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hoc fait devant notaires; il a choisi la forme minutieuse et périlleuse du testament. Il faut donc juger de sa volonté d'après la forme qu'il a préférée, et non en conver tissant l'acte de son choix en un acte dont il a refusé de se servir, et qui n'est pas compatible avec la nature des testaments. Il a voulu disposer à cause de mort et avec les solennités attachées à ce genre de disposition; comment pourrait-on vouloir changer sa volonté en acte entrevifs? Si dans la convention, un acte notarié qui se trouve souscrit par les parties, vaut cependant comme acte sous seing privé, c'est que l'une et l'autre forme conviennent également à ce qui fait l'objet du contrat; on peut indifféremment contracter par acte public et par acte sous seing privé. Mais il serait contraire à tous les principes de convertir une disposition à cause de mort, qui ne subsiste que par un concours de solennités particulières, en acte notarié proprement dit, parce que cet acte notarié ne peut, dans aucun cas, être propre à revêtir une disposition à cause de mort (1).

Du reste, notre opinion est sanctionnée par l'immense majorité des arrêts (2).

2051. On demande si un acte olographe écrit en entier, daté et signé de la main du testateur, peut révoquer un testament précédent, lorsque cet acte olographe ne contient autre chose qu'une clause de révocation, et que celui qui y a recours n'a fait aucune distribution de son patrimoine.

La raison de douter, c'est que les testaments valables ne peuvent, d'après notre droit, être révoqués par des actes sous seing privé, à moins que ce ne soit par un tes

(1) Voy. suprà, no 1195, 1506.

(2) Poitiers, 29 août 1806 (Devill., 2, 2, 170). Turin, 4 avril 1807 (Devill., 2, 2, 221). Limoges, 8 juillet 1808 (Devill., 2, 2, 412). Limoges, 23 mars 1809 (Devill., 3, 2, 43). Aix, 20 avril 1809 (Devill., 3, 2, 56). Turin, 19 mars 1810 (Devill., 3, 2, 231). Cour de cassat., 4 novembre 1811 (Devill., 3, 1, 418). Cour de cassat., 20 février 1821 (Devill., 6, 1, 383). Toulouse, 12 août 1831 (Devill., 32, 2, 586). Aix, 5 avril 1834. Cour de cassat., 2 mars 1836 (Devill., 36, 1, 174). Bordeaux, 25 août 1832 (Devill., 32, 2, 16).

tament olographe, et qu'il paraît difficile de qualifier testament un acte qui ne contient aucune libéralité à cause de mort.

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Mais la raison de décider est, que l'acte olographe dont il s'agit est un véritable testament, puisqu'il appelle les successeurs ab intestat: Tunc videtur instituere venientes » ab intestato, dit Bartole sur la loi 18, De leg. 3°. C'est aussi ce que dit Voët à peu près dans les mêmes termes (1). A la vérité, l'institution n'est pas formelle quant à l'expression; mais elle l'est quant à l'intention. Il était inutile que le testateur dît qu'il appelait ses successeurs ab intestat, puisque cela avait lieu de plein droit par l'effet de la révocation (2).

2052. Lorsque la déclaration de révocation de testament est faite par acte devant notaires, elle doit contenir les formes des actes notariés; sans cela elle est nulle et ne peut produire d'effet: « Quod nullum est nullum

producit effectum. » C'est par application de ce principe que la jurisprudence a déclaré nul un acte de révocation reçu par un notaire en l'absence de l'autre (3). Cette condition de la présence du notaire en second, est du reste formellement exigée aujourd'hui parla loi du 21 juin 1843, et la question ne saurait désormais être agitée (4).

(1) De rupto, injusto irritove fact. test., no 1. L. 1, § antepen., D., Undè liberi.

