tiers de ladite femme Lagardère s'étende jusqu'à la moitié, si sa fille non mariée vient à prédécéder. En effet, la fille non mariée est morte en 1840, et Béchade est décédé en 1847. On devine le débat qui s'éleva entre la dame Besse et la dame Lagardère. Le tribunal d'Angoulême le décida en faveur de la première. Voici son système: Béchade a promis à sa fille de ne rien faire qui pût diminuer sa portion virile ou héréditaire. Or, pour connaître cette portion virile, il faut se reporter au moment du décès; car dans les institutions contractuelles (et Béchade n'a pas fait autre chose), ce n'est pas la date de l'institution qu'il faut considérer; c'est au moment du décès qu'il faut se reporter pour apprécier l'étendue des droits appartenant à l'institué. Or, au moment de son décès, Béchade n'a laissé qu'une fille, son autre fille étant morte. Donc cette fille, la dame Besse, s'est trouvée appelée à recueillir sa succession. C'est donc inutilement que Béchade a voulu instituer la dame Lagardère; il n'a fait que contrevenir à son engagement de ne rien faire qui pût porter atteinte à la portion virile de madame Besse dans sa succession. S'il en était autrement, son institution contractuelle serait de nul effet; il n'aurait rien donné à sa fille. D'ailleurs, il suffit de lire les réserves faites par Béchade d'une somme de 7,000 francs et d'un usufruit pour Anne Léaud, pour être convaincu qu'il s'interdisait de faire d'autres dispositions au profit d'étrangers. Appel. On disait pour la dame Lagardère : - La promesse d'égalité suppose un partage. Mais que devient-elle, quand, par le cours des événements, il n'y a pas lieu à partage? Qu'a fait Béchade ? Il a promis l'égalité. A-t-il manqué à cette promesse? Madame Besse a-t-elle éprouvé un mécompte? Non! son père lui laisse la part virile la plus forte à laquelle elle aurait pu prétendre, s'il y avait eu lieu à partager. C'est ce système que la Cour de Bordeaux a adopté, en faisant remarquer que l'interdiction contractée par Béchade de diminuer la portion virile» était la même chose que la promesse d'égalité, portion virile et portion égale étant synonymes (1).Il faut lire cet arrêt qui contient une déduction pressante et des arguments trèsgraves. Le plus fondamental, c'est que le père de famille n'a eu que la pensée d'un partage, d'un concours de deux personnes au moins, et jamais celle d'une institution universelle au profit de sa fille. 2378. Ceci posé, nous ne nous sommes pas trompés quand nous avons dit qu'en cette matière, il est de la plus haute importance de consulter les faits. C'est dans les circonstances particulières de l'espèce et dans la volonté du disposant révélée par les faits, que la Cour de Bordeaux a puisé sa décision. Son arrêt repose sur une appréciation de l'intention du père, bien plutôt que sur des principes de droit. C'est ce qu'on peut appeler un arrêt d'espèce (2). Mais si on se place en dehors des particularités de telle ou telle cause, pour se mettre nettement en face d'une promesse d'égalité, ne peut-on pas dire que le père de famille qui marie son enfant et lui promet l'égalité, ou en d'autres termes qui s'oblige à ne pas faire de disposition en faveur de ses autres enfants, promet à plus forte raison de n'en pas faire à l'égard d'un étranger? Ce père donne une garantie contre les entraînements de l'affection paternelle. N'est-ce pas une raison pour qu'on le croie fort contre les tentations des tiers? et n'y a-t-il pas là une volonté claire, qui a été le gage de l'union de deux familles, et qui ne permet pas d'ultérieures libéralités au profit de tiers (3) ? 2379. D'un autre côté si la promesse d'égalité est une véritable institution contractuelle, au moins quand elle est dégagée des circonstances dont nous parlions tout à (1) Merlin, Répert., v° Portion virile. (2) L'arrêt de la Cour de cassation, du 15 déc. 1818, cité ci-dessus a une analogie parfaite avec celui de Bordeaux. (3) Argument d'un arrêt de la Cour de cassat., req., S déc. 4837. (Devill., 38, 1, 476.) l'heure, ne doit-on pas lui appliquer la règle de l'art. 1083 du code Napoléon ? On répond qu'elle n'est qu'une institution restreinte; que, dans la pensée du disposant, il n'a été assuré a l'enfant qu'une part égale à celle de ses frères et sœurs; qu'il doit par conséquent être satisfait, si ceux-ci ne sont pas avantagés, et qu'en demandant la nullité des dons faits à des tiers, il réclame ce qui ne lui est pas promis. Mais si on y regarde de près, ne voit-on pas que la promesse d'égalité contient virtuellement en soi une assurance dans la portion disponible? N'est-ce pas en laissant cette