Page images
PDF
EPUB

et le baron de Besenval avait reçu le commandement particulier de celles qui environnaient Paris. Quinze régimens, la plupart étrangers, étaient aux environs de la capitale. La jactance des courtisans révélait le danger, et ces conspirateurs, trop prompts à menacer, compromettaient ainsi leurs projets. Les députés populaires, instruits, non pas de tous les détails d'un plan qui n'était pas connu encore en entier, et que le roi lui-même n'a connu qu'en partie, mais qui certainement faisait craindre l'emploi de la violence, les députés populaires étaient irrités et songeaient aux moyens de résistance. On ignore et on ignorera probablement toujours quelle a été la part des moyens secrets dans l'insurrection du 14 juillet; mais peu importe. L'aristocratie conspirait, le parti populaire pouvait bien conspirer aussi. Les moyens employés étant les mêmes, reste la justice de la cause, et la justice n'était pas pour ceux qui voulaient revenir sur la réunion des trois ordres, dissoudre la représentation nationale, et sévir contre ses plus courageux députés.

Mirabeau pensa que le plus sûr moyen d'intimider le pouvoir, c'était de le réduire à discuter publiquement les mesures qu'on lui voyait prendre. Il fallait pour cela les dénoncer ouvertement. S'il hésitait à répondre, s'il éludait, il était jugé ; la nation était avertie et soulevée.

Mirabeau fait suspendre les travaux de la constitution, et propose de demander au roi le renvoi des troupes. Il mêle dans ses paroles le respect pour le monarque aux reproches les plus sévères pour le gouvernement. Il dit que tous les jours des troupes nouvelles s'avancent; que tous les passages sont interceptés; que les ponts, les promenades sont changés en postes militaires; que des faits publics et cachés, des ordres et des contre-ordres précipités frappent tous les yeux et annoncent la guerre. Ajoutant à ces faits des reproches amers: << On montre, dit-il, plus de soldats menaçans à la nation qu'une invasion de l'ennemi n'en rencontrerait peut-être, et mille fois plus du moins qu'on n'en a pu réunir pour secourir des amis. martyrs de leur fidélité, et surtout pour conserver cette alliance des Hollandais, si précieuse, si chèrement conquise, et si honteusement perdue. >>

Son discours est aussitôt couvert d'applaudissemens, l'adresse qu'il propose est adoptée. Seulement, comme en invoquant le renvoi des troupes il avait demandé qu'on les remplaçât par des gardes bourgeoises, cet article est supprimé; l'adresse est votée à l'unanimité moins quatre voix. Dans cette adresse, demeurée célèbre, qu'il n'a, dit-on, point écrite, mais dont il avait fourni toutes les idées à un de ses amis, Mirabeau prévoyait presque tout ce qui allait arriver : l'explosion de la multitude

et la défection des troupes par leur rapprochement avec les citoyens. Aussi adroit qu'audacieux, il osait assurer au roi que ses promesses ne seraient point vaines : << Vous nous avez appelés, lui disait-il, pour régénérer le royaume; vos vœux seront accomplis, malgré les piéges, les difficultés, les périls.... etc. >>

L'adresse fut présentée par une députation de vingt-quatre membres. Le roi, ne voulant pas s'expliquer, répondit que ce rassemblement de troupes n'avait d'autre objet que le maintien de la tranquillité publique, et la protection due à l'assemblée; qu'au surplus, si celle-ci avait encore des craintes, il la transférerait à Soissons ou à Noyon, et que lui-même se rendrait à Compiègne.

L'assemblée ne pouvait se contenter d'une pareille réponse, surtout de l'offre de l'éloigner de la capitale pour la placer entre deux camps. Le comte de Crillon proposa de s'en fier à la parole d'un roi honnête homme. « La parole d'un roi honnête homme, reprit Mirabeau, est un mauvais garant de la conduite de son ministère; notre confiance aveugle dans nos rois nous a perdus; nous avons demandé la retraite des troupes et non à fuir devant elles; il faut insister encore, et sans relâche. >>

Cette opinion ne fut point appuyée. Mirabeau insistait assez sur les moyens ouverts, pour qu'on

lui pardonnât les machinations secrètes, s'il est vrai qu'elles aient été employées.

C'était le 11 juillet; Necker avait dit plusieurs fois au roi que si ses services lui déplaisaient, il se retirerait avec soumission. « Je prends votre parole,» avait répondu le roi. Le 11 au soir, Necker reçut un billet où Louis XVI le sommait de tenir sa parole, le pressait de partir, et ajoutait qu'il comptait assez sur lui pour espérer qu'il cacherait son départ à tout le monde. Necker, justifiant alors l'honorable confiance du monarque, part sans en avertir sa société, ni même sa fille, et se trouve en quelques heures fort loin de Versailles. Le lendemain 12 juillet était un dimanche. Le bruit se répandit à Paris que Necker avait été renvoyé, ainsi que MM. de Montmorin, de La Luzerne, de Puységur et de Saint-Priest. On annonçait, pour les remplacer, MM. de Breteuil, de la Vauguyon, de Broglie, Foulon et Damécourt, presque tous connus par leur opposition à la cause populaire. L'alarme se répand dans Paris. On se rend au Palais-Royal. Un jeune homme, connu depuis par son exaltation républicaine, né avec une ame tendre, mais bouillante, Camille Desmoulins, monte sur une table, montre des pistolets en criant aux armes, arrache une feuille d'arbre dont il fait une cocarde, et engage tout le monde à l'imiter.

[graphic][merged small]
« PreviousContinue »