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vont à leurs affaires, et les entraînent malgré elles avec la foule. Plusieurs se trouvent mal; on les dépose dans la première boutique, en les accablant d'injures. Les autorités ne paroissent pas vouloir arrêter ce torrent. Le marquis de Lafayette, commandant de la garde nationale; parcourt les rues de Paris; différens groupes l'enveloppent et lui disent: Allons à Versailles... Un grenadier lui porte la parole, en disant : « Mon général, si vous êtes brave, nous vous >> accompagnerons par tout; mais si vous hé» sitez, nous partons à l'instant pour Versailles, et nous vous abandonnons à la fureur du » peuple. >>

Le général, pâle et consterné, dit qu'il va prendre les ordres de la commune; on le suit. La commune lui enjoint de partir, et il part avec environ 15000 hommes; mais, cinq heures avant, il étoit précédé de vingt mille, compris femmes et enfans, presque tous armés de piques, pioches, haches, etc. Il arrive à Versaille vers minuit par un tems affreux; car il sembla que l'horizon s'obscurcit, pour ne pas voir les crimes qui devoient se commettre...... Un grenadier de la garde soldée, se plaignant du mauvais tems, regrettoit ses guêtres blanches; une femme lui dit : « Si tu les sallis

» avec honneur, je te les blanchirons avec

>> plaisir..... >>

Louis XVI, arrivant de la chasse, voit avec effroi une foule innombrable de personnes de tout sexe et de tout âge, formant une armée sans discipline. Les gardes du corps, en bataille sur la place d'armes, veulent empêcher l'entrée du château; le régiment des gardes suisses, celui de Flandres, et la garde nationale, pareillement en bataille, n'ayant point leur chef (le comte d'Estaing) à leur tête, attendent des ordres pour agir. On étoit certain que, dans cette garde nationale, il y avoit deux partis bien distincts. On étoit assuré que le régiment de Flandres étoit pareillement divisé d'opinions. Chacun craint pour soi-même ; il ne falloit donc qu'un chef qui pût faire taire tout sentiment individuel par un ordre général. Pendant ce tems, une rixe s'élève entre les gardes du roi et le peuple. Quelques coups de pistolet sont lâchés, c'est le signal du carnage. Le combat s'engage, plusieurs personnes du peuple sont blessées; on fonce sur les gardes, qui ne font pas la plus légère résistance; deux des leurs sont enveloppés, on leur tranche la tête. Le roi apprend ce malheur, ordonne à ses gardes de se retirer. Pendant ces scènes san

glantes

glantes, on ne voit sur la place ni le comte d'Estaing, ni le marquis de Lafayette. Alexandre Berthier, major-général de la garde nationale, parcourt les rangs, mais ne veut prendre sur lui de donner aucun ordre ; ainsi la garde nationale, les régimens des gardes suisses et de Flandres sont immobiles au sein du combat. Bientôt le peuple les accueille avec enthousiasme, parce qu'ils n'ont pas épousé la querelle des gardes. Il pénètre dans les cours du château, dans les appartemens, et se divise en plusieurs portions. Une partie se porte chez le roi, ayant à sa tête quelques femmes; Louis XVI les reçoit avec bonté, et se plaint avec douleur de ce qui se passe sous ses yeux. La présidente de la députation (une bouquetière, Louise Chably,) lui fait une harangue; il lui témoigne sa satisfaction, et l'embrasse..... Une bande de forcenés se porte aux appartemens de la reine, dont l'entrée est défendue par un de ses gardes. On se jette sur lui, et, après l'avoir assommé, on lui coupe la tête. On entre, on s'apperçoit que la personne désignée aux assassins s'est sauvée; on se livre à une fureur inconcevable, et l'on se venge d'une manière horrible sur son lit, ses meubles, etc. (1).

[1] La reine n'eut que le tems de se sauver

, par

E

Vers les onze heures du soir, on a l'intention d'enlever le roi et sa famille; on voit filer des voitures dans la ville; on les suit, et on fait fermer la grille de l'orangerie, par laquelle elles doivent sortir. Un escadron de gardes du roi, en bataille dans le parc, reçoit l'ordre de rentrer à son hôtel.

Le 6 octobre, les bandes parisiennes demandent à leurs chefs, qui ne s'étoient pas montrés la veille, le départ du roi pour Paris; ils le leur promettent. Peu de tems après, Louis XVI, avec la reine tenant le dauphin dans ses bras, accompagnés des personnes de la cour, et de M. de Lafayette, se présentent au balcon ; on crie vive le roi, et on demande son départ pour Paris. Le roi fait au peuple une courte harangue, et promet de partir pour la capitale avec sa famille.

L'instant d'après on voit monter au château vingt-deux gardes du roi, pâles et défigurés, tenant sous le bras des gardes françaises; ils avoient changé leurs chapeaux contre les casques de ces derniers, et crioient vive la nation. Ces malheureux étoient destinés à la

un escalier dérobé, chez le roi, où on assure qu'elle arriva en chemise.

mort, et ils ne devoient leur salut qu'au départ prochain du roi pour Paris; on les promena dans les rangs, pour annoncer que la paix étoit arrêtée entre les partis.

A onze heures du matin, plusieurs décharges d'artillerie annoncent le départ de la cour pour Paris; les gardes-du-corps changent de sabres, de baudriers, de chapeaux avec les gardes nationaux ; les voitures défilent, les gardes suivent à pied, tandis que le peuple monte sur leurs chevaux ; des armes de toute espèce escortent les voitures, des canons ouvrent et ferment la marche, et chacun dit : « Nous con» duisons à Paris le boulanger, la boulangère et le petit mitron ( le roi, la reine et le » dauphin »).

M. Mounier présidoit l'assemblée nationale le 5 octobre; une députation de femmes y fut admise, et demanda du pain au nom du peuple de Paris... Le président promit d'envoyer une députation au roi pour lui peindre de nouveau les allarmes de la capitale. Cette même députation insiste de nouveau pour que le roi accepte la déclaration des droits de l'homme, et les articles fondamentaux de la constitution

à présenter aux Français, sur lesquels Louis XVI avoit fait des observations. Le 5, à onze heures

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