Page images
PDF
EPUB

Il en doit être de même dans notre droit; et ce que nous avons dit de l'obligation de l'héritier de payer les dettes, doit également s'appliquer au payement des legs (1).

1844. L'obligation de payer les legs, et de les payer tous, exclut, comme on le voit, le droit de retenir la quarte falcidie usitée dans les pays de droit écrit et dont il est à propos de dire un mot.

Suivant la loi des Douze Tables, un père avait le droit de faire des legs à sa volonté. Mais on sentit bientôt que quoique la générosité fût une vertu digne d'éloges, il était nécessaire de mettre des bornes à des libéralités dissolues, qui épuisaient le patrimoine de la succession à tel point que l'héritier, se trouvant privé de tout émolument, répudiait pour ne pas se charger d'un fardeau sans aucun profit. On rendit, à différentes époques, les lois Furia et Voconia qui limitèrent le droit de disposer. Mais ces lois furent jugées insuffisantes (2), et l'on porta enfin la fameuse loi falcidie, par laquelle il fut défendu à tout testateur de léguer au delà des trois quarts de sa succession; de sorte que, lorsqu'on aurait légué au delà, l'héritier pourrait retenir sur les legs ce qui lui serait nécessaire pour conserver le quart de la succession (3)..

La loi falcidie, comme le dit Voot (4), eut pour prin cipal avantage d'empêcher que les volontés des défunts restassent sans effet; ce qui était une considération du plus haut intérêt chez les Romains, si jaloux de la prérogative de tester! Il est vrai qu'on restreignait la plénitude du droit conféré par la loi des Douze Tables. Mais cette restriction était nécessaire pour ne pas rendre illusoire le pouvoir de tester, et il n'est nullement nouveau en jurisprudence qu'on limite un droit en quelque chose, pour assurer son effet dans tout le reste.

Il fallait donc que l'on réservât à l'héritier institué le

མ།།

(1) Grenier, no 313. Co

(2) Calus, comm. 2, §§ 224 et seq. Instit., De leg. falcid., in principio.

(3) Voet, Ad leg, falcid., n° 2. Heineccius, Instit., 1, 2, t. XXII, $648 et suiv. Pothier, Pand., t. 11, p. 498, no 1.

(4) Voet, loc. cit., n° 3.

quart de la succession, sans quoi il pouvait retrancher sur chacun des legs de quoi le compléter. On présumait que celui qui instituait un héritier le préférait à de simples légataires.

Pour fixer la valeur du patrimoine, on commençait par déduire les dettes, les frais funéraires, le prix des esclaves affranchis, et les dépenses faites pour accepter l'hérédité.

On imputait dans la quarte tout ce que l'héritier institué avait reçu à titre d'institution. La retenue frappait sur les legs, sur les fidéicommis particuliers, sur les donations à cause de mort et sur celles entre mari et femme. Les donations entre-vifs en étaient affranchies.

Il y avait cependant plusieurs cas où elle n'avait pas lieu: 1° sur le legs de la dot fait à la femme; 2° dans les testaments militaires; 3° sur les legs pour cause pie; 4° si le testament défendait expressément de retenir la quarte; 5° si l'héritier n'avait pas fait d'inventaire. Avant Justinien, l'héritier n'était pas tenu des legs indéfiniment, puisqu'il pouvait retenir dans tous les cas la quarte falcidie. Mais, après l'introduction du bénéfice d'inventaire, Justinien voulut que ceux qui négligeraient ce remède salutaire, fussent privés du bénéfice de la falcidie et qu'ils fussent tenus des legs, même au delà des forces de l'hérédité (1).

1845. La falcidie n'était pas reçue dans les pays coutumiers (2); elle n'avait été établie qu'au profit des héritiers testamentaires si favorables en droit romain, et l'on sait que le droit coutumier ne reconnaissait que des héritiers ab intestat, toutes les institutions d'héritiers étant assimilées à de simples legs (3).

Mais la loi falcidie était pratiquée dans les pays de droit écrit, et l'héritier institué qui avait fait inventaire, en avait le bénéfice (4).

Le Code a dégagé le droit de cette complication; il n'avait pas les hautes raisons du droit romain pour favo

(1) L. ullim., § 14, C., Ad leg. falcid. Novell. 1, cap. 2, § 2. Noet, De jure delib., n° 27. Heineccius. Instit., 1. 2, t. XXII, & cit. Pothier, Pand., t. II, loc. suprà cit.

(2) Furgole, ch. 10, sect. 3, n° 28.

(3) Suprà, n° 1435.

(4) Furgole, ch. 7, 1, 61, et ch. 10, 3, 28.

riser les héritiers testamentaires. Si le légataire universel trouve que l'hérédité est trop grevée, il n'a qu'à la répudier. Nous ne voyons pas de honte à ce qu'un père de famille décède intestat.

SECTION V.

DU LEGS A TITRE UNIVERSEL.

ARTICLE 1010.

Le legs à titre universel est celui par lequel le testateur lègue une quote-part des biens dont la la loi lui permet de disposer, telle qu'une moitié, un tiers, ou tous ses immeubles, ou tout son mobilier, ou une quotité fixe de tous ses immeubles ou de tout son mobilier.

Tout autre legs ne forme qu'une disposition à titre particulier.

SOMMAIRE.

