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évêques et quelques curés prêtèrent le serment. Le plus grand nombre résista avec une feinte modération et un attachement apparent à ses principes. L'assemblée n'en persista pas moins dans la nomination des nouveaux évêques et curés, et fut parfaitement secondée par les administrations. Les anciens fonctionnaires ecclésiastiques eurent la liberté d'exercer leur culte à part, et ceux qui étaient reconnus par l'état prirent place dans les églises. Les dissidens louèrent à Paris l'église des Théatins pour s'y livrer à leurs exercices. L'assemblée le permit, et la garde nationale les protégea autant qu'elle put contre la fureur du peuple, qui ne leur laissa pas toujours exercer en repos leur ministère particulier.

On a condamné l'assemblée d'avoir occasionnéce schisme, et d'avoir ajouté une cause nouvelle de division à celles qui existaient déjà. D'abord, quant à ses droits, il est évident à tout esprit juste que l'assemblée ne les excédait pas en s'occupant du temporel de l'Église. Quant aux considérations de prudence, on peut dire qu'elle ajoutait peu aux difficultés de sa position. Et en effet, la cour, la noblesse et le clergé, avaient assez perdu, le peuple assez acquis, pour être des ennemis irréconciliables, et pour que la révolution eût son issue inévitable, même sans les effets du nouveau schisme. D'ailleurs, quand on détruisait tous les abus, l'as

semblée pouvait-elle souffrir ceux de l'ancienne organisation ecclésiastique? Pouvait-elle souffrir que des oisifs vécussent dans l'abondance, tandis que les pasteurs, seuls utiles, avaient à peine le

nécessaire?

CHAPITRE VI.

PROGRÈS DE L'ÉMIGRATION. LE PEUPLE SOULEVÉ ATTAQUE LE Donjon de
VINCENNES.- CONSPIRATION DES Chevaliers du Poignard.— DISCUSSION
SUR LA LOI CONTRE LES ÉMIGRÉS. MORT DE MIRABEAU. INTRIGUES
CONTRE-RÉVOLUTIONNAIRES. FUITE DU ROI ET DE SA FAMILLE; IL EST
ARRÊTÉ A VARENNES ET RAMENÉ A PARIS.
ÉTRANGÈRES; PRÉPARATIFS DES ÉMIGRÉS.

DISFOSITION DES PUISSANCES

- DÉCLARATIONS DE PILNITZ.

-PROCLAMATION DE LA LOI MARTIALE AU CHAMP-DE-MARS. LE ROI

ACCEPTE LA CONSTITUTION.

--

CLÔTURE DE L'ASSEMBLÉE CONSTITUANTE.

La longue et dernière lutte entre le parti national et l'ordre privilégié du clergé, dont nous venons de raconter les principales circonstances, acheva de tout diviser. Tandis que le clergé travaillait les provinces de l'Ouest et du Midi, les réfugiés de Turin faisaient diverses tentatives, que leur faiblesse et leur anarchie rendaient inutiles. Une conspiration fut tentée à Lyon. On y annonçait l'arrivée des princes, et une abondante distribution de grâces; on promettait même à cette ville de devenir capitale du royaume, à la place de Paris, qui avait démérité de la cour. Le roi était averti de ces me

nées, et n'en prévoyant pas le succès, ne le désirant peut-être pas, car il désespérait de gouverner l'aristocratie victorieuse, il fit tout ce qu'il put pour l'empêcher. Cette conspiration fut découverte à la fin de 1790, et ses principaux agens livrés aux tribunaux. Ce dernier revers décida l'émigration à se transporter de Turin à Coblentz, où elle s'établit dans le territoire de l'électeur de Trèves, et aux dépens de son autorité, qu'elle envahit tout entière. On a déjà vu que les membres de cette noblesse échappée de France étaient divisés en deux partis : les uns, vieux serviteurs, nourris de faveurs, et composant ce qu'on appelait la cour, ne voulaient pas, en s'appuyant sur la noblesse de province, entrer en partage d'influence avec elle, et pour cela ils n'entendaient recourir qu'à l'étranger; les autres, comptant davantage sur leur épée, voulaient soulever les provinces du Midi, en y réveillant le fanatisme. Les premiers l'emportèrent, et on se rendit à Coblentz, sur la frontière du Nord, pour y attendre les puissances. En vain ceux qui voulaient combattre dans le Midi insistèrent-ils pour qu'on s'aidât du Piémont, de la Suisse et de l'Espagne, alliés fidèles et désintéressés, et pour qu'on laissât dans leur voisinage un chef considérable. L'aristocratie que dirigeait Calonne ne le voulut pas. Cette aristocratie n'avait pas changé en quittant la France : frivole, hautaine, incapable, et prodigue à Coblentz

comme à Versailles, elle fit encore mieux éclater ses vices au milieu des difficultés de l'exil ét de la guerre civile. Il faut dubourgeois dans votre brevet, disait-elle à ces hommes intrépides qui offraient de se battre dans le Midi, et qui demandaient sous quel titre ils serviraient 1. On ne laissa à Turin que des agens subalternes, qui, jaloux les uns des autres, se desservaient réciproquement, et empêchaient toute tentative de réussir. Le prince de Condé, qui semblait avoir conservé toute l'énergie de sa branche, n'était point en faveur auprès d'une partie de la noblesse ; il se placa près du Rhin, avec tous ceux qui, comme lui, ne voulaient pas intriguer,

mais se battre.

L'émigration devenait chaque jour plus considérable, et les routes étaient couvertes d'une noblesse qui semblait remplir un devoir sacré en courant prendre les armes contre sa patrie. Des femmes même croyaient devoir attester leur horreur contre la révolution, en abandonnant le sol de la France. Chez une nation où tout se fait par entraînement, on émigrait par vogue; on faisait à peine des adieux, tant on croyait que le voyage serait court et le retour prochain. Les révolutionnaires de Hollande, trahis parleur général, abandonnés par leurs alliés, avaient cédé en quelques jours; ceux de Brabant

I, Voyez la note 21 à la fin du volume.

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