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a toujours échoué devant la chambre civile (1), et que les cours impériales n'avaient admis qu'avec peine (2). On juge, en général, que non-seulement l'action ne court que du décès du père, mais même qu'elle n'est pas recevable de son vivant (3).

2332. Ce que nous venons de dire de l'action en rescision proprement dite, pour lésion de plus du quart, s'applique à plus forte raison à l'autre action établie par notre article, et résultant d'un excès de la portion disponible. D'une part, cette seconde action est, en quelque sorte, une action en lésion d'après notre article luimême. Sans doute elle est, par un certain côté, une action en réduction; mais elle participe aussi du caractère de l'action en lésion, puisque les copartagés sont lésés dans leur droit à la réserve, par la disposition arbitraire du partage qui a entamé leur portion légitime. D'autre part, où en serait-on si l'action en réduction courait depuis le jour de la mise en possession? Il y aurait donc deux successions et deux réserves: une succession et une réserve fixées au moment du contrat; une autre succession et une autre réserve déterminées au décès du disposant?

2333. Nous disons que l'action en réduction prend la couleur de l'action en lésion, quand elle est dirigée contre un partage qui consacre des inégalités de nature à entamer les réserves. Cette vérité a été contestée (4). On a prétendu que les avantages excessifs ne peuvent don

(1) Cassat., 16 juillet 1849, qui casse un arrêt de Toulouse qui avait fait courir le délai du jour du contrat (Devill., 49, 1, 622). Voy., au numéro suivant, des arrêts analogues et qui complètent la jurisprudence. Junge Bordeaux, 4 janvier 1827 (Devill., 8, 2, 306. J. du Palais, t. XXI. p. 14). Caen, 15 juin 1835 (Devill., 38, 2. 521. J. du Palais, t. XXVII, p. 311). Nimes, 17 mars 1841 (Devill., 41, 2, 335. J. du Palais, 1841, t. XXXVII, p. 52).

(2) Toulouse, 15 mai 1838 (Devill., 39, 2, 50). Grenoble, 30 juillet 1839 (Devill., 40, 2, 204). Grenoble, 6 mai 1842 (Devill., 42, 2, 433). Nimes. 12 juillet 1842 (Devill., 42. 2, 465. J. du Palais, 1842, t. XXXIX, p. 562). Douai, 12 juillet 1846 (Devill., 46, 2, 243).

(3) Devill., 52, 1, 750.

(4) Les annotateurs de M. Zachariæ, t. V, p. 491, no 27.

ner lieu qu'à l'action autorisée par les art. 920 et suiv. du Code Napoléon, laquelle n'aboutit qu'à une simple réduction, et nullement à une action s'attaquant au partage en lui-même. Mais il suffit de lire notre article pour se convaincre que telle n'est pas la pensée de la loi. Notre article ne dit pas que c'est l'avantage seul qui sera réduit; il dit, au contraire, que c'est le partage qui sera attaqué. Le partage, opération complexe dans laquelle il y a un ensemble d'éléments qui se tiennent, se combinent et se pondèrent, n'est pas comme un acte isolé de donation. Si vous touchez à un de ces éléments, tous les autres en ressentent le contre-coup, et l'équilibre réglé par le disposant est dérangé. Le partage est donc atteint par la réduction de l'avantage excessif. Il est atteint comme par une lésion particulière à ce genre d'acte, et par suite il est nul (1), sauf ce que nous dirons infrà au n° 2337, sur le droit du défendeur de faire cesser l'action par des offres satisfactoires.

Ainsi, pour conclure, nous disons que l'action dont nous nous occupons ici court à partir du décès du donateur (2), et que de plus elle est limitée à dix ans (3),

(1) M. Genty, n° 50. M. Duranton, t. IX, n° 650. M. Delvincourt, t. II, p. 161, 162.

