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On a vu des hommes que le défefpoir & l'a liénation d'efprit ont portés à fe priver de la vie; mais on n'en a pas vu peut-être qui aient choifi un genre de mort auffi cruel qu'un jeune homme de Grüffau, village des montagnes de Siléfie. Ce jeune homme, âgé de 18 ans, s'est brûlé vif, le 26 du mois dernier, pendant le fervice divin; la veille, il avoit lui-même fendu le bois néceflaire à l'exécution de fon projet, l'avoit mis en trois rangées avec des matieres combuftibles dans un four, & il s'y eft couché, le vifage pofé fur cette efpece du bûcher; c'eft au moins dans cette fituation qu'on l'a trouvé à demi rôti. Il est très-apparent qu'il avoit l'efprit aliéné, d'autant plus qu'il étoit en quelque forte exté➡ nué par un jeune auftere qu'il avoit pratiqué durant 8 jours confécutifs. On a trouvé dans fa chambre un petit billet, par lequel il difpofe en œu vres pies d'un petit pécule d'environ 7 florins, &2 il avoit écrit avec de la craye fur la porte de cette chambre, qu'il ne falloit point retirer fon corps du four, avant que les os en fuffent confumés.

MUNICH (le 5 Juillet.) Le 2 de ce mois, Pélectrice douairiere de Saxe fe trouvant avec toute la cour au manege pour voir dreffer de jeunes chevaux du haras de Schleisheim, une baluftra de furchargée de monde s'eft écroulée de fon côté, & lui a caffé la jambe gauche, 5 pouces au-deffus de la plante du pied. Il y avoit tout à craindre. que la jambe ne fût entierement fracaffée, & qu'il ne fût conféquemment très-difficile d'en rejoin dre les parties; mais les chirurgiens, après avoir fait à cette princeffe une faignée copieufe, pour prévenir l'inflammation, ont réuffi à remettre la jambe dans fa pofition naturelle, & nous avons la fatisfaction d'apprendre que cette princeffe eft aduellement fans fievre,

MAYENCE ( le 28 Juillet.) Fréderic CharlesJofeph, baron d'Erthall, tréforier du grand cha pitre de Mayence, grand-chantre du chapitre de Bamberg, & prévôt de l'églife de St. Jean, confeiller-intime actuel de L. M. I. & R. Apoft., ainfi que préfident du confeil aulique de Mayence, confeiller-intime actuel du prince- évêque de Wurtzbourg & de Bamberg, recteur magnifique de la très-ancienne univerfité de Mayence, &c., a été élu aujourd'hui unanimement archevêque & électeur de Mayence, & en cette qualité archichancelier du Sr. empire romain.

La pompe funebre du feu électeur, dont nous avons annoncé l'inhumation, s'eft faite dans l'ore dre fuivant.

Le convoi étoit précédé du corps des métiers, & de celui des marchands, que fuivoient des enfans orphelins entretenus dans la maifon de charité. Venoit enfuite un cheval de parade, conduit par deux fous-évêques, & fuivi de plufieurs piqueurs. Tous les corps religieux, & tous les chapitres marchoient fuivant leur rang. Le grand chapitre terminoit cette partie du convoi. Les heiduques, coureurs & valets de pied de la cour précédoient un cheval caparaçonné en noir, & mené par deux gentilshommes vaffaux de l'électorat. Le char funebre s'avançoit enfuite, attelé de 8 chevaux, menés à la main par autant de cochers. Le bonnet électoral, & deux mitres, l'une pour Mayence & l'autre pour Worms, étoient placés fur le cercueil, couvert d'un drap mortuaire de velours noir. Les vaffaux de l'électo

rat,

le maréchal de la cour & le grand écuyer entouroient & efcortoient le char; les écuffons des onze évêchés fuffragans étoient portés par des bourgeois de cette ville, rangés en deux files. Marchoient enfuite les parens de l'électeur, pré-. cédés des trois fiathalters du chapitre. Les minif tres d'état, les confeillers-intimes, les chambellans,

é

& les confeillers de tous les tribunaux de Ma yence terminoient le convoi. Tout le cortege toit en longs manteaux de deuil; la garnifon fous les armes, étoit rangée en haie depuis la chapelle de la cour jufqu'à la métropole.

