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mer, vous, votre honneur, vos fortunes, et vous délibérez ! »

A ces mots, l'assemblée transportée se lève en poussant des cris d'enthousiasme. Un député veut répondre; il s'avance, mais, effrayé de sa tâche, il demeure immobile et sans voix. Alors l'assemblée déclare que, ouï le rapport du comité, elle adopte de confiance le plan du ministre des finances. C'était là un bonheur d'éloquence; mais il ne pouvait arriver qu'à celui qui avait tout à la fois la raison et les passions de Mirabeau.

1. Séances des 22 au 24 septembre.

CHAPITRE IV.

INTRIGUES DE LA COUR.-REPAS DES GARDES DU CORPS ET DES OFFICIERS DU

RÉGIMENT De flandre a VERSAILLES.- JOURNÉES DES 4, 5 ET 6 OCTOBRE, SCÈNES TUMULTUEUSES ET SANGLANTES. ATTAQUE DU CHATEAU DE

VERSAILLES PAR LA MULTITUDE. LE ROI VIENT DEMEURER A PARIS.

ÉTAT DES PARTIS. - LE DUG D'ORLÉANS QUITTE LA FRANCE. NÉGO

CIATION DE MIRABEAU AVEC LA COUR.
PARIS. LOI SUR LES BIENS DU CLERGÉ.

L'ASSEMBLÉE SE TRANSPORTE A

SERMENT CIVIQUE.— TRAITÉ

DE MIRABEAU AVEC LA COUR.

BOUILLÉ.

-AFFAIRE FAVRAS.- PLANS

CONTRE-RÉVOLUTIONNAIRES.-CLUBS DES JACOBINS ET DES FEUILLANS.

TANDIS que l'assemblée portait ainsi les mains sur toutes les parties de l'édifice, de grands événemens se préparaient. Par la réunion des ordres, la nation avait recouvré la toute-puissance législative et constituante. Par le 14 juillet, elle s'était armée pour soutenir ses représentans. Ainsi le roi et l'aristocratie restaient isolés et désarmés, n'ayant plus pour eux que le sentiment de leurs droits, que personne ne partageait, et placés en présence d'une nation prête à tout concevoir et à tout exécuter. La cour cependant, retirée dans une petite

ville uniquement peuplée de ses serviteurs, était en quelque sorte hors de l'influence populaire, et pouvait même tenter un coup de main sur l'assemblée. Il était naturel que Paris, situé à quelques lieues de Versailles, Paris, capitale du royaume et séjour d'une immense multitude, tendît à ramener le roi dans son sein, pour le soustraire à toute influence aristocratique, et pour recouvrer les avantages que la présence de la cour et du gouvernement procure à une ville. Après avoir réduit l'autorité du roi, il ne restait plus qu'à s'assurer de sa personne. Ainsi le voulait le cours des événemens, et de toutes parts on entendait ce cri: Le roi à Paris! L'aristocratie ne songeait plus à se défendre contre de nouvelles pertes. Elle dédaignait trop ce qui lui restait pour s'occuper de le conserver; elle désirait donc un violent changement, tout comme le parti populaire. Une révolution est infaillible, quand deux partis se réunissent pour la vouloir. Tous deux contribuent à l'événement, et le plus fort profite du résultat. Tandis que les patriotes désiraient conduire le roi à Paris, la cour méditait de le conduire à Metz. Là, dans une place forte, il eût ordonné ce qu'il eût voulu, ou pour mieux dire, tout ce qu'on aurait voulu pour lui. Les courtisans formaient des plans, faisaient courir des projets, cherchaient à enrôler du monde, et, se livrant à de vaines espérances, se trahissaient

par d'imprudentes menaces. D'Estaing, naguère si célèbre à la tête de nos escadres, commandait la garde nationale de Versailles. Il voulait être fidèle à la nation et à la cour, rôle difficile, toujours calomnié, et qu'une grande fermeté peut seule rendre honorable. Il apprit les menées des courtisans. Les plus grands personnages étaient au nombre des machinateurs; les témoins les plus dignes de foi lui avaient été cités, et il écrivit à la reine une lettre très connue, où il lui parlait avec une fermeté respectueuse de l'inconvenance et du danger de telles menées. Il ne déguisa rien et nomma tout le monde1. La lettre fut sans effet. En essayant de pareilles entreprises, la reine devait s'attendre à des remontrances, et ne pas s'en étonner..

A la même époque, une foule d'hommes nouveaux parurent à Versailles; on y vit même des uniformes inconnus. On retint la compagnie des gardes du corps, dont le service venait d'être achevé; quelques dragons et chasseurs des TroisÉvêchés furent appelés. Les gardes-françaises, qui avaient quitté le service du roi, irrités qu'on le confiât à d'autres, voulurent se rendre à Versailles pour le reprendre. Sans doute ils n'avaient aucune raison de se plaindre, puisqu'ils avaient eux-mêmes abandonné ce service; mais ils furent, dit on, ex

1. Voyez la note 8 à la fin du volume.

cités à ce projet. On a prétendu, dans le temps, que c'était la cour qui avait voulu par ce moyen effrayer le roi, et l'entraîner à Metz. Un fait prouve assez cette intention: depuis les émeutes du PalaisRoyal, Lafayette, pour défendre le passage de Paris à Versailles, avait placé un poste à Sèvres. Il fut obligé de l'en retirer, sur la demande des députés de la droite. Lafayette parvint à arrêter les gardesfrançaises, et à les détourner de leur projet. Il écrivit confidentiellement au ministre Saint-Priest, pour lui apprendre ce qui s'était passé, et le rassurerentièrement. Saint-Priest, abusant de la lettre, la montra à d'Estaing; celui-ci la communiqua aux officiers de la garde nationale de Versailles et à la municipalité, pour les instruire des dangers qui avaient menacé la ville, et de ceux qui pourraient la menacer encore. On proposa d'appeler le régiment de Flandre; grand nombre de bataillons de la garde de Versailles s'y opposèrent, mais la municipalité n'en fit pas moins sa réquisition, et le régiment fut appelé. C'était peu qu'un régiment contre l'assemblée, mais c'était assez pour enlever le roi et protéger son évasion. D'Estaing instruisit l'assemblée nationale des mesures qui avaient été prises, et obtint son approbation. Le régiment arriva : l'appareil militaire qui le suivait, quoique peu considérable, ne laissa pas que d'exciter des murmures. Les gardes-du-corps, les courtisans s'em

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