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que le déficit annuel étoit de cent quarante millions, à cause de quelques recettes éventuelles, provenantes des bénéfices sur les monnoies d'or, sur les vingtièmes, etc.

Nous n'avons pas eu depuis cette époque un compte de recette et de dépenses aussi clair et aussi précis que ceux de 1786 et 1787....

Année 1787.

Mars 1787. Le 9 mars 1787, Louis XVI annonça, aux notables de son royaume, qu'il étoit dans l'intention de faire des retranchemens de dépenses, tant dans sa maison, que dans cellesde sa famille; que ceux faits dans sa propre maison, seroient ceux qui coûteroient le moins à son cœur. Qu'enfin, il espéroit les faire monter à une somme de quarante millions.

Il ajouta qu'il avoit pris la ferme résolution que le déficit ne se reproduiroit dans aucun cas.

Il restoit encore cent millions de déficit. M. de Calonne le couvroit aisément par ses différentes propositions; mais le clergé et la magistrature s'y opposèrent de tous leurs moyens.

M. de Calonne arrêté ainsi dans ses projets, fit circuler dans Paris, et dans les principales villes du royaume, un avis au peuple, dans le

quel il se prononçoit fortement contre les deux premiers ordres.

Avril. 1787. Bientôt les membres de ces deux premiers ordres, portèrent leurs réclamations au pied du trône, contre un mémoire qui soulevoit le tiers-état contre le clergé et la noblesse. Dèslors le crédit de M. de Calonne, quoique bien soutenu par la Reine et madame de Polignac, commença à se perdre. Il répandit son écrit avec profusion, en envoya même des exem-plaires à plusieurs curés, pour qu'ils le publiassent dans leurs paroisses, alors sa disgrace fut complète. On remarqua qu'il reçut sa lettre de retraite le jour de Pâques à 11 heures du soir, 8 avril 1787, et que le roi fit ses pâques le lendemain. On disoit publiquement que M. de Brienne, archevêque de Toulouse, succéderoit à M. de Calonne; mais ce fut M. Bouvard de Fourqueux qui le remplaça.

Le 20 avril, M. de Calonne quittant le ministère, est exilé à sa terre en Lorraine. Le roi lui ordonne de ne plus porter les marques de l'ordre du Saint-Esprit. Arrivé dans sa terre, il prend le parti de passer en Hollande, et il écrit au roi la lettre suivante.

SIRE,

Les persécutions que j'éprouve, la dégra

»dation dont on m'a flétri, l'horreur qu'on a » que trop inspiré pour ma personne, et plus » que tout cela, la douleur de me voir privé » de vos bontés et de la protection de votre » majesté, me forcent de m'expatrier, et ́je

serai hors des états de votre majesté, lors» qu'elle recevra cette lettre ; je me retire dans » un pays où je pourrai travailler en sûreté à > ma justification ».

Peu de tems après, il fit passer au roi un trèsgros mémoire en forme de requête pour se justifier, dans lequel il prouvait, par des pièces justificatives, qu'il n'avoit rien fait que par les ordres et sur les bons signés du roi....

A l'époque de la disgrace de M. de Calonne, M. Hüe de Miromesnil, Garde des Sceaux, quitta le ministère : dans la lettre que le roi lui écrivit, il lui observoit que son grand âge l'empêchoit de tenir sa place dans des circonstances aussi difficiles, qu'en l'assurant de ses bontés, et désirant faire pour lui tout ce qu'il desiroit, il l'engageoit à donner sa démission. M, de Miromesnil, répondit en ces termes :

SIRE,

« Ce n'étoit point l'intérêt de ma fortune, mais celui de mon amour et de mon attachement

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>> respectueux pour votre majesté, qui m'en» chaînoit à sa personne. J'ai tout perdu quand >> elle me retire ses bontés; l'état de ses finances > ne me permet pas de rien demander ; j'ai tou» jours su vivre de peu ; j'étois pauvre quand

je suis entré dans le ministère, et j'ai le » bonheur d'en sortir de même ; je me bornerai » à faire des vœux pour la gloire et la prospé» rité du règne de votre majesté ; je vous prie » seulement de permettre que je mette à ses » pieds l'intérêt de mes enfans ».

disoit

Le 13 avril, M. de Lamoignon succéda à M. Hue de Miromesnik Ce dernier ministre ne voulut pas accepter les quarante mille livres de rente qu'on étoit dans l'usage d'accorder aux ministres disgraciés, quelle qu'eût été leur ges-tion.... L'excellent garde des sceaux, un politique moderne à un de ses amis, en parlant de M. de Lamoignon, il ne lui manque que de l'ordre et de la tête..... Et encore, répond l'autre, du génie, de l'esprit, du sangfroid et du sens commun.

M. de Brienne, qui convoitoit depuis longtems le ministère des finances, est nommé chef du conseil-royal des finances, et principal ministre, le premier mai 1787. M. Bouvart de Fourqueux donne sa démission; il est rem

placé par M. de Villedeuil le 12 mai. Un courtisan de ce ministre, faisant l'anagramme de son nom, lui présenta ces mots : Dieu le veille.

Sitôt que M. de Brienne, archevêque de Toulouse, fut au ministère, il obtint l'archevêché de Sens, pour que sa résidence principale (où il se trouvoit peu), fût plus près de celui qui l'avoit appelé à la cour.

L'intrigue dominoit à la cour, la sagesse prċsidoit aux opérations de l'assemblée des notables on y discuta avec précision tous les plans d'économie et de justice on y traita avec intégrité le sort des protestans dans le royaume, et on arrêta de demander le rétablissement de l'édit de Nantes on s'occupa spécialement de l'impôt de la gabelle, ainsi que des charges qui donnoient la noblesse et qui accordoient ces priviléges au préjudice de l'ordre du tiers état On arrêta enfin six articles principaux, qui furent mis sous les yeux du roi, et qu'il adopta.

1o. Un emprunt de six millions de rentes viagères assignées sur les tailles.

2o. L'établissement d'assemblées provinciales pour la répartition égale des impôts ; la formation de ces assemblées se seroit faite par élections, et on y auroit voté par tête et -non par ordre.

3°.

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