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échapper au naufrage lorsque la tempête dure aussi long-tems.

La révolution française ne semble dater que de 1789, année dans laquelle les états-généraux du royaume furent convoqués et assemblés. Cependant, si nous consultons l'histoire, nous verions que les germes datent de bien plus loin; mais nous croyons que dès 1771 il y ent un projet d'insurrection des cours souveraines qui représentoient le peuple, contre le monarque français. A cette époque, une cour brillante et dissolue dévoroit les trésors de l'état; le luxe, l'intrigue et le crime entouroient un monarque qui, dans les commencemens de son règne, s'étoit acquis le surnom de bien aimé, tant il est vrai que le sort des hommes en place dépend souvent de ceux qui les environnent.

Dès 1771, les finances de l'état étoient dans un tel dépérissement, que Louis XV chercha les moyens de les relever; mais ses ministres n'osèrent ou ne songèrent pas à lui indiquer aucunes vues d'économie, tant dans sa maison que dans les différentes branches de l'administration: il existoit en outre, depuis longtons, une lutte opiniâtre entre le roi et le parlement de Paris, à l'occasion de la bulle

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unigenitus. Cette compagnie voyoit encore aves peine le souverain entouré de femmes prostituées, sorties de la fange, et correspondant avec les chefs de tripots de la capitale ; ce qui l'occasionnoit à faire souvent des humbles et respectuenses remontrances au roi. Louis XV conseillé par madame Dubarry et ses courtisans, voulant être maître absolu, cassa le parlement de Paris, le 13 avril 1771, ainsi que la cour des aides, et forma un nouveau parlement avec les membres du grand conseil. On remarqua sa fermeté au lit de justice, qu'il tint à cette occasion. Après avoir ordonné au chancelier Maupeou d'énoncer sa volonté, de donner lecture de trois édits, il sortit en disant : « Vous venez d'entendre mes volon> tés, elles ne changeront jamais ». Ce dernier mot, prononcé avec énergie, fit impression sur l'assemblée ; tout rentra dans le calme, et les parlemens des provinces, qui sembloient vouloir imiter celui de Paris, se soumirent à l'autorité royale. En effet, Louis XV ne changea point d'opinion, il tint sa parole, et le parlement ne rentra pas pendant sa vie.

Le décès de Louis XV, arrivé le 10 mai 1774, apporta des changemens; le dauphin, héritier présomptif, monta sur le trône, et

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reçut le nom de Louis XVI. Ces premiers sentimens furent de laisser les choses telles qu'elles étoient, et de respecter la volonté de son aïeul; mais entouré de personnages intéressés à la rentrée de l'ancien parlement, ils n'eurent pas de peine à le persuader que c'étoit un acte de justice, et dans cette intention il le rappela en octobre 1774, la première année de son règne. Il étoit loin de penser qu'en réta- ' blissant cette ancienne cour, il descendoit la première marche d'un trône où il étoit à peine assis (le couronnement n'étant pas fait), et qu'elle seroit la cause de sa perte, comme on le verra dans la suite.

Les premières années du règne de Louis XVI furent marquées par une infinité d'actes de justice et de bienfaisance; son caractère étoit dur, mais plein de bonté ; il avoit constamment des intentions pures; s'il a commis de grandes fautes pendant son règne, faut-il les attribuer à sa foiblesse ou à sa volonté ? c'est ce que l'on verra dans le cours de cet ou vrage. A peine ce monarque fut monté sur le trône de ses ancêtres, que le peuple vit avec plaisir les prostituées et les courtisans fuir à son aspect; mais par une fatalite attachée à la condition de roi, les marches du trône furent

bientôt remplies de nouveaux intrigans. Le trésor public devint aussi leur proie; des dilapidations énormes furent commises on fit des acquisitions de châteaux, des échanges de domaines, etc. On paya les dettes de plusieurs princes, et ces derniers, par leurs prodigalités, mirent enfin le souverain dans la nécessité d'assembler les notables de son royaume pour remédier aux maux de l'état.

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L'acquisition des châteaux de Saint-Cloud, de Rambouillet et de Bagatelle, les travaux et embellissemens de Trianon, la construction d'une maison pour Monsieur, frère du roi, près Versailles, qui coûta près d'un million, les courses, les paris le jeu, et beaucoup d'autres dépenses, étoient plus que suffisantes pour altérer le trésor public. Louis XVI n'auroit pas dépensé pour sa personne un écu mais il ne savoit pas résister aux demandes qu'on lui faisoit journellement, et les intrigans de sa cour savoient toujours mettre les clefs du trésor dans les mains de ceux qui, par leur adresse, savoient capter utilement pour eux l'esprit du monarque.

Ceux qui ont pris connoissance de l'intrigue du collier, dont le héros étoit un prêtre, prince de l'église romaine, peuvent avoir une idée

de la cour ce qui parut plus surprenant, c'est que Louis XVI ayant fait arrêter de sa propre volonté le cardinal de Rohan dans ses appartemens, le 19 août 1788, comme chef de cette intrigue, ne donna pas ordre au parlement de Paris de le juger suivant la rigueur des lois ; on vit, au contraire, que sous le prétexte de ne point attaquer la religion, on pallia les crimes du cardinal, qui fut déclaré innocent par le parlement de Paris. Ce jugement tranquillisa beaucoup de personnes de la plus haute distinction, qui craignoient de paroître sur la scène. Néanmoins cette affaire commença à ouvrir les yeux des cours de magistratures sur les dilapidations de la cour.

Janvier 1786, Vers la fin de 1786, Louis XVI voyant son trésor épuisé, les peuples surchargés d'impôts, le crédit public altéré, prit le parti d'assembler les notables du royaume ; il leur écrivit le 29 décembre 1786 une lettre de convocation pour le 29 janvier suivant.

Le 29 janvier, jour fixé pour l'ouverture de cette assemblée, trois ministres se trouvant malades, la première séance fut remise, par ordre du roi, au 22 février suivant. M. de Vergennes, ministre des affaires étrangères, mourut la nuit du 12 au 13 février. Cette assem

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