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Le parlement de Bordeaux s'exprime d'une manière indécente, il est transféré à Libourne. De pareils coups d'autorité sembloient devoir assurer la paix dans l'intérieur, mais on vit le contraire.

Bien loin que les parlemens fussent soumis par leur translation, ils n'en furent que plus rebelles. Celui de Paris, par un arrêté du 27, persiste à demander la tenue des états-généraux, et réclame fortement contre les lettres-de-cachet, ainsi que contre l'évocation de l'affaire de M. de Calonne au grand conseil.

Celui de Bordeaux, par arrêté du 3 septembre, déclare qu'on a surpris à la religion du roi les lettres-patentes qui ordonnent șa translation à Libourne.

Septembre 1787. Le 19 septembre, M. de Villedeuil quitte le ministère des finances; il est remplacé par M. Lambert.

Nous ne rapporterons pas les arrêtés des cours de justice dans tout le royaume, nous nous bornerons à dire, que la magistrature se soutint; et sans prévoir quelles en seroient les suites, elle soutint une lutte scandaleuse contre l'autorité monarchique. Le monarque croyant que le salut de l'état dépendoit de sa clémence; sembla regretter d'avoir agi sévère

ment contre des cours composées de rebelles; il révoqua, par un édit du mois de septembre, tout ce qu'il avoit fait au lit de justice le 6 août.

Le parlement de Paris, enorgueilli de ses succès, voyant que le roi retiroit son édit et sa déclaration, tant sur le timbre que sur la subvention territoriale, prit un arrêté à Troyes, le 19 septembre, par lequel il déclara, qu'en cas de nouveaux impôts présentés par le roi, la cour regardoit comme hors de son pouvoir de les enregistrer, sans le consentement préalable des états-généraux ; et par le même arrêté, le premier président fut chargé de se rendre à Versailles, pour remercier le roi sur la révocation des deux impôts.

Louis XVI, par une déclaration, en date du 20 septembre 1787, rétablit le siége du parle→ ment en la ville de Paris.

Le 21 septembre, le maréchal de Ségur quitte le ministère de la guerre, il est remplacé par le comte de Brienne, frère de l'archevêque.

Le déficit dans les finances croissoit journellement; la lutte qui existoit entre la magis*rature et l'autorité du roi, altéroit le crédit, Les cris sourds d'une banqueroute royale se faisoient entendre; les rentiers de l'état mê,

loient leurs gémissemens aux plaintes des parlemens. L'intrigue plaçoit au ministère des hommes qui sembloient être dévoués à la cour. Le roi, tantôt frappoit des coups d'autorité, tantôt par des actes il se montroit foible et craintif. Une faction formidable allumoit. sourdement les torches de la discorde, et tout le peuple desiroit la tenue des états-généraux dans l'espérance d'être plus heureux.

Nov. 1787. Louis XVI nécessairement obligé derecourir, soit à des impôts,soit à des emprunts pour venir au secours des charges de l'état, espérant que ses actes de bonté envers son parlement le rendroit plus soumis à ses volontés, tint une séance royale au parlement de Paris, le 19 novembre 1787. Il exposa en peu de mots les besoins de l'état, et il chargea son garde des sceaux de faire connoître ses intentions, qui, en substance, étoient l'enregistrement d'un emprunt graduel et successif pendant cinq ans d'une somme de 400 millions.

fit un

M. de Lamoignon, garde des sceaux, long discours, dans lequel on remarqua les phrases suivantes.

« Au roi seul appartient la puissance souveraine dans son royaume.

» Il n'est comptable qu'à Dieu seul de l'exer»cice du pouvoir suprême,

» Le lien qui unit le roi et la nation est in» dissoluble par sa nature.

» Les intérêts et les devoirs réciproques en» tre le roi et ses sujets, ne font qu'assurer la » perpétuité de cette union.

» La nation a intérêt que les droits de son > chef ne souffrent aucune altération.

» Le roi est chef souverain de la nation, et » ne fait qu'un avec elle.

» Le pouvoir législatif réside dans la per» sonne du souverain, sans dépendance et sans >> partage ».

Le parlement entend avec peine ce discours, sur-tout prononcé par M. de Lamoignon, qui ayant été leur collègue, luttoit ouvertement contre la compagnie parmi laquelle il avoit déjà un assez grand nombre, d'ennemis. De grands débats s'élèvent. Plusieurs membres veulent que l'emprunt soit voté dans une délibération, en comptant les voix. Le garde des sceaux observe que dans ce cas, le roi ne seroit regardé que comme un conseiller au parlement, tandis qu'il se présentoit avec l'autorité d'un souverain,

Le duc d'Orléans, les conseillers Desprémenil, Freteau et l'abbé Sabathier, font de fortes réclamations; le roi entend pendant huit

heures tous les débats, les opinions de chacun, et termine en ordonnant que l'emprunt soit enregistré à l'instant, ainsi qu'un édit en faveur des protestans.

Au moment de l'enregistrement, le duc d'Orléans se lève avec humeur; il demande au roi si c'est une séance royale ou un lit de justice qu'il à plu à sa majesté de tenir dans son parlement. Le roi répond : Que c'est une séance royale. « Je supplie votre majesté, reprit le » duc, de permettre que je dépose à ses pieds, > et dans le sein de la cour, la déclaration que » je regarde cet enregistrement comme illégal, » et qu'il seroit nécessaire pour la déclaration » des personnes qui sont censés y avoir déli» béré, d'y ajouter, que c'est par exprès com> mandement du roi... Le monarque répond: » Que c'est par exprès commandement du roi..... Le duc d'Orléans proteste contre l'enregistrement, parce que les voix n'ont pas été comptées ; et le parlement déclare qu'il ne prend aucune part à la transcription faite sur ses registres de l'édit d'emprunts graduels, ect.

Le 20 novembre, le duc d'Orléans est exilé à son château de Villers-Coterets; l'abbé Sabathier, au Mont-Saint-Michel ; et M. Freteau, au château de Ham,

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