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Mais les raisons de douter sont que cet article 5g ne désigne pas nommément la cour de Cassation, et que les articles suivans désignent jusqu'aux tribunaux de Commerce et de Paix! Les raisons de douter sont encore que, d'après l'article 57, toute justice émane du Roi; d'où peut-être la conséquence que ce qui en émane doit y retourner. Les raisons de douter sont, en outre, que le principe de l'indépendance judiciaire n'a point été transporté, de la déclaration du Roi, dans l'ordonnance de réformation; et que cette omission a été sans doute volontaire. Les raisons, de douter sont, enfin, qu'autrefois la cour de Cassation n'existait pas; et que ce. qui n'existait pas autrefois, a nécessairement un défaut d'autant plus dangereux, qu'il est plus caché.

Ceux qui raisonnent de la sorte se trompent grossièrement, je n'en saurais douter”: mais leur erreur même, est une preuve que la rédaction est vicieuse. Une loi claire ne donne jamais lieu à d'absurdes interprétations (1).

(1) On m'assure que ces inquiétudes, en apparence exagérées, de quelques personnes vont se réaliser; et qu'une Ordonnance du Roi réunira la Cour de cassation au Conseil d'Etat; j'ai peine à le croire; il y aurait là une contravention manifeste à l'Ordonnance de réformation. D'abord, d'après l'article 58 de cette Ordonnance, les juges sont inamovibles; et dans leur généralité, ces expressions comprennent nécessairement les juges de cassation, qui sont des juges tout comme les juges de première instance et d'appel; or si les juges de cassation eux-mêmes doivent être inamovibles, confier leurs fouc

Ce n'est pas tout l'article ajoute qu'il ne sera rien changé aux tribunaux ordinaires maintenus, si ce n'est par une loi, voilà qui est clair; mais qui en revanche est tout à fait contraire aux principes.

Trois pouvoirs constituent le corps politique, les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire; ils se donnent la main et se prêtent un mutuel appui : l'acte qui en organise un, doit aussi organiser les autres; l'acte qui en déclare deux immuables, doit déclarer aussi que le troisième a une existence fixe et invariable. Cependant la même ordonnance de réformation qui prononce irrévocablement sur l'existence et sur les attributions des pouvoirs législatif et exécutif, ne prononce sur celles du pouvoir judiciaire que provisoirement..... Ombre de Montesquieu, tu ne planes donc plus sur la France!

tions à des conseillers d'état amovibles, ce serait évidemment violer l'article 58. De plus, l'article 59 maintient tous les tribunaux ordinaires actuellement existans, sauf les changemens qui y seraient faits par la loi; et la Cour de cassation était très-certainement un tribunal ordinaire, puisqu'elle était établie par la constitution, de la même manière que les tribunaux de première instance et d'appel : enfin l'article 68 déclare que toutes les lois qui ne sont pas contraires à l'Ordonnance de réformation sont maintenues jusqu'à dérogation légale ; et rien dans cette Ordonnance n'est destructif des lois organiques de la Cour de cassation, Par conséquent, en supposant qu'il ne fût pas contraire à l'indépendance du pouvoir judiciaire de réunir cette Cour au Conseil d'état, la réunion ne pourrait jamais s'opérer autrement que par une loi.

ART. LXI

Il décide que « les juges de paix sont nommés par le «Roi. » Pourquoi ne pas ajouter au moins que ce sera, comme du temps de Buonaparte, sur une liste quadruple ou quintuple des assemblées cantonales? La nomination des juges de paix devrait être faite immédiatement par le peuple, parce qu'il est dans cette circonstance très intéressé à bien placer sa confiance; et (qu'alors, selon l'observation d'un de nos Publicistes, le peuple est admirable dans les choix qu'il fait: la moindre grâce doit donc être qu'il y concourre par 'une désignation de candidats. Le silence qu'on a gardé sur cela, me fait craindre qu'on n'ait la pensée de supprimer les assemblées cantonales; et c'était cependant la seule circonstance dans laquelle le peuple fit encore quelque usage de sa souveraineté. Ce qui me confirme dans l'idée qu'on pense sérieusement à cette suppression, c'est que l'ordonnance de réformation ne parle pas non plus d'assemblées cantonales à l'occasion de la formation des Collèges électoraux. Mais alors, quel droit aura le peuple proprement dit? Celui de donner son argent, et de se faire tuer pour des intérêts qui ne seront plus les siens.

ART. LXIII,

Après avoir dit qu'on ne pourrait créer ni tribunaux, pi commissions extraordinaires, il ajoute « qu'il y a

<< une exception à l'égard des juridictions prévôtales, « si leur rétablissement est jugé nécessaire. »› Ou je me trompe fort, ou ces juridictions prévôtales ne sont autre chose que des cours spéciales sous un autre nom; et alors, s'il est vrai que leur rétablissement puisse jamais devenir nécessaire, on aurait dû dire au moins expressément que ce serait à la loi seule à l'ordonner; car cette faculté ne pourrait être laissée au Roi sans un grand danger. La Chambre des Députés des départe→ mens a interprété l'article dans le sens le plus convenable; c'est ce que prouve le discours de son Président : fasse le ciel que son interprétation soit admise commé celle qu'elle a cru devoir donner à plusieurs autres articles de l'ordonnance de réformation!

ART. LXIV.

Il porte que « les débats seront publics en matière « criminelle, à moins que le tribunal ne déclare par «< un jugement, que cette publicité serait dangereuse pour l'ordre et pour les bonnes mœurs. ››

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Cette disposition est extraite du côde actuel d'instruction criminelle; mais sous une pareille forme, elle peut avoir des inconvéniens graves on les aurait tous évités, et on aurait atteint le même but en disant qu'aux jurés seuls appartiendrait le droit de réclamer le bénéfice de l'exception.

ART. LXXI.

On y voit

que « la noblesse ancienne reprend ses

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"titres; que la nouvelle conserve les siens. « Autre article qui est susceptible d'une double interprétation, et dont la rédaction est par conséquent vicieuse. Annoncer que la nouvelle noblesse conserve ses titres, ce n'est pas décider la question de savoir si elle les conserve héréditairement; et c'était cependant un point important à éclaircir. Soutient-on qu'elle ne les conservera héréditairement, qu'autant qu'il y aura eu institution de Majorats? Ce serait lui ôter d'une main ce qu'on lui donne de l'autre car il est évident qu'une noblesse nouvelle et personnelle, mise à côté d'une noblesse ancienne et héréditaire, rentrera forcément ! avant peu dans la classe des simples citoyens. Enfin il y a à faire cette observation, que les rangs de la noblesse héréditaire sont très-éclaircis; et qu'alors il est tout à fait convenable de lui adjoindre des hommes qui forment la ligne de démarcation établie entre la noblesse proprement dite et la bourgeoisie.

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ART. LXXII.

On y voit que « la légion d'honneur est maintenue. » Mais reste à savoir si le Roi pourra conserver et même instituer d'autres ordres de chevalerie. Le silence que i garde l'article, autorise à croire que cette question doit se décider affirmativement: est-ce un bien?... Sur cela je renvoie mes lecteurs à l'opinion que j'ai précédemment émise (1), et dans laquelle je persiste de très-bonne foi.

(1). Réflexions d'un Royaliste constitutionnel, page 43.

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