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DES

RÉVOLUTIONS D'HAÏTI

INTRODUCTION

I

On sait qu'au centre de l'archipel des Antilles, entre Cuba ou la Havane, Porto-Rico et la Jamaïque, s'élève une grande île qui fut découverte à la fin du quinzième siècle par Christophe Colomb; que ce hardi navigateur et ses compagnons l'avaient nommée Hispaniola, en mémoire de leur patrie, et que, dans la suite, on lui donna, par habitude, le nom de sa capitale : SaintDomingue ou Santo-Domingo.

Le territoire de cette île était divisé en deux colonies, dont l'une appartenait à la France et

l'autre à l'Espagne, et on les distinguait vulgairement sous cette double désignation la partie française et la partie espagnole de SaintDomingue.

Aujourd'hui cette île n'appartient plus à la France ni à l'Espagne; ses possesseurs actuels, nègres et mulâtres, lui ont restitué son vrai nom, celui que les Indiens, ses premiers habibitants, lui avaient donné: HAÏTI.

Réunies en 1823 sous les mêmes lois, ces deux parties formèrent un seul Etat, la république d'Haïti, sous la présidence du général Boyer. Mais en 1843, au milieu des troubles de la révolution qui a renversé ce chef, une nouvelle séparation s'est violemment opérée : l'ancienne partie française est restée la république d'Haïti, et l'ancienne partie espagnole a formé un second État : la république Dominicaine.

Aucune démarcation naturelle ne divise la partie française de la partie espagnole; la séparation s'expliquait par la dualité des métropoles, la différence des nationalités et la rivalité des anciens maîtres. Mais aujourd'hui la commune origine des possesseurs n'est-elle pas à elle seule un motif suffisant pour faire cesser cette division, que repousse la configuration géographique de l'île, et qui est aussi impolitique que nuisible à la prospérité des deux jeunes républiques?

Cette division anomale n'est qu'un triste souvenir de cet abominable régime dont les Haïtiens devraient s'attacher à effacer les derniers vestiges. Leur indépendance n'a certainement plus rien à redouter de la France ni de l'Espagne : ces deux puissances l'ont solennellement reconnue; mais, non loin des rivages de leur île, il existe des voisins cupides et envahisseurs, dont l'or corrupteur est plus à craindre peut-être que la force de leurs armes. Ces dangereux voisins ont remplacé la conquête par l'annexion: ce moyen nouveau, pour être moins violent, n'est pas moins absorbant que la conquête... Et ces voisins sont des possesseurs d'esclaves!...

Les divisions intestines ont toujours été la cause des plus grands malheurs et de la ruine des peuples. C'est dans l'union et la concorde que les faibles trouvent la force nécessaire pour résister à leurs ennemis.

Si les colons français n'avaient pas été désunis par des dissensions civiles, la France n'aurait peut-être pas perdu sa plus belle colonie; si les hommes de couleur et les noirs ne s'étaient pas unis entre eux, ils n'auraient point conquis la liberté et l'indépendance.

Les événements que nous allons raconter offriront la preuve de ces vérités. Que les Haïtiens mettent donc à profit les enseignements qui en

ressortent où en trouveraient-ils de meilleurs? c'est leur histoire.

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En 1789 la partie française de Saint-Domingue était, de toutes les colonies de la France, la plus riche et la plus florissante : c'était la reine des Antilles.

Son territoire, d'une surface d'environ 2,000 lieues carrées, était divisé en trois provinces: celle du Nord, celle du Centre ou de l'Ouest, et celle du Sud.

La province du Nord, de 480 lieues carrées, avait pour chef-lieu la ville du Cap. C'était la plus petite et la plus riche des trois; elle comprenait vingt-six paroisses réparties en trois sénéchaussées..

Celle du Centre ou de l'Ouest, de 826 lieues carrées, ayant pour chef-lieu le Port au Prince, comprenait six paroisses, distribuées en quatre sénéchaussées.

Et celle du Sud, de 700 lieues carrées, cheflieu la ville des Cayes, comprenait seulement onze paroisses, ressortissant à trois sénéchaussées.

1. Celle de la partie espagnole est de 3,200 lieues carrées.

Ces sénéchaussées avaient leurs siéges : Dans le Nord: au Fort Dauphin, au cap Français et au Port de Paix.

Dans l'Ouest au Port au Prince, à SaintMarc, au Petit-Goâve et à Jérémie.

Et dans le Sud: aux Cayes, à Saint-Louis et à Jacmel.

Ces trois provinces forment environ les deux cinquièmes de l'île; le surplus comprenait la partie espagnole (3,200 lieues carrées).

De l'île d'Haïti dépendent plusieurs petites îles environnantes, telles que la Tortue, la plus importante de toutes, la Gonâve, la Béate, celles de la Saône, de Sainte-Catherine, d'Alta-Vela, l'île à Vaches, les Caymites.

Dans la langue des premiers insulaires, Haïti signifie terre montagneuse; et effectivement elle est traversée dans tous les sens par des chaînes de montagnes, dont les principales sont le Cibao, la Selle, la Bahoruco et la Hotte. Presque toutes ces montagnes sont couvertes d'une végétation splendide, et entre elles s'étendent des vallées et des plaines d'une fertilité extraordinaire. La Yuna, le Grand-Yague, l'Artibonite, la Neyba et l'Ozama sont autant de fleuves dont les eaux fécondantes entretiennent sans cesse cette fertilité, dont les terres de l'Europe n'offrent aucun exemple.

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