Malgré la joie indécente des ex jéfuites, & de leurs partifans, les amis de l'humanité, d'une piété mâle & épurée, en un mot, les vrais citoyens ne ceffent de pleurer le prince que nous avons perdu, & ils conviennent que jamais aucun des électorats eccléfiaftiques n'a été gouverné par un plus digne prélat. Sous fa régence, le peuple a vécu dans l'aifance, les terres ont été cultivées, les bâtimens publics rétablis ou réparés, & le tréfor mis en fi bon état, qu'on n'a pas été dans le cas de négocier de l'argent pour les frais de l'élection, comme aux autres vacances. Par fa fage économie, il avoit trouvé le moyen d'éteindre toutes les detres publiques, de facrifier en même tems 45 mille florins au foulagement de fes fujets, en leur fourniffant des grains pendant la derniere chereté, & de placer, nonobftant ces dépenses, 132 mille florins auprofit du chapitre, comme on en a été convaincu par l'examen des comptes publics: outre cette fomme, il y avoit encore dans fa caffette par ticuliere 4 à 5 cens mille florins. Jamais cependant il n'y eut de prince plus bienfaifant, ni plus attentif au bonheur du peuple. Eclairé par l'expérience des derniers tems de calamité, il avoit formé des magafins pour le befoin, & à fa mort our y a trouvé 70 mille facs de grains, & 483 pieces de vin; il avoit de plus établi des hôpitaux, des écoles publiques, & un féminaire pour y élever des fujets propres à inftruire la jeuneffe dans les campagnes; il avoit introduit plufieurs changemens utiles dans la maniere d'enseigner; il avoit réformé quelques couvens. inutiles, & fait des

réglemens pour bannir des autres l'oifiveté, la pareffe, l'ignorance, & rendre les moines des citoyens utiles à l'état; mais ces mêmes réformes, ces mêmes réglemens, qui devoient confacrer fa mémoire dans les cœurs de tous les hommes fenfibles au bien de l'humanité, faire l'éloge des miniftres éclairés & courageux qui l'ont fecondé dans fes projets, ont rendu fa mort un fujet de rejouiffance pour une certaine claffe de gens, en caufant le malheur de ceux qui lui étoient les plus attachés. Le baron de Grofchlag, fon premierminiftre, a dû fe retirer à fa terre de Diebourg, en conféquence de l'injonction qui lui en a été faite par une lettre du grand chapitre; & le Sr. de Beuzel, chancelier, a été mis aux arrêts dans la ville jufqu'à nouvel ordre. Prefque tous les établiffemens du feu électeur ont été détruits; la commiffion qu'il avoit nommée pour la réforme des moines & le réglement des écoles, a été caffée, ainsi qu'on l'a déjà dit; les actes qu'elle avoit dreffés de fa vifite, & les papiers qui y font relatifs ont dû être remis au fuffragant pour les anéantir; les commiffaires Schulteis & Schuman ont perdu leurs places de vicaires, & ont été de pluscondamnés à reftituer les épices qu'ils avoient reçues des eccléfiaftiques pendant la vifite, aves les intérêts. Dès le 13 Juin, les nouveaux profeffeurs prépofés aux baffes claffes, furent démis, les ex-jéfuites reconduits, comme en triomphe, à leur ancien college dans les caroffes de la cour, & les écoles publiques confiées de nouveau à leurs foins. Le pere Gerdhagen, qui a été deux fois provincial de la feue fociété, a été déclaré directeur des études. Les Srs. Schwartz & Pire, profeffeurs en langue françoife, ont été au cachot ; le pere du profelleur Molitor a dû donner caution, que fon fils ne fe retireroit point de la ville; un autre profeffeur, vicaire de St

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Victor, a été fufpendu pour fix meis de fes fone tions eccléfiaftiques; le curé de l'églife de St. Emmeni, qui a appartenu ci devant au college des jéfuites, en a été chaffé; il a été ordonné à Lous les prédicateurs de l'archevêché de prêcher fix dimanches de fuite contre les réglemens pour les écoles, faits fous le feu électeur, & qu'on qualifie de dangereux, tandis qu'admirés par toute l'Allemagne, imités même en plu fieurs endroits, ils étoient regardés par tous les hommes raisonnables comme propres à bannig L'ignorance & la fuperftition des pays où ils feroient obfervés. On a mandé tous les prêtres' qui s'étoient foumis fans résistance aux réformes, & ils ont été réprimandés; enfin, ce qu'il y a de plus étonnant dans cette conduite du chapitre, qui retrace à notre fiecle tout ce qu'a pu dans les tems du moyen âge le fanatifme animé par la haine, c'eft que, fous prétexte de zele pour la religion, on ne craint point de violer ouverte. ment la volonté du St. fiege, & de s'oppofer directement aux intentions expreffes de fa fainteté.

Outre les difpofitions bienfaifantes du teftament du feu électeur, qu'on a rapportées ci-devant, en vient encore d'en apprendre les particularités fuivantes. Il a remis à les débiteurs tout ce qu'ils lui devoient; ce qui fait un objet de 80 mille flo rins; & il a voulu que de fa fucceffion il foit fait un capital, placé à la chambre électorale à 3 pour cent d'intérêt, dont le baron de Breidbach, & fucceffivement tous les mâles de fa famille auront l'afufruit; mais, après fon extinction, ces reve→ nus doivent être employés à l'entretien des écoles, au foulagement des indigens, & à faire des prêts aux citoyens pauvres & industrieux, à un intérêt mudique de 3 & de 2 pour cent par an où même fans intérêt, fi les circonftances l'exigent, & qu'ils femblent le mériter. En un mot,

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