religieux ; or, le terrain de la lutte, chez nous, est le terrain philosophique et religieux; sans doute, il y a pour certains hommes des deux partis des motifs d'intérêt personnel ou d'ambition personnelle engagés dans la lutte à laquelle ils se mêlent; mais, au fond, ce qui divise chez nous les hommes politiques sincères et sérieux des deux partis, ce sont leurs opinions philosophiques et religieuses voilà pourquoi la lutte a dù devenir fatale à la liberté de ceux qui y défendent leurs droits religieux, le jour où leurs adversaires, quelque nom qu'ils portent, ont triomphé et obtenu le pouvoir.

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Quoiqu'il en soit ou en doive ètre des projets de réforme de la législation du temporel du culte, annoncés par le discours de la couronne en 1861, c'est le moment pour tous ceux, publicistes surtout et législateurs, qui auront des devoirs à remplir en

cette circonstance, de faire une étude sérieuse des graves matières qui peuvent devenir le sujet de cette législation importante; c'est à cette étude que ce livre est consacré.

C'est assez dire que nous n'avons pas fait un commentaire des lois qui vont disparaître, si la réforme projetée s'accomplit: notre livre est un travail sur les questions fondamentales qu'une pareille législation soulève, - et dont l'importance doit rester la même, quelle que soit la législation future.

Nous nous sommes placés au point de vue de la liberté des cultes, et pour nous guider sûrement dans l'examen des conditions auxquelles cette liberté sera assurée à l'Eglise catholique, nous avons recherché d'abord quelle est sa doctrine quant aux biens temporels dont elle a besoin, et quant au droit qu'elle réclame de les administrer.

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C'est là, pensons-nous, la seule voie à suivre quand on cherche à maintenir dans les lois qui règlent le temporel d'un culte, la liberté de ce culte; c'est à la doctrine de ce culte lui-même qu'il faut s'adresser pour connaître les conditions de sa liberté; et si ces conditions ne sont point contraires à l'ordre public, la règle de la loi doit être de s'y maintenir, sous peine de mentir au principe politique de la liberté de conscience.

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