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dinairement accompagnée de beaucoup d'éclat, elle s'eft faite fans appareil, dans les appartemens où le jeune prince eft enfermé: S. H. s'eft bornée à donner un feftin, à cette occafion, à quelques perfonnes de fa cour.

On a répandu ici le bruit qu'un corps de Cofaques a paffé le Danube, & s'eft pofté dans les environs de Babadag, d'Hirfowa, & de Karafow. D'un autre côté, on apprend qu'il s'eft formé parmi les Tartares de Crimée un nouveau parti en faveur de l'ancien kan Dewlet-Guerai, qui médite une expédition contre le kan que les Ruffes ont placé fur le trône. On préfume cependant, qu'il attendra les fecours que le capitan pacha lui amene. Cet amiral mouille encore avec sa flotte à une lieue de cette capitale, d'où il mettra à la voile dès que le tems fera favorable.

Le grand feigneur a élevé à la dignité de pacha à trois queues le boftangi bachi d'Andrinople, qui s'eft fignalé avec tant de bravoure dans la derniere campagne contre les Ruffes, & S. H, a dépofé l'intendant de la monnoie.

TRIPOLI (le 31 Mars.) Nous avons parlé Iere. quinz. de Mai, pag. II) d'un navire marchand fuédois, destiné porter en Suede du fel de cette côte, fuivant la propofition que Sidi Abderhaman avoit faite à Stockholm d'en faire l'épreuve. Ce bâtiment, du port d'environ 10 mille quintaux, étant parti d'ici pour aller prendre fon chargement aux falines de Zoara, le Sr. de Ballowich, conful de Venife, a fait auprès du pacha des démarches pour s'oppofer à cette extraction. Il prétend que par fon traité avec cette régence, la république a le droit exclufif de prendre le fel, & que les étrangers ne peuvent en charger à moins que cette denrée ne foit deftimée pour Venife, ou pour les états du grand

feigneur : on n'a point eu d'égards à l'oppofition de ce conful.

RUSSIE.

PETERSBOURG (le 7 Juin.) L'impératrice a nommé membre de fon confeil privé, le géndral Potemkin, & lui a conféré en même tems le commandement en chef des troupes destinées à la défense des frontieres de l'empire.

On connoit les inftitutions de l'impératrice pour la rédaction d'un nouveau code de loix; la fageffe & l'humanité en ont dicté les principes: cette princeffe, qui remplit avec tant de gloire le trône de Pierre le Grand, vient d'adreffer une nouvelle déclaration à ses tribunaux pour fixer les véritables crimes de leze-majesté. Le despotifme, toujours inquiet & défiant,s'eft plu à n'établir que des principes vagues dont les conféquences font infinies, & qui multiplient les crimes de cette efpece, en donnant ce nom à une multitude d'actions qui ne por tent aucune atteinte à la fouveraineté, & encore moins à la vie du fouverain. Ce font ces derniers feuls qui doivent porter cette dénomination; la donner à d'autres, dit l'augufte Catherine, e'eft affoiblir l'horreur qu'on doit avoir du crime de lezemajefté. Ce crime a différens degrés qui ne doivent pas être punis de la même maniere. C'eft renverser l'idée des chofes que de punir de mort un homme coupable de paroles contre fon fouverain, parceque la parole n'eft pas le crime, mais fimplement le figne du crime. S. M. I. recommande la modération aux cenfeurs chargés d'examiner les livres; elle leur ordonne de ne pas regarder comme des fatyres contre le gouvernement, toute expreffion un peu hardie contre quelques opérations que le peuple, qu'elles regardent, & dont elles intéreffent l'état & le bonheur, a le droit d'examiner & de juger. Trop de févérité émouffe l'efprit; dès qu'il eft dans la gé

ne, il ne produit plus; l'ignorance fuccede aux lu mieres; les talens font étouffés; la nation & le gouvernement qu'ils éclairoient, retombent dans la barbarie. L'impératrice obferve auffi que quelquefois les écrits politiques, lorfqu'on leur accorde une liberté décente, éclairent l'adminiftration, lui font connoitre des fautes qui lui étoient échappées, & la mettent en état de les corriger.

Par cette déclaration, le crime de leze-majefté n'eft donc plus que dans le fait. Pugatschew, par exemple, eft dans ce cas, parcequ'il a pris les armes contre fa fouveraine, & que fa rébellion dicte fon arrêt de mort. S'il n'eût écrit qu'un livre tendant à foulever les provinces, fon crime feroit puni moins rigoureufement. La nouvelle loi qui diftingue les différentes nuances du crime, eft d'autant plus fage, qu'on a vu très-fouvent des flatteurs faifir un mot échappé, une phrafe équivoque, pour en faire des chefs d'accufation de haute trahison; il arrivoit alors dans cet empire, ainfi que dans bien d'autres états, que les coupables expioient leur indifcrétion par la perte de la vie.

