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ration subite, ferme la discussion, et décrète que les réunions électorales ne s'occuperont point de l'élection des nouveaux députés.

Ainsi ce nouveau moyen fut encore inutile, et l'assemblée put continuer ses travaux. Mais les troubles n'en continuèrent pas moins par toute la France. Le commandant De Voisin fut massacré par le peuple; les forts de Marseille furent envahis par la garde nationale. Des mouvemens en sens contraires eurent lieu à Nîmes et à Montauban. Les envoyés de Turin avaient excité les catholiques; ils avaient fait des adresses, dans lesquelles ils déclaraient la monarchie en danger, et demandaient que la religion catholique fût déclarée religion de l'état. Une proclamation royale avait en vain répondu; ils avaient répliqué. Les protestans en étaient venus aux prises avec les catholiques; et ces derniers, attendant vainement les secours promis par Turin, avaient été enfin repoussés. Diverses gardes nationales s'étaient mises en mouvement, pour secourir les patriotes contre les révoltés; la lutte s'était ainsi engagée, et le vicomte de Mirabeau, adversaire déclaré de son illustre frère, annonçant lui-même la guerre civile du haut de la tribune, sembla, par son mouvement, son geste, ses paroles, la jeter dans l'assemblée.

Ainsi, tandis que la partie la plus modérée des députés tâchait d'apaiser l'ardeur révolutionnaire,

une opposition indiscrète excitait une fièvre que le repos aurait pu calmer, et fournissait des prétextes aux orateurs populaires les plus violens. Les clubs en devenaient plus exagérés. Celui des Jacobins, issu du club breton, et d'abord établi à Versailles, puis à Paris, l'emportait sur les autres par le nombre, les talens et la violence 1. Ses séances étaient suivies comme celles de l'assemblée ellemême. Il devançait toutes les questions que celleci devait traiter, et émettait des décisions, qui étaient déjà une prévention pour les législateurs eux-mêmes. Là se réunissaient les principaux députés populaires, et les plus obstinés y trouvaient des forces et des excitations. Lafayette, pour combattre cette terrible influence, s'était concerté avec Bailly et les hommes les plus éclairés, et avait formé un autre club, dit de 89, et plus tard des Feuillans 2. Mais le moyen était impuissant; une réunion de cent hommes calmes et instruits ne pouvait appeler la foule comme le club des Jacobins, où on se livrait à toute la véhémence des passions populaires. Fermer les clubs eût été le seul moyen, mais la cour avait trop peu de franchise et inspirait trop

1. Ce club, dit des Amis de la Constitution, fut transféré à Paris en octobre 1789, et fut connu alors sous le nom de club des Jacobins, parce qu'il se réunissait dans une salle du couvent des Jacobins, rue SaintHonoré.

2. Formé le 12 mai.

de défiance, pour que le parti populaire songeât à employer une ressource pareille. Les Lameth dominaient au club des Jacobins. Mirabeau se montrait également dans l'un et dans l'autre: il était évident à tous les yeux que sa place était entre tous les partis. Une occasion se présenta bientôt où son rôle fut encore mieux prononcé, et où il remporta pour la monarchie un avantage mémorable, comme nous le verrons ci-après.

CHAPITRE V.

ÉTAT POLITIQUE ET DISPOSITIONS des puissances ÉTRANGÈRES EN 1790.

PREMIÈRE

DISCUSSION SUR LE DROIT DE LA PAIX ET DE LA GUERRE.
INSTITUTION DU PAPIER-MONNAIE OU DES ASSIGNATS:-ORGANISATION JU-
DICIAIRE. CONSTITUTION CIVILE DU CLERGÉ.

ABOLITION DES TITRES

DE NOBLESSE.---ANNIVERSAIRE DU 14 JUILLET,—— FÊTE DE LA PREMIÈRE FÉDÉRATION.-révolte DES TROUPES A NANCY.--RETRAITE DE Necker. PROJETS DE LA COUR ET DE MIRABEAU. — FORMATION DU CAMP de

JALÈS.

SERMENT CIVIQUE IMPOSÉ AUX ECCLÉSIASTIQUES.

A L'ÉPOQUE Où nous sommes arrivés, la révolution française commençait d'attirer les regards des souverains étrangers; son langage était si élevé, si ferme; il avait un caractère de généralité qui semblait si bien le rendre propre à plus d'un peuple, que les princes étrangers durent s'en effrayer. On avait pu croire jusque-là à une agitation passagère, mais les succès de l'assemblée, sa fermeté, sa constance inattendue, et surtout l'avenir qu'elle se proposait et qu'elle proposait à toutes les nations, durent lui attirer plus de considération et de haine, et lui

mériter l'honneur d'occuper les cabinets. L'Europe alors était divisée en deux grandes ligues ennemies: la ligue anglo-prussienne d'une part, et les cours impériales de l'autre.

Frédéric-Guillaume avait succédé au grand Frédéric sur le trône de la Prusse. Ce prince mobile et faible, renonçant à la politique de son illustre prédécesseur, avait abandonné l'alliance de la France pour celle de l'Angleterre. Uni à cette puissance, il avait formé cette fameuse ligue anglo-prussienne, qui tenta de si grandes choses et n'en exécuta aucune; qui souleva la Suède, la Pologne, la Porte, contre la Russie et l'Autriche, abandonna tous ceux qu'elle avait soulevés, et contribua même à les dépouiller, en partageant la Pologne.

Le projet de l'Angleterre et de la Prusse réunies avait été de ruiner la Russie et l'Autriche, en suscitant contre elles la Suède où régnait le chevaleresque Gustave, la Pologne gémissant d'un premier partage, et la Porte courroucée des invasions russes. L'intention particulière de l'Angleterre, dans cette ligue, était de se venger des secours fournis aux colonies américaines par la France, sans lui déclarer la guerre. Elle en avait trouvé le moyen en mettant aux prises les Turcs et les Russes. La France ne pouvait demeurer neutre entre ces deux peuples sans s'aliéner les Turcs, qui comptaient sur elle, et sans perdre ainsi sa domination commerciale dans

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