Page images
PDF
EPUB
[ocr errors][ocr errors][merged small]

feraine, l'arrangement de la ville avec S. M. Pruffienne. L'impératrice a vu une collifion d'intérêt entre le roi fon allié & la ville qu'elle protege, à raifon d'un droit qui compétoit à chacune des deux parties. Le terrein dans lequel eft creufé le canal nommé Fahrwaffer appartient inconteftablement à l'abbaye d'Oliva; ce que dépofe & attefte authentiquement le bail emphyteotique paffé par cette abbaye à la ville de Dantzig, fur lequel Rucune déduction de chicane ne parviendra jamais à dénaturer la vérité. Le droit territorial actuellement dévolu au roi de Pruffe, comme feigneur d'Oliva, n'eft ni moins évident, ni moins inconteftable. La ville a fait la dépenfe des travaux du canal, & le droit qui en résulte pour elle, tout inférieur qu'il eft par fa nature à celui de propriété du fonds, a été élevé jufqu'à une forte de parité avec celui-là, en établiffant entre ces deux droits une jufte compenfation. C'eft S. M. Imp. qui rendoit ce bon office à la ville, en mettant cette parité en avant à l'égard du roi fon allié, comme un des principes de l'arrangement. Cette reconnoiffance du droit de conftruction, ainfi que du droit de propriété, en formoit néceffairement une de l'autre part. Ces deux principes établis, à quoi fe réduit la négociation? A ce que la ville de Dantzig, reconnoiffant la propriété du droit territorial du roi de Pruffe, s'affure, à des conditions convenables, la jouiffance de fon port, ouvrage fait fur le fonds d'autrui. Nulle autre voie que celle-là. C'eft celle que je lui ai indiquée dès l'ouverture de ma commiffion, celle où j'ai conftamment cherché à la ramener au milieu de tous les fentiers fombres où elle s'égaroit fans ceffe; celle enfin où, pour la dernière fois, je l'exhorte à marcher, mais de bonne foi, & fans fe nourrir de fes anciennes illufions qui lui feroient fatales. Si la ville de Dantzig confulte une fois la raifon, fon intérêt effentiel, & le feul moyen de confervation qui refte ; fi ello veut négocier fincerement fur les deux principes que je lui ai mis conftamment fous les yeux, & que je lui propofe encore, je continuerai à être médiateur, & je la fervirai comme miniftre d'une fouveraine qui ne fe retire que malgré elle d'un champ où elle ne peut empê cher le mal de s'étendre. Mais fi fon aveuglement eft tek qu'elle ne tienne point compte de cette exhortation, je déclare que ma commiffion eft finie, & que l'impératrice ma fouveraine, abandonnera la ville à elle-même, & qu'elle n'aura plus ni médiation, ni protection à attendre de

S. M. Imp. Fait à Dantzig, le 21 Mai 1774. ( Signé) Comte IWAN GOLOWKIN.

Cette déclaration menaçante d'une puiffance mé diatrice fit évanouir toutes les efpérances, & produifit la plus vive impreffion für l'efprit des fénateurs. La confternation s'accrut encore quelques jours après. On vit le Sr. Reichard, confeiller-intime du roi de Pruffe, foutenu du com. te de Golowkin, preffer vivement le magiftrat de reconnoitre, fans délai, le droit territorial de S. M. pruffienne fur le port; le magiftrat ébranlé déclara qu'il étoit prêt à le faire, pourvu qu'on s'expliquât fur les conditions qui devoient en affurer la jouiffance à la ville. Le comte de Golowkin répondit qu'il n'étoit point autorifé à accepter un aveu conditionel; le Sr, Reichart, fans entrer dans aucune difcuffion, infifta fur une reconnoiffance pure & fimple, ou fur un refus, ce qu'il falloit lui faire connoitre par oui ou

`non.

Dans ces circonftances alarmantes, le magiftrat prit, le 30 du mois dernier, le parti de céder enfin aux inftances & aux menaces des cours de Berlin & de Pétersbourg, en reconnoissant le droit territorial du roi de Pruffe. Les trois ordres s'étant affemblés le 31 pour ratifier cet

* Les trois ordres font compofés du fénat, des échevins & de la bourgeoifie. Ce dernier, qui forme le tiersétat, eft repréfenté par les doyens de quatre corps de métiers, conjointement avec cent élus de la bourgeoifie dont 25 font pris dans chacun des quatre quartiers. Ils ne font convoqués que pour des affaires très-importantes. Afors le 3e. ordre fe raffemble, au moins au nombre de 64 élus; & dès-que le fénat leur a communiqué la pro pofition fur laquelle on demande leurs avis, ils fe retirent dans leur chambre, où chaque quartier, préfidé par un maitre de quartier, & ayant pour adjoint l'un des quae doyens des corps de méniers, fçavoir, des cordon