(2) Cassat. (chambre civ.), rejet, 30 juin 1847 (après partage) (Devill., 47, 1, 481. J. du Palais, 1847, t. XLIX, p. 5). Cassat., 2 août 1848, qui casse un arrêt de la cour impériale (Devill., 49, 1, 258). Cassat., 16 juillet 1849, qui casse un arrêt de la cour de Toulouse (Devill., 49, 1, 622. J. du Palais, 1849, t. LIII, p. 607). Cassat., 31 janvier 1853, qui casse un arrêt de Lyon (Devill., 53, 1, 153). Junge Agen, 6 juillet 1824 (Devill., 7, 2, 399. J. du Palais, t. XVIII, p. 861). Montpellier, 25 mai 1842 (Devill., 42, 2, 523). Montpellier, 23 décembre 1846 (Devill., 47, 2, 174. J. du Palais, 1847, t. XLIX, p. 113). Lyon, 30 août 1848 (Devill.. 49, 2, 7. J. du Palais, 1849, t. LII, p. 78). Agen, 12 juin 1849 (Devill., 58, 2, 41). Nimes, 24 décembre 1849 (Devill., 50, 2, 308). Agen, 28 mai 1850 (Devill., 51, 2, 177). Contrà, arrêt de la chambre des requêtes du 4 février 1845 (Devill., 45, 1, 305. J. du Palais, 1845. i. XLV, p. 396), au rapport de M. Lasagni. Junge Bordeaux, 23 décembre 1845 (Devili., 46, 2, 242. J. du Palais, 1846, t. XLVI, p. 558).

(3) Art. 1304 du C. Nap. Cassat., 4 février 1845 (Devill., 45, 1, 505). Contrà, les annotateurs de M. Zachariæ, t. V, p. 495, n° 38, qui veulent que cette action dure trente ans.

parce qu'elle est autant une action en lésion ou en nullité du partage qu'une action en réduction.

2334. Aux actions en lésion dont s'occupe particulièrement notre article, il faut assimiler l'action en nullité résultant de la composition vicieuse des lots; action qui est passée sous silence par notre article, mais qui est gouvernée, à raison de l'analogie, par les idées que nous venons d'exposer.

Supposons donc que le père de famille ait fait un partage entre-vifs, et qu'il ait donné tous les immeubles à l'un de ses deux enfants et tous les meubles à l'autre. D'une part, cette action en nullité ne sera soumise qu'à la prescription de dix ans (art. 1504); de l'autre, ces dix ans ne courront qu'à partir du décès du donateur. Bien plus, l'enfant qui, du vivant du père disposant, se permettrait d'affliger ses vieux jours par une action injurieuse pour les combinaisons de sa prudence, devrait être déclaré non recevable dans cette action prématurée.

Ce dernier point, qui touche à ce qu'il y a de plus radical dans la question, a été consacré par un arrêt de la cour de Paris du 8 avril 1850, rendu sous ma présidence. en audience solennelle.

En voici le texte :

La cour, sur la fin de non-recevoir tirée de ce que l'action des époux Gladieux ne serait pas ouverte; considérant que l'action accordée aux enfants par - l'art. 1079 du Code Napoléon, pour attaquer le partage » qui leur a été fait sous forme de donation entre-vifs » par leur ascendant, est subordonnée, quant à son exercice, à la mort de celui-ci; que, d'une part, le partage » d'ascendant, bien qu'irrévocable à l'égard du donateur, peut cependant à son décès être sujet à un nou» veau règlement, suivant certaines éventualités; que, d'un autre côté, les enfants investis d'un lotissement qui leur est fait par leur auteur, nullo jure cogente, » » seraient placés dans une situation fausse et presque voisine de l'ingratitude, s'ils se trouvaient obligés d'en critiquer l'importance contre le bienfaiteur lui-même ⚫ ou à son yu et su; que de ces raisons il résulte qu'il

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» a été évidemment dans la pensée du législateur de » laisser sommeiller les actions en justice contre l'acte » de la volonté de l'ascendant, pendant tout le temps de » sa vie ; que cette pensée est morale, qu'elle préserve l'autorité paternelle de graves atteintes, qu'elle concilie > seule le respect des enfants pour le père de famille avec le soin de leurs droits; qu'elle résulte, du reste, > implicitement de la combinaison des art. 1078 et 1079 » du Code Napoléon;- Met l'appellation et ce dont est appel au néant (1).

