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Le duc d'Orléans frappé par l'autorité royale, médita dès cet instant les moyens de s'en venger; et l'on assure que dans son exil, tourmenté par la douleur de n'être pas au sein de la capitale, il se lamentoit, et se livroit souvent à des imprécations contre le roi et la reine. Il dit un jour a un de ses valets-de-chambre qui avoit sa confiance, et qui cherchoit à le consoler: « Laisse-moi, je ne puis supporter de >> sang-froid ma position; ils me le paieront » Oui; dussé-je périr; je périrai content, si » j'entraîne dans ma perte le roi, et sur-tout la > reine; et je le jure, je les y entraînérai : je

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les rendrai aussi malheureux que des créa»tures vivantes peuvent l'être. J'y dépenserai » toute ma fortune; j'y perdrai la vie même s'il >> le faut .....

Le a1 novembre 1787. Le parlement de Paris se rend, par ordre du roi, en grande députa tion à Versailles. Le président, au nom de la compagnie demande avec instance le rappel du duc d'Orléans et des deux conseillers. Le roi rèpond: « qu'il a eu de fortes raisons pour éloi» gner de sa personne un prince de són sang, » et qu'il a puni deux magistrats dont il était » mécontent ».... Il ordonne au parlement de lui apporter son arrêté du 19, et de le biffer dessus ses registres. Le parlement réclame en

core la tenue des états-généraux dans le plus court délai. Louis XVI répond à cette dernière demande : « J'ai dit que je convoquerois les » états-généraux avant 1792, c'est-à-dire, au » plus tard en 1792; ma parole est sacrée.... »

Une telle réponse, qui prouvoit que le roi cédoit aux instances de ses parlemens, ne leur suffit pas encore; ils assiégèrent le trône de nouveau pour le rappel du duc d'Orléans et celui des deux conseillers. Des protestations, des supplications, des remontrances au roi, tout fut mis en usage par le parlement de Paris et les autres du royaume. Cette lutte scandaleuse dura long-tems; depuis le mois de novembre 1787 jusqu'au mois de mai 1788, on vit une guerre ouverte entre la magistrature et le monarque français.

On remarque encore dans la réponse du roi, faite à son parlement de Paris le 21 novembre, les phrases suivantes : « Plus je me montre bon » quand je peux me livrer aux sentimens de » mon cœur, plus je suis ferme quand je peux > entrevoir qu'on abuse de ma bonté........... »

Année 1788.

Le duc d'Orléans invoque la sollicitude de la duchesse, sa vertueuse épouse, auprès de la

cour, pour le faire rappeler de son exil; cette princesse ose promettre que le duc est bien décidé à ne plus se mêler des affaires publiques et par ses rares vertus, elle obtient facilement le retour de son mari.

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Mai 1788. Pendant les premiers mois de 1788,on vit.des menées sourdes contre la cour; on fit des dénonciations contre les ministres, au parlement qui les reçut. Plusieurs de ses membres saisissent cette occasion pour faire des sorties vigoureuses contre l'autorité royale ; MM. Desprémenil et Demontsabert se montrent ouvertement contre la cour; ils sont arrêtés par la force armée dans la grand'chambre du parlement, le 5 mai 1788, et sont conduits à Pierre-Encise, Nouveau motif aux parlemens pour adresser au roi des remontrances respectueuses.

Le 8 mai 1788, le roi tient un lit de justice à Versailles, où assiste le parlement de Paris. Sur l'avis de l'archevêque de Sens (M. de Brienne), le roi ordonne la suppression d'un très-grand nombre de charges et d'offices dans les parle. mens; il ordonne l'établissement d'une cour plénière et la création de grands bailliages, etc. Cette cour devoit être composée de personnes attachées à la personne du roi par leur place, et c'étoit une occasion d'épurer les parlemens,

et de ne laisser en place que ceux qui étoient dévoués au souverain.

Le 9 mai, le parlement de Paris proteste sur ce qui s'est fait au lit de justice le 8. Dans ses protestations, on remarque ce qui suit : « Les > membres de la cour, toujours unis à leurs > confrères supprimés illégalement, persisteront jusqu'au dernier soupir dans les arrêtés > pris précédemment par la cour. Déclarent en > outre que dans l'impossibilité où ils sont de » consigner sur leurs registres la présente décla»ration, chaque membre en aura copie, pour la » déposer dans les mains de tel officier public » qu'il jugera convenable, etc..... »

La noblesse de Bretagne s'élève avec force contre l'établissement de la cour plénière : elle prend un arrêté vigoureux qui porte en substance ces mots : « Déclarons infâmes ceux » qui pourroient accepter quelques places, soit » dans l'administration nouvelle de la justice, > soit dans l'administration des états qui ne > seroient pas avoués par les lois constitutionnelles de la province..... »

Douze gentilhommes bretons sont chargés de porter cet arrêté au roi. A leur arrivée à Versailles, une lettre-de-cachet les conduit à la Bastille.

La majeure partie des cours de justice proteste contre l'établissement de la cour plénière.

Août 1788. L'archevêque de Sens quitte le ministère; et, avant de remettre le porte-feuille, il fait rendre un arrêt du conseil, en date du 8 août 1788, qui suspend l'établissement de la cour plénière et des grands bailliages, etc. Il cesse ses fonctions le 25. M. Necker est appelé pour le remplacer. Le roi, par son arrêt du conseil da 8, déclare qu'il fixe la tenue des états-généraux pour le premier mai 1789.

En quittant le ministère, M. de Brienne part pour Rome, afin de recevoir des mains du pape le chapeau de cardinal demandé à sa sainteté par Louis XVI. A cette époque, on vit à Paris une gravure représentant la France sous la figure d'une femme, dans le sein de laquelle un prêtre donnoit un coup de poignard, et le sang qui en rejaillissoit lui formoit un chapeau de cardinal. Une émeute populaire eut lieu à Paris; dans la place Dauphine, on brûla un manequin décoré des marques distinctives de l'épiscopat.

Septembre 1788. Le 14 septembre, M. de Lamoignon quitte le ministère de la justice; il a pour successeur M. Barentin, premier président de la cour des aides. M. de Lamoignon, retiré

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