Page images
PDF
EPUB

qui ont retrogradé, ce n'est qu'une absurdité. Le général a avoué lui-même les efforts qu'il a faits pour contenir une imprudente jeunesse.

On nous dit encore que nous devions empêcher les assemblées tenues aux Cordeliers; le pouvions-nous d'après les décrets qui permettent aux citoyens actifs de se rassembler pour dresser des pétitions, des adresses aux corps administratifs, au roi, à la législature, pourvu qu'ils en donnent avis à la municipalité? Etoit-ce à nous d'interpréter, d'annuller des loix aussi claires aussi précises? Nous n'avons pu le croire : nous ne pouvons être coupables pour ne l'avoir ne l'avoir pas fait. Le procureur-syndic a annoncé ensuite qu'il passoit à la discussion du projet de décret proposé par le comité des rapports. A ces mots plusieurs membres l'ont interrompu, en disant qu'il n'en avoit pas le droit. M. Duval a soutenu lecontraire; & voyant M. de Menou, qui présidoit, prêt à consulter l'assemblée, il a demandé la parole à ce sujet. Alors ceux qui avoient fait & soutenu la motion craignant les longueurs, ont mieux aimé céder; & l'orateur a continué ainsi : la premiere partie du projet de décret tend à faire faire une nouvelle information. Peut-on vous proposer ainsi d'annuller une procédure précieuse qui contient déjà toutes les preuves, une procédure faite en vertu de tous les pouvoirs conforme à la loi & aux ordres du roi ? Les juges, par devant qui elle se fait, n'ont aucune raison d'être suspects tandis 2 que les municipaux de Toulouse se sont concertés avec la ville de Bordeaux, & ont offert de joindre leurs forces militaires aux siennes dans l'ex

[ocr errors]

pédition dirigée contre Montauban. Verra-t-on à côté d'un décret qui abolit les commissions un autre décret qui en commet une nouvelle. Une seconde disposition nous suspend provisoirement de nos fonctions, & charge le directoire du département du Lot de nommer à notre place. Si c'étoit là le fruit de nos soins, ce seroit du moins aux notables formant le conseil général de la commune, à nous remplacer, aux termes du décret constitutionel touchant les municipalités.

Une derniere considération que nous devons vous offrir, c'est l'effet que feroit un pareil décret sur le peuple de Montauban dont nous sommes le choix, dont nous avons la confiance.

Il est un moyen bien plus propre à ramener la paix la garde nationale de Montauban a invité ses membres séparés à se réunir à elle. Qu'ils se rendent aux vœux de leurs camarades, & tout est en paix. Nous ne demandons pas que vous sévissiez contre les coupables, mais que vous nous reconnoissiez innocens : & tous nos vœux sont remplis.

L'ancienne garde nationale a eu son tour: Un de ses députés présens a parlé pour l'ancienne garde nationale.. Il a exposé les faits avec l'assurance & la sécurité de l'innocence. Si les preuves légales viennent à l'appui de la dénoncia tion de la garde nationale, si tous les forfaits sont prouvés, je ne sais à quel supplice on pourra dévouer la municipalité de Montauban. Mais les méchans qui ont intérêt à l'être, qui le sont de sang-froid, avec la maturité de la prévoyance, souvent s'enveloppent du voile de l'innocence.

Il paroîtroit, si l'on n'étoit pas obligé, même malgré l'opinion publique, de regarder & d'envisager cette affaire avec l'oeil stoïque de la loi, que la municipalité de Montauban a été le mobile & le foyer de tous les volcans, qu'elle est la cause de l'effusion du sang humain qui a souillé cette mlheureuse terre.