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Les intéressés s'étant pourvus en cassation, leur pourvoi a été rejeté par arrêt de la chambre civile du 14 juillet 1852 (2).

2335. Si le partage a été fait par acte testamentaire, l'action en nullité dure trente ans, à partir du décès du testateur (3). Il est clair qu'on ne peut appliquer ici l'art. 1304, qui ne concerne que les contrats. Mais la réception de l'apportionnement par le demandeur en nullité pourrait élever contre lui une fin de non-recevoir, si elle avait été la conséquence d'une acceptation volontaire, faite en connaissance de cause (4). Quand l'acceptation a eu lieu après la mort du père, on ne saurait dire, comme nous le disions au no 2305, que l'enfant a obéi à un sentiment de crainte révérentielle.

2336. C'est pourquoi, lorsque le partage a eu lieu par donation et qu'il est attaqué par l'action en lésion ou en réduction, on ne saurait puiser dans l'art. 918 du Code Napoléon et dans le fait de réception du lotissement, une fin de non-recevoir analogue à celle que nous opposons au partage par testament. L'article 918 fait pour des cas particuliers où l'intervention de l'enfant consentant est toute volontaire et spontanée, ne peut être étendu aux partages anticipés de succession où sa présence est forcée et où son silence et son acceptation ont pu être déter

(1) Devill., 50, 2, 305. J. du Palais, 1850, t. LIV, p. 267). (2) Devill., 52, 1, 750.

(3) Devill., 52, 1, 750.

(4) Suprà, no 2331.

minés par une crainte révérentielle. Sans quoi, ce serait à peu près en vain que l'art. 1079 aurait établi l'action en lésion dans les partages d'ascendant (1).

2337. Le défendeur à l'action en lésion peut en arrêter le cours, en offrant, soit en immeubles, soit en argent, suivant les cas, le déficit constaté (2).

Il le peut alors même que l'action est fondée sur un avantage excessif (3). C'est là un autre cas de rescision, et la rescision, mesure perturbatrice et extrême, peut être prévenue par une offre valable d'indemnité, soit en numéraire, soit en nature. (Art. 891, C. N.)

Que si le défendeur à l'action ne faisait pas d'offres suffisantes; si, par exemple, il voulait ne donner que de l'argent, quand il faudrait une indemnité en immeubles pour satisfaire les autres copartageants, alors le tribunal pourrait déclarer le partage vicieux et nul (4).

2338. Quand le père de famille a fait, entre ses enfants, plusieurs partages successifs, on ne peut apprécier la lésion faite à l'un d'eux qu'en comparant tous ces actes et en se référant au chiffre total de la masse héréditaire. Supposons un premier partage fait le 11 janvier 1848, un second le 30 novembre 1851, un troisième le 14 décembre 1854; un des enfants se plaint d'avoir été lésé de plus du quart dans le premier partage, et il l'attaque pour le faire rescinder. Evidemment on ne pourra

(1) Toulouse, 5 décembre 1844 (Devill., 45, 2, 247, 248. J. du Palais, 1845, t. XLIV, p. 307).

(2) M. Grenier, no 401. Art. 891 du C. Nap. Grenoble, 25 novembre 1814 (Devill., 7, 2, 447). Cassat., req.. 24 juillet 1828 (Devill., 9, 1, 142. J. du Palais, t. XXII, p. 119). Toulouse, 11 juin 1836 (Devill., 36, 2, 556. J. du Palais, 1837, t. XXV, p. 1424).

(3) Riom, 25 avril 1818 (Devill., 5, 2, 378. J. du Palais, t. XIV, p. 774). Lyon, 22 juin 1825 (Devill., 8, 2, 98. J. du Palais, t. XIX, p. 621). Cassat., req., 6 juillet 1834 (Devill., 35, 1, 58). Cassat., req., 30 juin 1852 (Devill., 52, 1, 735). M. Duranton, t. ÍX, 651, 652. M. Vazeille sur l'art. 1079, n° 6. Contrà, M. Genty, n° 54, p. 324; et l'annotateur de M. Grenier, t. III, p. 222,

n° 319.

(4) Toulouse, 21 août 1833 (Devill., 34, 3, 123).

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