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prendre parti sur la rescision qu'en recherchant si l'en. fant qui se plaint n'a pas trouvé une compensation dans les deux partages ultérieurs; car si ces deux partages l'avaient indemnisé, son action serait sans intérêt et sans cause; il aurait trouvé dans l'ensemble ce qu'il aurait perdu dans un détail. L'ensemble doit donc être pris en considération (1).

L'espèce suivante, jugée par la cour de cassation, fera toucher au doigt notre pensée.

Plusieurs partages partiels avaient été faits entre des cohéritiers, et la dame Bourgeois, qui y avait été partie, n'en attaquait qu'un seul, du 28 mai 1826; ce qu'il faut surtout remarquer, c'est que dans son action, elle n'articulait qu'une lésion restreinte à cette distribution partielle, se refusant, dit l'arrêt de Rouen saisi de la ques» tion (2), de prendre pour éléments tous les immeubles » de l'indivis général et originaire, ainsi que ce qui lui » en était advenu à différents temps par des partages

fractionnels, et ne concluant pas même secondaire»ment à la vérification d'une lésion assise sur ces bases.. On voit qu'il y avait là une prétention abusive et déraisonnable. La dame Bourgeois s'opposait à ce qu'on lui fît compte des attributions d'où pouvait résulter une compensation à son profit. Elle entendait isoler le parlage de 1826 et exciper du préjudice qu'elle y éprouvait, sans le balancer par les avantages qu'avaient pu lui faire les autres partages. Posée en ces termes, la question n'était pas douteuse, et le pourvoi contre l'arrêt de la cour de Rouen fut rejeté par arrêt de la chambre des requêtes du 27 avril 1841 (3); le rejet est fondé sur ce que l'offre de prouver la lésion n'était faite que restricti⚫vement, et abstraction faite des autres partages frac»tionnaires. >>

(1) Arrêt de cassat. (chambre civ.) du 18 décembre 1854, rendu sous ma présidence, au rapport de M. Lavielle, et portant cassation d'un arrêt de la cour d'Orléans : il est encore inédit.

(2) 4 décembre 1858 (Devill., 39, 2, 191, 192).

(3) Devill., 41, 1, 389.

Mais, à notre avis, il en aurait été différemment, si la dame Bourgeois, au lieu de ce refus obstiné, eût consenti à combiner le partage de 1826 avec la masse des biens, se bornant à soutenir que, par les autres attributions dont elle avait été saisie, elle n'avait reçu que son dù, sans aucun avantage qui pût faire compensation; qu'ainsi elle n'avait pas d'intérêt à attaquer des actes qui ne la blessaient pas, et qu'elle concentrait ses critiques sur le partage de 1826, qui, seul, lui faisait grief.

Supposons donc qu'il soit constant que la lésion, dont se plaint l'enfant dans un premier partage, n'a pas été réparée dans les partages ultérieurs. Par exemple, après le partage du 11 janvier 1848, qui divisait entre les enfants les bois du père commun, et où l'un d'eux prétend qu'il lui a été fait grief, le père a fait un second partage de ses capitaux, qu'il a divisés par égales portions, et un troisième qui porte sur ses meubles meublants et qui comprend des lots évidemment égaux. En pareil cas, nul n'aura la pensée de soutenir que l'enfant lésé par le partage seul de 1848, est non recevable dans son action contre cet acte, parce qu'il ne demande pas en même temps la rescision des deux autres partages ultérieurs. Il nela demande pas, parce qu'il n'a pas d'intérêt à la demander, parce que ces partages ne lui font aucun préjudice, et qu'ils n'ont été que justes envers lui. Ce n'est pas qu'il se refuse à opérer le calcul de la lésion sur la masse des biens, il entend bien qu'on ne peut prouver la lésion d'un partage fractionnaire, sans recourir aux autres et sans les comparer entre eux; mais il prétend qu'il n'y a pas, en fait, de compensation, et que le tort de 1848 n'a pas été réparé par les autres actes. C'est à ses adversaires qui prétendent le contraire à le lui prouver.

ARTICLE 1080.

L'enfant qui, pour une des causes exprimées en l'article précédent, attaquera le partage fait par l'ascendant, devra faire l'avance des frais de l'es

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timation; et il les supportera en définitive, ainsi que les dépens de la contestation, si la réclamation n'est pas fondée.

SOMMAIRE.

2339. Motifs de la disposition. Elle n'est pas applicable à une demande fondée sur une cause autre que la lésion.

COMMENTAIRE.