(2) Furgole, loc. cit., n° 98, p. 231. Domat, liv. 3, t. I, sect. 5, n° 12, à la note. Grenier, Traité des donat., part. 2, ch. 4, no 342, t. I, p. 597 et 598. Toullier, t. V, n° 633, p. 584. Merlin, Répert. de jurisp., vo Révoc. de codicille, § 4, n° 1, t. XVII, p. 528. MM. Duranton, t. IX, no 431, p. 413 et suiv. Dalloz, Dispos. entre-vifs et testam., ch. 9, sect. 1, art. 1, no 13. Poujol sur l'art. 1035, no 5. Coin-Delisle sur l'art. 1035, n° 7. Cour de Paris, 5 juillet 1813 et sur le pourvoi. Cour de cassat., rej., 17 mai 1814 (Devill., 4, 1, 563). Cour de cassat., rej., 7 juin 1832 (Devill., 32, 1, 542). Colmar, 22 juin 1831 (Devill, 32, 2, 51). Bordeaux, 27 mars 1846 (Devill., 46, 2, 524). Voy. contrà, Delvincourt, no 2, sur la p. 101; t. II, p. 377. Bugnet sur Pothier, Donat. testam., p. 308, no 2.

(3) Toulouse, 28 novembre 1825 et sur le pourvoi. Cassat., rej., 24 avril 1828 (Devill., 9, 1,85). Lyon, 25 février 1836 (Devill., 36, 2,226). Cassat., rej., 7 mai 1839 (S., 39, 1, 353).

(4) Art. 2. « A l'avenir, les actes notariés contenant donations

Il résulte de l'esprit de cette loi qu'un acte notarié révocatoire d'un testament ne pourrait être passé en brevet, ainsi qu'on a essayé de le soutenir, sous l'empire de la loi de ventôse (1): ce serait méconnaître l'importance que la loi de 1845 attache aux formalités des révocations de testament.

2053. Mais que devrait-on décider, si la révocation d'un testament était contenue dans une donation qui n'aurait pas été acceptée?

Cette question se résout par des notions que nous développerons dans notre commentaire de l'article 1038 (2).

2054. Il arrive quelquefois qu'on trouve dans un testament des dispositions qui, si elles étaient contenues dans d'autres actes, seraient irrévocables, comme des reconnaissances de dettes. Or, on s'est demandé si par cela seul qu'elles sont contenues dans un testament, elles sont révocables.

C'est là une question qui a été diversement résolue et que nous allons examiner (3).

2055. Mais d'abord, occupons-nous d'un premier point sur lequel il importe, avant cet examen, d'être bien fixé. Recherchons si l'on peut mêler dans un testament des actes contractuels et par cela même irrévocables. Plusieurs interprètes et la glose de Godefroy sur la loi 2, § dernier au Digeste, Qui testamenta facere possunt, veulent qu'on puisse mêler des contrats dans un testament, et que ces dispositions non-seulement n'annulent pas le testament, mais encore qu'elles soient irrévocables (4).

entre-vifs, donations entre époux pendant le mariage, révocation de donation ou de testament, reconnaissance d'enfants naturels et les procurations pour consentir ces divers actes, seront, à peine de nullité, reçus conjointement par deux notaires, ou par un notaire en présence de deux témoins. La présence du notaire en second ou des deux témoins n'est requise qu'au moment de la lecture des actes par le notaire et de la signature par les parties; elle sera mentionnée à peine de nullité. »

(1) M. Coin-Delisle sur l'art. 1035, no 4.
(2) No 2091 et suiv

(3) Suprà, n° 728 et n° 1973.

(4) Mantica s'exprime ainsi, en citant Baldus: ... Et Baldus

D'autres, comme Julius Clarus (1), distinguent les contrats qui sont absolument étrangers au testament, d'avec ceux qui n'y sont pas étrangers. Il semble que les premiers ne peuvent pas être faits dans un testament, mais que les seconds peuvent y trouver place.

D'autres, enfin, tiennent indistinctement qu'on ne peut mêler dans un testament des dispositions irrévocables (2). Suivant les principes du droit romain, si rigoureux sur les priviléges des testaments et sur leurs solennités exceptionnelles, il n'y a pas de doute que ce dernier sentiment ne soit le meilleur. La raison en est que le testament doit être fait uno contextu, par conséquent sans mélange de contrats; le contrat est d'un ordre tout différent, et il ne peut être associé à cette loi suprême que déclare solennellement le testateur dans sa liberté et souveraineté. C'est pourquoi Ulpien disait: Verba contraxerunt, gesserunt, non pertinent ad jus testandi (3).

