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M. Necker écrit à l'assemblée, lui représente qu'elle a manqué le but proposé relativement à l'emprunt, qu'elle a voulu épargner un demi pour cent, et que les fonds ne se versent pas. « Vous avez, dit-il à l'assemblée, mis la dette » publique sous la sauve-garde de l'honneur et de la loyauté française; votre noble et vertueuse déclaration ne suffit plus pour assurer le crédit public. La première condition néces»saire pour fonder la confiance, c'est la certitude d'un accord entre les revenus et les » dépenses de l'état.

Le 27, un décret ordonne la liberté de la presse. Bientôt cette liberté dégénère en licence; de-là les pamphlets, les épigrammes. Chacun se croit en droit d'injurier celui qui ne pense pas comme lui. Alors des millions de brochures; oui, la postérité aura peine à le croire, des millions de brochures imprimées dans la seule ville de Paris, en l'espace de six mois, et toutes ou presque toutes dénuées de principes de morale et de religion, inonderent la France. Cette littérature se fut vendue un mois avant sous le manteau; mais alors elle avoit percé la draperie, elle se vendoit sur le

manteau.

Le 28 août, un décret ferme l'emprunt de

trente millions, et en rétablit un autre, payable moitié en argent et l'autre moitié en effets, avec l'intérêt de 5 pour cent; il éprouve le même sort que le premier.

On met en question dans l'assemblée si le roi peut refuser sa sanction aux actes émanés de l'assemblée. Cette question entraîne dans une discussion. On donne à ce refus le nom de veto, mot latin qui veut dire je m'oppose. Plusieurs orateurs parlent pour et contre, et le résultat est que le roi aura le véto suspensif; c'est-àdire, qu'il pourra refuser pendant un certain tems, suivant la nature du décret, et tout au plus pendant la durée de deux législatures. Ce mot, que le peuple ne connoissoit pas, fut tourné en raillerie. Les ennemis de la cour s'en servirent pour amuser le peuple; dans les cabarets, dans les orgies, et par suite dans les rues, on entendit nommer le roi et la reine monsieur et madame véto. Des chansons assez indécentes, où se trouvoit ce mot constitutionnel, commencèrent à faire perdre le respect qu'on devoit à l'homme que l'on regardoit alors comme son souverain.

On vit, à l'occasion du véto,

les vers

Il faut que le roi sanctionne

suivans:

Tous les beaux décrets qu'on lui donne,

Pour le bien de la nation.
Si le véto fut son partage,

Il l'obtint à condition

Qu'il n'en feroit aucun usage.

Septembre 1789. Le 10 septembre, on discuta dans l'assemblée sur la question de savoir si, par la constitution nouvelle à donner à la France, il y auroit un corps législatif composé de deux chambres ou d'une seule. Sur 1050 votans, une majorité de 889 a décidé en faveur d'une seule chambre.

Un décret de l'assemblée, en date du 6 septembre, ordonne la retenue d'un quart des revenus, traitemens, etc., au profit de l'état, sous le nom de contribution patriotique.

L'assemblée s'occupant de donner à la France une nouvelle constitution, fait précéder cette charte d'une déclaration des droits de l'homme; cette déclaration porte ombrage à la cour. On conseille au roi d'user de son véto suspensif; mais il fait des observations sur chaque article.

La garde nationale de Versailles organisée, avoit pour commandant en chef le comte d'Estaing. On fait courir le bruit qu'on a l'intention d'enlever le roi, et de le conduire à

Metz, où M. de Bouillé doit l'attendre avec un corps de troupes assez considérable. On voit arriver à Versailles le régiment de Flandres, qui entre dans la ville avec des canons et munitions; on éprouve toujours la même peine pour avoir du pain. Le roi balance pour accepter la déclaration des droits qui lui a été présentée. Nouveaux motifs pour activer la fermentation des esprits; chacun s'agite, chacun se croit homme d'état, et chacun veut donner son avis sur les travaux de l'assemblée et sur la conduite du chef de l'autorité monarchique.

Le 20 septembre, l'assemblée insiste pour que le roi sanctionne la déclaration des droits de l'homme.

Octobre 1789. Le premier octobre 1789, les gardes du roi donnent un repas de corps aux officiers du régiment de Flandres arrivé à Versailles; plusieurs officiers de la garde nationale en sont invités. On ne voit au premier moment qu'un repas d'usage, et l'admission de plusieurs militaires bourgeois semble annoncer une réu-, nion de cœur et de sentimens Ce repas est splendide; on y boit à la santé du roi et de la famille royale. On refuse de porter des toasts à la nation; les têtes s'échauffent, on se livre à des propos ironiques, La reine paroît au des

sert, accompagnée du dauphin et de plusieurs femmes de la cour qui distribuent des cocardes blanches, quand eiles savent que le roi a reçu et porte celle aux trois couleurs. Louis XVI, arrivant de la chasse, y paroît un instant, et est, ainsi que les autres personnes de la cour, témoin des orgies de ses gardes. Une musique guerrière exécute l'air : O Richard!ô mon rei! l'univers t'abandonne, ect.; et tandis que, dans ce repas somptueux, on y prodigue toutes sortes de comestibles, le peuple passe des jours entiers à la porte des boulangers pour avoir un pain de deux livres.

Des ennemis prononcés de la cour profitent bientôt de ses fautes, pour la rendre odieuse aux yeux du peuple.

Le 3 octobre, la commune de Paris dénonce Marat, auteur d'un journal intitulé : L'Ami du Peuple, qui, par ce titre, séduit ce même peuple, et le soulève contre l'autorité.

Le 5 octobre, le peuple de Paris se soulève ; on n'entend crier que ces mots: Allons chercher du pain à Versailles. Des séditieux arrêtent les passans dans les rues et les obligent à les suivre. Bientôt le nombre se grossit: une insurrection générale se manifeste. Des hommes déguisés en femmes arrêtent des femmes qui

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