2339. Cet article est une précaution contre les demandes en rescision que la mauvaise humeur ou la jalousie pourraient suggérer à un enfant. Le demandeur en lésion devra faire l'avance des frais d'estimation, sauf à en être remboursé s'il gagne son procès.

Que si l'événement tourne contre sa prétention, il supportera cette dépense et tous les frais de la contestation.

Mais remarquez que l'art. 1080 ne s'applique pas au cas où la demande est fondée sur une cause étrangère à la lésion. Supposons qu'un des enfants attaque le partage parce que son consentement aurait été supris par dol, fraude ou violence, on ne saurait exiger de lui qu'il fasse l'avance des frais de la procédure. Ce sont là des causes de rescision qui se distinguent de celle de la lé sion (1). Or, l'art. 1880 déclare expressément qu'il n'est édicté que pour le cas où l'enfant attaque le partage pour l'une des causes énoncées en l'article précédent, à savoir, lésion de plus du quart et excès dans l'usage de la portion disponible (2).

(1) Art. SS7 du C. Nap.

(2) Arrèt inedit de la cour d'Orléans, du 15 janvier 1853 (Firmin Carré contre ses frères).

CHAPITRE VIII.

DES DONATIONS FAITES PAR CONTRAT DE MARIAGE AUX ÉPOUX ET AUX ENFANTS A NAITRE DU MARIAGE.

SOMMAIRE.

2340. Objet de ce chapitre. Différence entre les donations anténuptiales dont il s'occupe et les donations propter nuptias.-Division.

COMMENTAIRE.

2340. La faveur du mariage a toujours fait admettre des dispositions spéciales à l'égard des donations dont l'objet est d'encourager des alliances qui font le soutien de l'État (1). Ces donations ont donc un caractère exceptionnel. C'est pourquoi le Code Napoléon en fait la matière d'un chapitre particulier.

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Mais, avant d'entrer dans l'exposé des priviléges que la loi leur accorde, nous ferons remarquer que les donations aux époux et aux enfants à naître du mariage, dont nous avons à nous occuper ici, n'ont rien de commun avec la donation propter nuptias du droit romain: Multùm distat donatio propter nuptias, dit Cujas (2), ả >> donatione quæ moribus nostris fit respectu matrimonii.... » Donatio favore matrimonii est, quæ alterutri conjugum fit à parente vel extraneo conjugii, non conjugis no» mine. Donationes ergò propter nuptias hodiè sunt penitùs › ex usu sublatæ. » La donation propter nuptias, espèce de contre-dot (3), était une libéralité anténuptiale, que le mari seul pouvait faire à la femme, et que celle-ci gagnait par le prédécès du mari; elle tomba d'ailleurs en désuétude chez les nations modernes (4), qui ne con(1) Furgole, sur l'art. 10 de l'Ord. 1731.

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(2) Observat., liv. V, c. 4.

(3) Mon commentaire du contrat de mariage, préface, p. 79. (4) Id., p. 91.

servèrent que l'usage des cadeaux de noces, des sponsalitia, etc., etc.

Mais les donations anténuptiales prévues par le chapitre 8, sont celles que des tiers font aux époux ou à l'un d'eux dans le contrat de mariage, pour favoriser leur établissement. Ces donations sont très favorables; elles sont investies de nombreux priviléges. Elles se distinguent profondément de celles que des tiers peuvent faire aux époux pendant leur mariage. Car celles-ci tombent sous l'empire du droit commun, tandis que les autres s'en séparent par de considérables exceptions.

Ajoutons que notre chapitre est également étranger aux effets que le régime matrimonial adopté par les époux imprime aux choses données; c'est l'objet du titre du contrat de mariage.

Quant aux donations entre mari et femme, soit par contrat de mariage, soit pendant le mariage, elles sont traitées dans le chap. 9, où nous continuerons à trouver de remarquables anomalies introduites par la considération du mariage. Revenons aux donations anténuptiales faites par des tiers; elles se divisent en quatre classes: 1° les donations de biens présents; 2° les donations de succession ou institutions contractuelles ; 3o les donations de biens présents et à venir; 4° les donations de biens présents avec des conditions potestatives qui permettent au donateur de donner et de retenir. Ce sera la matière des articles suivants, dont le commentaire a un sérieux intérêt.

ARTICLE 1081.

Toute donation entre vifs de biens présents, quoique faite par contrat de mariage aux époux, ou à l'un d'eux, sera soumise aux règles générales prescrites pour les donations faites à ce titre. Elle ne pourra avoir lieu au profit des enfants à naître, si ce n'est dans les cas énoncés au chapitre 6 du présent titre.

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