Mais ceci n'était pas un obstacle, suivant Voët (4), à ce que le testateur insérât dans son testament une reconnaissance de dette ou autres actes analogues qui ne sont pas synallagmatiques et dépendent de la seule déclaration du disposant (5).

» (in l. fin., De reb. eorum qui sub tulel. sunt) præcisè adnotavit, » si testator in testamento facit contractus, irrito facto testamento non » proptereà irritos fieri contractus. » Mantica avait dit auparavant : « Quoniam contractus non videtur ex testamento pendere, sed suis » viribus subsistere, neque indiget auxilio testamenti ut valoat. » (T. XV, no 10.) Voy. encore d'autres passages du même ouvrage de Mantica, lib. 3, t. XVIII, n° 11 et 12, et lib. 8, t. I, no 36. (1) § Testam., quæst. 75.

(2) Furgole (loc. cit., ch. 11, no 48), cite Viglius sur le § Sed cum paulatim, Instit., De testam. ordin., v° Uno contextu. On peut ajouter Voet sur le tit. Qui test. facere possunt, no 4.

(3) Ulpien, L. 20, D., De verb. signif.

(4) Quit est. facere poss., no 4. Junge Marcellus, 1.20,D., De donat. (5) Nec huic repugnat, ajoute Voet, quod pignus testamento constitui possit, necnon depositi confessio rectè testamento fiat. (Ulpien, 1. 26, De pignor. action. Scævola, 1. 37, § 5, De legai., 5°).

Sciendum enim, neque pignus, quod testator creditori suo con»stituit in crediti securitatem, contractum esse; cum ex solius tes» tatoris voluntate etiam ignoranti creditori nascatur; neque..... depositi confessionem esse actum à testamento alienum, sed itidem fieri solo testatoris arbitrio, quod ad vitæ finem mutabile est. »

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Il nous paraît difficile de répondre à ces raisons, et nous ne comprenons pas comment Ricard peut se dire l'avocat des principes, en enseignant une doctrine contraire (1).

Mais la question est moins susceptible de controverse aujourd'hui; car l'obligation de rédiger le testament sans divertir à d'autres actes n'est imposée que pour l'acte de suscription du testament mystique (2). Dans le testament olographe (3), et le testament nuncupatif (4) devant notaires, elle n'est pas requise. Il semble donc que rien ne s'oppose à ce qu'un contrat tel qu'un dépôt, un mandat, ou même une donation entre-vifs ne se trouve mêlé à un testament et qu'un tiers ne puisse y intervenir pour rendre ces actes parfaits par son acceptation. C'est ce que nous avons vu ci-dessus (5).

Il faut même ajouter, en ce qui concerne la donation, que si l'acte était nul comme testament, mais qu'il fût revêtu des formalités constitutives d'un acte public, il vaudrait comme donation: utile non vitiatur per inutile; parce qu'encore une fois la donation, étant tout à fait distincte du testament et devant en être séparée, aurait toujours les solennités extérieures des actes notariés, s'il lui manquait cette surabondance de précautions prises pour les testaments. C'est ainsi que chez les Romains un testament in scriptis, nul comme tel, valait comme nuncupatif, si la solennité de la nuncupation y avait été observée (6). C'est ainsi que, sous le Code Napoléon, un testament mystique, nul comme tel, peut valoir comme olographe s'il est en entier écrit, daté et signé de la main du testateur (7). Ceci n'est pas contraire à ce que nous avons dit ci-dessus, que la clause de révo

(1) Part. 3, no. 107 et suiv.

(2) Suprà, no 1651.

(3) No 1471.

(4) No 1507.

(5) Voy. ce que nous avons dit ci-dessus sur le dépôt mêlé à une donation manuelle, n° 1052.

(6) Suprà, n° 1654.

(7) N° 1654.

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