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COURS D'HISTOIRE

DES

ÉTATS EUROPÉENS,

DEPUIS LE BOULEVERSEMENT DE L'EMPIRE ROMAIN
D'OCCIDENT JUSQU'EN 1789.

A. PIHAN DELAFOREST,

IMPRIMEUR DE LA COUR DE CASSATION, rue des Noyers, no 37.

CHAPITRE XXVI.

État des sciences en général et de l'historiographie et philosophie en particulier, depuis la renaissance des lettres et la réformation jusqu'à la fin du seizième siècle.

SECTION I.

De l'état des sciences en général.

« Les sciences les plus sublimes, dit un des premiers magistrats de France 1, ces vives lumières qui éclairent nos esprits, éternelles dans leur source, puisqu'elles sont une émanation de la divinité même, semblent devenir mortelles et périssables par la contagion de notre fragilité : immuables en elles-mêmes, elles changent par rapport à nous; comme nous, on les voit naître, et comme nous, on les voit mourir. L'ignorance succède à l'érudition, la grossièreté au bon goût, la barbarie à la politesse. Les sciences et les beaux arts rentrent dans le néant, dont on avait travaillé pendant une longue suite d'années à les faire sortir, jusqu'à ce qu'une heureuse industrie, par une espèce de seconde création, leur donne un nouvel être et une seconde vie. »

'Le chancelier d'AGUESSEAU.

XXIII.

1

Influence de la découverte de

Un concours de circonstances fit du seizième siècle une telle époque de régénération.

La renaissance des lettres classiques et du bon l'Amérique et goût dans les ouvrages d'imagination, son influence

de la renaissance

de la littérature

sciences natu

relles.

classique sur les sur la littérature moderne, surtout dans les pays méridionaux, l'histoire de la découverte de l'Amérique, et d'une nouvelle route aux Indes qui a produit une révolution dans le commerce européen; enfin l'histoire de la révolution religieuse et des changemens qu'elle a opérés dans les constitutions d'Allemagne, de Suisse, de France, d'Angleterre, d'Écosse, des Pays-Bas, des trois royaumes scandinaves, de la Livonie, de la Prusse et la Pologne ont été traitées dans les précédens chapitres. Ce ne sont pas seulement les belles-lettres, le commerce et les constitutions politiques qui ont éprouvé les effets de ces grands événeles sciences aussi ont subi des altérations considérables. Le cadre de ce Cours est trop retréci pour les indiquer même sommairement. L'histoire des sciences demande d'autres études et une autre plume. Cependant, de même qu'à la fin de notre quatrième époque, nous avons cru devoir parler de la philosophie scolastique sans laquelle il aurait manqué quelque chose au tableau du quatorzième siècle, de même pour compléter celui du quinzième siècle, mais principalement du seizième siècle, nous sommes obligés de faire une excursion dans l'histoire littéraire de cette époque pour tracer à grands traits quelques-uns des événemens les plus importans qu'elle offre.

mens;

On conçoit facilement que la découverte d'un nou

veau monde, dont le sol était couvert d'une végétation nouvelle, qu'habitaient des races d'hommes entièrement différentes de tout ce qu'on avait connu en Europe, en Afrique et en Asie, ait agrandi le domaine des sciences naturelles, de la géographie et de la médecine et perfectionné l'art de la navigation 1.

L'anatomie est la première des sciences naturelles qui ait été cultivée avec succès après la renaissance des lettres; c'est elle qui depuis les anciens avait fait le moins de progrès, parce que les Arabes auxquels les autres branches de la médecine doivent tant, ne pouvaient, d'après les lois de leur religion, toucher aux cadavres. L'Italie, terre natale de la littérature, donna aussi naissance à l'anatomie moderne. Jacques Bérenger de Carpi professa à Bologne, pendant un quart de siècle2, et y attira la jeunesse de toute l'Europe, parce que ce n'était qu'à Bologne qu'on fournissait au professeur un assez grand nombre de cadavres, pour faire des démonstrations instructives. Carpi fut le premier aussi qui employa le mercure pour guérir une maladie, fléau du seizième siècle que la Providence avait laissé ignorer à l'antiquité et au moyen âge. Bientôt après, Günther ou Gonthier d'Andernach, médecin de François I, porta l'anatomie en France où il eut de célèbres disciples en Sylvius 3

'Nous avons tiré ce que nous allons dire des sciences naturelles, des ouvrages de M. CUVIER, que nous citons une fois pour

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3 Frère de François Sylvius, éditeur du Martial expurgé.

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