Nos forces navales dans les mers de l'Archipel, font des plus refpectables. Suivant les dernieres nouvelles de ces contrées, il y avoit à l'ancre dans le port de Paros, 13 vaiffeaux de guerre, 4 frégates, & 50 autres bâtimens armés, de différente grandeur, fans y comprendre les 6 vaiffeaux de guerre, & les 4 frégates de l'efcadre'du contre-ami-ral Gréegh, qui attend l'arrivée du comte Alexis Orlow. On a conftruit des redoutes à Aufa & Paros, & les côtes de ces ifles font garnies de batteries; on y a établi des chantiers, fur l'un defquels il fe trouve un vaiffeau de ligne de 74 canons, prêt à être lancé à l'eau. Les équipages des vaiffeaux font complets, & nos troupes font nombreuses; l'ordre, la difcipline & l'abondance regnent parmi elles. On fait monter à un million de piaf

tres le butin qu'elles ont fait à la prife de Baruth.

SUEDE.

STOCKHOLM ( le 16 Juin.) Quoique la cour ait pris le deuil, le 24 du mois dernier, à l'occafion de la mort de Louis XV, ce ne fut que le 9 de ce mois, que le comte de Vergennes, ambaffadeur de France, notifia formellement cet événement au roi, qui étoit revenu le matin du camp de Ladugard. Ce miniftre fut conduit, en grand man-teau de deuil, à l'audience de L. M., & enfuite à celle des ducs de Sudermanie & d'Oftrogothie.

Le tribunal fuprême de la juftice militaire étoit -compofé de plufieurs officiers de différens régi-mens, qui fe relevoient tous les mois, & auxquels on bonifioit, fuivant leurs grades, les frais qu'ils faifoient chaque fois pour le voyage, & le retour. -Cette dépenfe inutile n'étoit pas le moindre inconvénient; il y en avoit un autre plus nuifible; c'eft que le juge qui avoit commencé les procédures néceffaires dans une caufe, étoit remplacé avant qu'il eût fini fon travail, par un autre qui le continuoit, & qui cédoit enfuite fa place à un troifieme qui jugeoit fans avoir une connoiffance fuffifante de l'affaire. Le roi, pour fupprimer les frais inutiles & les difficultés qui fe multiplioient dans l'adminiftration de ce tribunal,a jugé à propos de former un -confeil de guerre fixe & perpétuel; il fera compo-fé du préfident du college de guerre, du grand-maitred'artillerie, & du directeur général des fortifications, qui font tous deux membres ordinaires du col-lege. Ils feront affiftés par le premier adjudant-général du roi, le chef du bataillon du régiment de la reine douairiere, qui eft en garnison ici, & le lieutenant-colonel des dragons ou chevaux légers, à titre d'adjoints; & tous, fans autres appointemens

que ceux dont ils jouiffent déjà, feront tenus d'e tre membres du tribunal général de la justice militaire. Aucun officier des gardes & de l'artillerie n'y prendra féance, parceque la juftice de ces gardes & de l'artillerie eft compofée de membres de leurs propres corps.

Malgré les fages ordonnances rendues contre l'ufure, on n'avoit pu empêcher jusqu'à présent que quantité de jeunes gens ne fe trouvaffent ruinés, même avant d'entrer en jouiffance de leurs biens, par la facilité qu'ils trouvoient à emprunter aux ufuriers. Pour réprimer ces abus fi préjudiciables au bien de fes fujets, le roi a ordonné qu'on inféreroit dans les papiers publics,les noms des mineurs & des autres jeunes gens à qui l'on eft obligé de créer des tuteurs pour caufe de prodigalité; S. M. déclare que les prêteurs ne pourront réelamer aucune créance fous quelque prétexte que ce foit.

La rigueur avec laquelle on exécute l'ordonnance qui défend la diftillation de l'eau-de-vie de grains, produit enfin fon effet, & les habitans de la campagne paroiffent s'accoutumer à la privation de cette boiffon. Ils ont porté eux-mêmes aux commandans des provinces les chaudieres & autres uftenciles dont ils fe fervoient, & plufieurs d'entr'eux ont offert de les vendre à la couronne.

La ville d'Erebro eft chargée des frais de l'entretien d'un canal fait fous Charles XI aux dépens de l'état, entre les lacs de Mæler & de Hiel-Maren, pour fervir de communication entre Stockholm, la province de Nericie, quelques autres, & différentes mines de fer. Pendant l'anarchie fénatoriale, où chacun ne penfoit qu'à fon intérêt particulier, la ville d'Erebro, foit qu'elle ait manqué de reffources, foit qu'elle n'ait pas eu la volonté de remplir fon devoir, ayant négligé ce canal, qui eft devenu prefque impraticable, elle vient de fup

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