Cette municipalité à peine formée, elle a établi une garde nationale à sa guise. Le commandant de la garde nationale avoit les clefs de l'arsenal: elle les lui a fait rendre, elle a favorisé les émeutes populaires, donné les mains à des assemblées dont elle prévoyoit les suites funestes, a affecté de faire la visite dans les couvens, un jour où elle savoit le peuple rassemblé en grand nombre aux portes des églises & des couvens. Au lieu de requérir la force publique armée, elle a négligé de le faire; à la funeste journée du 10 mai, jour marqué pour renouveller les horreurs de la Saint-Barthelemi, les gardes nationales investies, assaillies par la populace, qui après avoir dépavé la rue, a brisé les portes & fait feu sur les раtriotes; le refus des municipaux d'agréer les services des cavaliers de maréchaussée qui se faisoient fort de dissiper cette émeute; leur négligence à requérir le régiment de Languedoc plus que cela encore, la délivrance des armes & des munitions à la populace, leur indifférence à tout l'appareil d'une guerre civile, à la proclamation de la loi martiale, qui dans leurs mains a été comme nulle, puisqu'on n'a déployé le drapeau rouge que trois grandes heures après les com mencemens horribles du' massacre; leurs efforts

pour appeler à leur secours les gardes nationales circonvoisines contre les patriotes bordelois qui, animés par les sentimens de la plus pure fraternité, n'alloient à Montauban que pour empêcher des crimes & des forfaits, & soutenir la vertu opprimée; la fabrication subite & soudaine de lances & de piques mises entre les mains d'une foule de gens sans aveu; l'affectation de publier que tout étoit calme dans cette malheureuse cité, lorsqu'une quantité prodigieuse de peres de famille n'osoient rentrer dans leurs foyers tout cela annonce la trame la plus noire le sang-froid le plus exercé à faire le mal & à mettre en combustion, autant qu'il étoit en eux, la France entiere. Il paroîtroit que si les François n'ont pas tiré l'acier parricide les uns contrè les autres, c'est qu'on n'a trouvé des officiers municipaux capables de ces horreurs, que dans la malheureuse cité de Montauban, & que celles des municipalités méridionales, dont on a si justement à se plaindre, n'ont pas imité celle de Montauban, que parce qu'elles n'ont pu fasciner les yeux du peuple.

[ocr errors]

Au reste tout dépend des informations qui seront faites en vertu du décret; la municipalité très-indulgente & très-fraternelle de Montauban ne demande point la poursuite des coupables. De-là on auroit lieu de croire qu'elle craint. L'ancienne garde nationale offre, au contaire de se constituer prisonnier jusqu'à la decision du procès. Concluez, lecteur, ce que bon vous emblera.

M. Malouet a demandé, au moment de la retraite des parties, que la municipalité fût interro

gée sur les faits inculpatifs de ses adversaires. M. Charles de Lameth a requis la question préalable sur cette motion; il a justifié les différentes dispositions du décret proposé par le comité, & notamment celle relative à l'annullation de la procédure tenue au présidial de Montauban, sur la poursuite de la municipalité. Il a soutenu que toute cette procédure étoit évidemment préparée pour incriminer les patriotes, & qu'on n'avoit entendu pour témoins que leurs assassins, ou leurs ennemis déclarés.

M. Cazalès a demandé l'apport des charges & informations faites à Montauban, & que le jugement de cette affaire fût différé jusqu'à ce que l'opinion publique & les passions qu'elle a mises en jeu fussent calmées; il a invoqué ce principe, comme fondé sur un sentiment d'humanité & de prudence digne d'un corps législatif; enfin il a terminé par un fait arrivé à M. Faydel.

Je ne dirai que deux mots de la vision de co héros, qui probablement se rappelle encore les contes de sa nourrice. L'assemblée s'étoit.retirée; il restoit seul à 10 heures & demie. Il voit huit personnes à la barriere, elles chuchottent à l'oreille. I imagine que c'est un complot pour lui enlever les pieces justificatives de la municipalité. Cependant ce nouveau dom Quichotte s'achemine, & sa contenance fiere empêche les conspirateurs de l'attaquer; il parvient fort avant dans l'avenue, il rencontre un autre député & un grenadier de la garde nationale, il leur fait part du complot. Le grenadier le rassure, se charge des pieces les conjurés, après avoir fait les mêmes évolutions que ces trois messieurs, déses

:

pérés

« PreviousContinue »