Page images
PDF
EPUB

quelques conférences chez son garde des sceaux (M. de Barentin ); chaque ordre y envoya un certain nombre de représentans pour s'accorder sur les principes.; mais la distinction que montra le garde des sceaux offenst le tiers-état, et les conférences n'eurent aucun succès. On assure qu'un des membres du tiers-état dit au garde des sceaux : « Monsei

gneur, loin de chercher à réunir les trois » ordres, vous les éloignez les uns des autres » par la préséance que vous accordez aux deux » premiers ordres. Quand le clergé entre chez

vous on ouvre les deux portes de votre ap»partement; vous faites ouvrir la porte à » droite pour la noblesse, et la porte à gauche » pour le tiers-état ; que ne faites-vous passer » ce dernier par le trou de la serrure »?

Juin 1789. Les conférences étant interrompues, le tiers-état prit la résolution de se constituer en assemblée nationale, et il le fit en effet le 17 juin 1789, après trois jours de débats. Le consentement de payer les impôts, quoiqu'illégalement établis et perçus, puisqu'ils l'avoient été sans le consentement de la nation, et la mise des créanciers de l'état sous la sauve-garde de la loyauté française, furent les premiers décrets qui sortirent du sein de cette assemblée.

Le clergé et la noblesse, effrayés par une telle résolution, craignant que le tiers-état, appuyé par le peuple, ne délibérât réellement, et que ses délibérations n'eussent force de loi, cherchèrent à se réunir au tiers-état; mais un autre avis prévalut; ce fut d'aller chez le roi, qui étoit alors à Marly, de lui présenter la conduite du tiers-état, en le suppliant d'arrêter sa marche irrégulière et indécente.

La députation eut lieu le 19 juin. M. de Juigné, archevêque de Paris, en étoit le président; il employa toute son éloquence; et tenant un crucifix à la main, il dit au roi que la religion étoit perdue, l'état en péril, et la per sonne du roi dans un danger imminent, si sa majesté n'arrêtoit les projets du tiers-état.

Quelques jours auparavant, on avoit trouvé à la porte de la salle le verset suivant : Quare fremuerunt gentes et populi meditati sunt. inania. Pourquoi les nations se sont-elles élevées ! pourquoi les peuples ont-ils formé de vains projets! On crut que c'étoit l'ouvrage du clergé, et cela ne contribua pas peu à irriter le tiersétat.

Louis XVI promit sa protection aux deux premiers ordres. Aussi-tôt il ordonna qu'on fit fermer les portes de l'assemblée; il déclara

que voulant tenir une séance royale le 22, on étoit obligé de préparer la salle, et d'y dresser un trône.

Dans ce voyage de Marly, un anglais se trouvoit à table chez la duchesse de Polignac, qui lui fit cette question : « Avez-vous vu, my» lord, les états-généraux? Avez-vous entré >> dans les trois chambres ? Qu'en pensez) vous » ?

L'anglais n'osoit se prononcer; mais pressé par la duchesse de s'expliquer franchement, il répondit : « Je pense, madame, que toute » la noblesse de France réside dans la chambre » du tiers-état ».

[ocr errors]

Le 20 juin, M. Bailly, présidant l'ordre du tiers état, constitué en assemblée nationale, se présente aux portes de l'assemblée; une sentinelle lui en refuse l'entrée ; il veut insister; un officier aux gardes françaises lui dit que c'est par un ordre exprès du roi. Il obtient cependant la permission d'entrer seul pour y prendre des papiers. Etant entré, il dresse procès-verbal du refus qui lui a été fait. Bientôt les autres députés se présentent ; même refus; plusieurs d'eux, réunis, vont aux récolets, et demandent leur église pour y tenir la séance des états; ces religieux répondent

[ocr errors]
[ocr errors]

...

que tenant leur existence des bontés du roi ils ne pouvoient la donner sans sa permission... On se présente à l'église Saint-Louis; le curé fait une réponse semblable à celle des récolets. Enfin les députés du tiers-état, réunis en grand nombre sur la place d'armes à Versailles, dirent hautement : « Faisons apporter ici une » table et des chaises, par-tout où nous serons » réunis, là, sera l'assemblée nationale. .. Cette proposition fut d'abord assez goûtée; mais l'affluence des spectateurs fut si grande, qu'ils ne purent y rester. Ils se présentèrent à un jeu de paume, où ils furent reçus. La salle étoit grande, mais peu aérée, et ce fut-là où les députés, échauffés par la résistance, firent le serment solennel de ne se séparer qu'après avoir donné à la France une nouvelle constitution. A peine la séance fut-elle terminée, que le comte d'Artois envoya l'ordre au maître de la salle de ne la pas donner le lendemain au tiers-état; que son intention étoit d'aller faire une partie de paume... Ce propriétaire (Lataille ), répondit qu'il n'étoit plus. le maître de son local, et le lendemain 21, les députés y tinrent une seconde séance. La séance royale, annoncée pour le 22, fut remise au 23.

on

Le 22 juin, l'assemblée se tint dans l'église Saint-Louis. Cent cinquante membres du clergé se réunissent au tiers-état. Dans un discours plein d'éloquence que leur fait M. Bailly, remarqua qu'il leur dit : « Je vois en vous > » messieurs, l'ordre entier du clergé, et le » plus beau jour de ma vie sera celui où j'ai vu opérer cette réunion ».

Le 23, se tint cette fameuse séance royale à laquelle le peuple ne fut pas admis. Louis XVI, avec tout l'appareil de la royauté, se plaint amèrement des contestations qui se sont élevées dans les états. « Depuis six semaines, dit-il, » les états-généraux n'ont rien fait pour le bien de mon peuple; je viens pour en réunir les membres de corps et de sentimens; mon garde des sceaux va vous faire connoître mes > intentions ».

M. de Barentin, après un long discours, annonce de la part du roi, un réglement en 23 articles, par lesquels on voit 19: la suppression du décret du 17 juin, portant constitution de l'ordre du tiers-état en assemblée nationale; 20, abolition de tous les actes émanés de cette assemblée, comme inconstitutionnels, puisque les deux premiers ordres n'ont pas concouru à la délibération; 3°. le roi ordonne que dans les

[ocr errors]
« PreviousContinue »