portion intacte que le père fera subsister l'égalité? Or, s'il a promis qu'elle resterait entière, même malgré toute préférence entre enfants, ne s'écarte-t-il pas de ses engagements, quand il en dispose au profit d'étrangers qu'on devait croire en dehors ou éloignés de ses affections? Supposons que le père ait dit « Je vous assure une part égale dans les biens que je laisserai à mon décès. N'appliqueraiton pas à cette disposition qui reproduit mot pour mot la formule de l'art. 1082, le principe posé dans l'art. 1083? Or, de bonne foi, quelle différence y a-t-il entre cette disposition et la simple promesse d'égalité ? Est-ce que la pensée des contractants n'est pas nécessairement reportée sur les biens laissés au décès ? Est-ce que, soit qu'on le dise, soit qu'on ne le dise pas, ce n'est pas d'une part égale dans les biens qu'il est question entre les parties? 2380. Il est reconnu, du reste, que la promesse d'égalité ne prive pas l'instituant de la faculté de disposer d'une partie de ses biens au préjudice de ceux de ses enfants en faveur de qui la promesse n'a pas été faite. Ainsi dans l'espèce qui précède, si les deux filles de Béchade lui avaient survécu, il eût dû laisser la moitié de sa succession à la dame Besse; mais il eût pu réduire son autre fille à la réserve, et disposer d'1/6 au profit de qui il eût voulu. Les enfants auxquels la promesse d'égalité n'a pas été faite, ne sau raient s'en prévaloir sans mériter le reproche d'exciper du droit d'autrui (1). 2381. Quelquefois la promesse d'égalité se présente comme condition d'une institution contractuelle formelle. Comme par exemple : « Pierre institue sa fille son héritière pour moitié des biens qu'il laissera à » son décès, avec promesse d'égalité. D Dans cet état, on demande si Pierre a pu faire plus tard un partage entre ses enfants. La raison de douter est que, d'après l'art. 1076 du C. Napoléon, le partage d'ascendant se fait par disposition entre vifs ou testamentaire. Or le père ne peut donner ni léguer à ses enfants ce qui leur appartient déjà, et l'art. 1083 s'oppose à toute disposition à titre gratuit après l'institution contractuelle. Mais on répond que la libéralité faite par le père ne s'oppose pas à ce qu'il répartisse ensuite par un partage entre ses enfants les valeurs de la succession qu'il leur a assurée. Il suffit qu'il ne s'écarte pas de l'égalité qu'il a promise (2). ARTICLE 1084. La donation par contrat de mariage pourra être faite cumulativement des biens présents et à venir, en tout ou en partie, à la charge qu'il sera annexé à l'acte un état des dettes et charges du donateur existantes au jour de la donation; auquel cas, il sera libre au donataire, lors du décès du donateur, de s'en tenir aux biens présents, en renonçant au surplus des biens du donateur. (1) Bourges, 18 floréal an xii. (Devill., 1, 2, 191.) (2) Cassat., req., 26 mars 1845. (Devill., 47, 1, 120 et suiv.) ARTICLE 1085. Si l'état dont est mention au précédent article n'a point été annexé à l'acte contenant donation des biens présents et à venir, le donataire sera obligé d'accepter ou de répudier cette donation pour le tout. En cas d'acceptation, il ne pourra réclamer que les biens qui se trouveront existants au jour du décès du donateur, et il sera soumis au paiement de toutes les dettes et charges de la succession. SOMMAIRE. 2382. De la donation de biens présents et à venir.— Cette espèce de donation, prohibée par le droit commun, est admise en contrat de mariage. 2383. Etude historique de la donation de biens présents et à venir. Quatre systèmes d'interprétation. chacun de ces systèmes. 2384. Premier système. Raisons qui le justifient. Définition de 2385. Raisons qui l'ont empêché de prévaloir. - Deuxième sys tème. 2386. Critique du second système. 2387. Troisième système. Il était dominant dans les pays de droit écrit. La donation universelle se compose de deux donations distinctes.-Critique. 2388. Quatrième système, issu des pays coutumiers. La dona tion universelle embrasse tous les biens laissés au décès, à moins que le donataire n'opte pour les seuls biens pré sents. 2389. L'ordonnance de 1731 a condamné les deux premiers sysComparaison et différence des deux autres systèmes entre eux. tèmes. 2390. L'ordonnance a laissé subsister ces deux derniers systèmes, pour ne pas froisser les idées reçues. Le donataire uniprésents, est tenu 2391. Conséquences du quatrième système. versel, qui n'opte pas pour les biens de toutes les dettes et de la garantie des aliénations. Arrêts célèbres. 2392. Le donataire, en ce cas, prend tous les biens, tement sous la charge des dettes. indistinc |