te résolution, tout fembloit annoncer qu'on alloit' fe foumettre à un deftin inévitable, lorfqu'un boulanger nommé Mucha fe leva & dit « qu'il ne pouvoit en confcience donner fa voix à une démarche dont dépendoit le bien-être futur ou la ruine de la ville, fans y avoir été autorisé par tout le métier qu'il repréfentoit ». Tout citoyen, dit-il, qui a le moindre intérêt aux propriétés de ce peuple, a droit qu'on lui demande, fi, pour fa part, il confent à les livrer à l'étranger; en agiffant dif féremment, nous fommes traîtres envers le roi, la république, & la ville. Il n'eut pas plutôt prononcé fon difcours avec autant de liberté que de châleur, que non-feulement le quartier avec lequel il fe trouvoit, mais tout le 3e. ordre l'approuva d'une commune voix, & toutes les inftances que les deux commiffaires pruffien & ruffe avoient faites pour obtenir de l'affemblée une réponse catégorique, ne firent aucune impreffion. On convint feulement de remettre la féance au lendemain. Lorfqu'elle fe fépara, les membres du 3e. ordre furent reçus avec acclamation par un grand nombre de citoyens, même les plus diftingués, raffemblés devant l'hôtel-de-ville, particulierement le boulanger Mucha, qu'on reconduifit comme en triomphe. Le férat & les échevins d'un autre côté, effuyerent des marques de froideur; & les difcours qu'on tint fur leur conduite, indiquerent la plus grande fermentation.

En conféquence de la réfolution prife la veille, on fe raffembla le 1er. de ce mois. La féance, qui commença à 9 heures du matin, dura juf

[ocr errors]

niers, des boulangers, des forgerons, & des bouchers, donne féparément, & à la pluralité, fon avis. Des ces quatre opinions on forme une feule décifion commune que l'un des maitres dé quartier porte au fénat affemblé avec les échevins.

qu'à 8 h. du foir. Tous les métiers avoient chargé leurs doyens de ne céder aucun des droits de la ville, ni de violer la fidélité jurée au roi & à la république de Pologne. Le corps des négocians s'étoit raffemblé fur le marché devant la bourse, & choifit huit députés, qui fe rendirent à l'hôtelde-ville, & annoncerent aux trois ordres affemblés, « que tout le peuple étoit unanimement réfolu d'attendre plutôt la derniere extrémité quéde céder la propriété du port, que toutes les puiffances de l'Europe lui avoient toujours reconnue ». Comme cette députation n'étoit point conforme à l'ufage, ni autorifée par la conftitution du gouvernement de Dantzig, le magiftrat témoigna qu'elle lui déplaifoit, & repréfenta enfuite toute l'étendue des menaces que les cours de Berlin & de Ruffie avoient faites, fi l'on ne fe foumettoit à leurs volontés. On fit lecture du mémoire du comte de Golowkin, rapporté ci-deffus, & d'une note très-forte qu'il avoit remise la veille après la réfolution de la bourgeoifie. Ces pieces qu'on n'avoit jamais cru devoir attendre d'un miniftre venu comme médiateur, plongea d'abord les députés dans un morne filence; mais enfin, un menuifier, membre du 3e. ordre, fe leva, & dit: Cette note eft un arrêt de mort qu'on vient de prononcer; eh bien ! puisqu'il faut mourir, que ee foit au moins par la violence des étrangers pluôt que par la foibleffe de nos concitoyens; périf fons les armes à la main, en défendant nos biens &nos privileges... Vive le roi Stanislas! Le fentiment unanime de fon ordre fut conforme au fien, & l'on se décida à ne point consentir à la cession du port.

[ocr errors]

པ་་

L'affemblée du 3 ne fut pas moins orageufe. La. bourgeoifie y a protesté qu'elle feroit inébranlable dans fa réfolution; & comme elle eft perfuadée que c'eft uniquement à la destruction de

Dantzig que tendent tous les moyens lents qu'on veut employer provifionnellement pour miner fon commerce, qui excite tant de jaloufie, une efpece de défefpoir l'anime à périr plutôt avec gloire que de fe livrer elle-même à ceux qu'elle regarde comme fes oppreffeurs. Le magiftrat ayant envoyé, felon l'ufage, deux de fes confeillers comme députés à Marienbourg, pour compli menter le roi de Pruffe à fon paffage, le 3e. ordre en témoigna dans cette féance beaucoup d'inquiétude, & le magiftrat eut beaucoup de peine à diffiper les foupçons conçus à ce fujet; on ne fut entierement tranquille qu'après le retour de ces députés, qui rapporterent que S. M. pruffienne n'avoit pas même jugé à propos de les admettre à fon audience, & étoit partie avant de les voir. La réfolution de refter fidele à S. M. polonoife, & de ne point céder la propriété du port, fera notifiée demain par une députation formelle au comte de Golowkin, qui fe trouve encore ici en attendant le retour du courier qu'il a expédié à Pétersbourg. Le Sr. Reichard, qui a quitté la ville, le 3, fans prendre congé du magiftrat, s'eft tenu jufqu'ici à Langefuhr, à un demi-mille d'ici, & n'eft parti qu'aujourd'hui pour Berlin. Le réfident Dietz, qui eft indifpofé, a obtenu la permiffion de refter dans fon jardin, fitué fur le territoire pruffien. Tout eft en mouvement dans cette ville : le commerce eft abfolument fufpendu, & les artifans ont ceffé de travailler. La confternation y regne comme dans une ville affiégée. Les citoyens errent tumultueufement dans les rues. Les portes font fermées, & les gardes en ont été triplées.

THORN (le 15 Juin.) Le roi de Pruffe, accompagné du prince de Pruffe, du prince héréditaire de Brunswick & du prince de Heffe-Philipfthal, arriva, le 4 de ce mois, à Marienbourg; il

« PreviousContinue »