1846. Caractère du legs à titre universel.

1847. En quoi il diffère du legs universel. - Rnevoi.

1848. Le legs d'usufruit de tous les biens est un legs à titre uni

versel.

1849. Différence entre le legs à titre universel et le legs particulier. Exemples.

1850. Sens des mots meubles, mobilier, biens meubles, employés dans les testaments.

1851. La question d'étendue du legs est le plus souvent une question de fait.

COMMENTAIRE.

1846. Le legs à titre universel, dont nous avons déjà (1) fait connaître les caractères, diffère du legs uni

(1) No 1766 et saiv.

versel, en ce qu'il ne peut porter que sur une quote part des biens dont il est permis au testateur de disposer, comme une moitié, un tiers, un quart, etc..., ou sur une espèce de biens en général, comme tous les immeubles, ou tout le mobilier, ou une quotité de tous les immeubles, ou de tout le mobilier.

It diffère du legs particulier, comme nous le verrons (1), en ce que celui-ci ne peut porter que sur des biens déterminés. !

La difficulté de cette matière consiste donc à savoir distinguer le legs à titre universel soit du legs universel, soit du legs particulier.

[ocr errors]

1847. En ce qui concerne les différences qui existent entre le legs universel et le legs à titre universel, les principes que nous avons exposés dans le commentaire de l'article 1003, et les exemples que nous avons donnés ont déjà mis sur la voie de la distinction. Nous nous bornons à y renvoyer (2). sm Jom el,...

,,,,』

1848. Disons cependant un mot d'une question que nous avons laissée à l'écart (5),uot anchor is! Le legs d'usufruit de tous les biens n'est qu'un legs à titre universel. En effet, le légataire d'un tel legs n'a qu'un droit limité à une nature de biens. Comment représenterait-il le défunt in suniversum jus, lui, à qui manque de droit le plus essentiel et qui n'est pas propriétaire? Ce n'est pas sur sa tête qu'est le droit universelv C'est sur la tête du nu propriétaire qui tôt ou tard verra l'usufruit se consolider dans ses mains avec la nue propriété (4). somos serving sulit & las age!

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

1849. Venons maintenant aux différences qui se font remarquer entre le legs à titre universel et de legs particulier. Ce n'est pas lorsqu'il sera question d'un legs de quoRU ain, OF, 696) 35 BTTB, 1ST

(1) Infrà, sur l'art, 1014., Aizengoura egit, my h (2) N 1768, 1785 et suiv.,19ito73 178 Jun

(3) N° 1789.

(4) Cassat.. rejs, 4 fructidór an xit (Devil. 2,1,155). Cassat., 7 août 1827 (Devil., 8, 1, 662). Cassat. (chambre civile), 28 août 1827 (Devill., 8, 1,678). Junge Proudhon, Usufruit, t. I, n° 475. MM. Duranton, t. IX, n° 189. Coin-Delisle, n°11, sur l'art. 1003.

A

tité que les difficultés se présenteront sur ce point, mais ce sera dans le cas où le legs portera sur les immeubles, ou sur le mobilier.

Ainsi, l'on s'est demandé si le legs de tous les meubles qui se trouvent dans une maison déterminée (1) ou de tous les biens meubles et immeubles que le testateur possède dans tel pays (2) sont des legs à titre universel. Bien que ces legs soient conçus en termes généraux, ce ne sont cependant que des legs particuliers; il suffit de peser les termes de notre article pour se convaincre que ces sortes de legs ne pourraient rentrer dans la définition du legs à titre universel. En effet, il ne se compose ni d'une quote part de la succession, ni de la totalité des immeubles, ni dola totalité du mobilier, ni d'une quotepart de la totalité des immeubles ou du mobilier. Ce sont donc des legs particuliers (3) 19.709Polsine I s 1850. On sait gite, d'après les articles 533 et 535 du Code Napoléon, le mot meubles a un sens moins large que le mot mobilier, ou l'expression biens meubles; il s'ensuit que, dans tous les cas où le testateur aura employé le mot meubles avec le sens restreint que lui donne l'art. 533, le legs sera à titre particulier (4).

D

Mais il arrive souvent que les téstateurs ne parlent pas le langage précis de la loi, et que leur pensée va au delà de leur expression. Il se peut donc que le mot meubles se trouve dans le legs avec des circonstances qui feront supposer que lestesteteur a voulu donner tout son mobilier sans exception. On n'hésitera pas alors à décider (5) que le legs est à titre universel, comme, par exemple, -sonersib zus tuunottumenons 7 .0121

(1) Turin, 24 mars 1806 (Devil, 2, 2,127). Pau, 26 juin 1824 (Devill., 7, 2, 391) og puce la parol ang 129 11 50 (2) Cassat., rej., arrêt de Caen, 10 juin 1855 (Devill., 36, 1,45).

(5) Lebrun, Des successions, 1. 4, ch. 2, sect. 2, no 44. Chabot, Successions, sur l'art. 871. Grenier, n° 288. M. Coin-Delisle, no 14, sur l'art. 1003.

(4) Rouen, 21 février 1842 (Devill. 42, 12, 262). Reco

(5) Bruxelles, 9 mars 1813 (Devill., 4, 2, 270). Poitiers, 21 juin 1825 (Devill., 8, 2, 148). Argument d'un arrêt de Rouen du 27 mai 1806 (Devill,, 2, 2, 148).

« PreviousContinue »