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Cet article 56, enfin, est vicieux sous un dernier rapport; il ne dit pas que tous les actes émanés du Roi seront contre-signés par un des Ministres ; et rien n'indique d'ailleurs dans l'Ordonnance de réformation qu'un acte, signé simplement du Roi, ne puisse pas être mis à exécution. Par conséquent, grâce à cette omission, que le Roi rende des Ordonnances destructives de la loi, ou attentatoires en quelque manière aux droits publics et privés des citoyens ; on s'arrangera pour qu'elles soient exécutées sans l'intervention apparente d'un Ministre; et de cette manière, le mal sera

sont illusoires, que tous les actes arbitraires que le pouvoir exécutif s'est permis, même depuis la publication de cette Ordonnance. C'est d'un côté monsieur le Directeur général de la police, qui a fait publier dans toute la France une Ordonnance sur la célébration des Dimanches et Fêtes, dont j'ai fait voir tout-à-l'heure l'irrégularité, et qui a excité un crì général d'étonnement! C'est de l'autre monsieur le Ministre de l'intérieur, qui, plus mystérieusement à la vérité, vient de faire insérer dans le Bulletin des Lois une Ordonnance du Roi, de laquelle il résulte que, malgré la déclaration du 2 mai, et malgré l'Ordonnance de réformation, la presse reste provisoirement soumise aux mêmes entraves que sous le Gouvernement paternel de Buonaparte, lequel, entr'autres motifs et d'après l'acte de déchéance du Sénat, a été renversé pour avoir établi de pareilles restrictions! Ce sont enfin des projets relatifs, soit à la Cour de cassation, soit à une création de Billets" royaux, et qui sont tous dérogatoires à l'Ordonnance de réformation..... Je finirai par être de l'avis de ceux qui disent: A quoi bon les Constitutions?

fait sans que personne soit puni; puisque d'un côté, le Roi est inviolable; puisque de l'autre, on n'a pas rappelé la règle que ses Ordonnances devaient être transmises aux autorités locales, par l'intermédiaire d'un Ministre.

Plus j'y réfléchis. et plus je me persuade que cette réticence cache le dessein secret de faire consacrer le principe que tout ce qui émane du Roi est pår cela même inattaquable; d'où il suivrait que les Ministres, en s'étayant d'une Ordonnance du Roi, pourraient impunément violer les lois et y déroger, attenter à la liberté et à la fortune des citoyens. Ce qui me le prouve, c'est que les faits de trahison et de concussion, pour lesquels seuls ils peuvent être poursuivis, sont, par leur essence même, des faits complètement étrangers au Roi, tandis qu'au contraire la violation des lois, les attentats contre la propriété et la fortune des citoyens (toutes choses qu'ils paraissent pouvoir se permettre impunément) supposent presque toujours la coopération du Monarque. (1)

(1) Quelques personnes ont rapproché cet article de l'art. 13 qui porte que les Ministres sont responsables; et ce rapprochement leur a offert la preuve qu'à la vérité les Ministres ne pouvaient être accusés que dans deux cas; mais que dans tous ils étaient responsables, et que l'un était l'équivalent de l'autre. Je desire que cette distinction soit admise, quoiqu'elle soit contraire à la règle que ce qui est spécial déroge à ce qui est général; mais l'Ordonnance de réformation serait toujours in'complète; cette responsabilité des Ministres ne produirait son effet qu'à l'égard des particuliers lésés qui obtiendraient une

Mais alors, cette prétendue responsabilité des Ministres n'est-elle pas une véritable dérision? Et n'est-il pas permis de déplorer la fatalité qui a fait qu'à cet article 56, on n'a pas substitué l'article du projet de Constitution du Sénat, où il est dit que les Ministres contre - signent tous les actes émanes du Roi; ec qu'ils sont responsables de tout ce que ces actes, et ceux émanés d'eux-mêmes, peuvent contenir d'atientatoire aux lois, à la liberté publique et individuelle, et aux droits des citoyens?

ART. LVII.

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Il dispose que « toute justice émane du Roi, etc. ss Considéré isolément, il donnerait à entendre que le Roi cumule sur sa tête les pouvoirs exécutif et judiciaire; et cela, on le sait, est un des caractères du despotisme. Mais l'article suivant explique celui-ci; il porte que « les juges nommés par le Roi sont inamo« vibles; » et de ce moment, on peut dire qu'ils sont indépendans : par conséquent, ma critique serait de pure forme, et j'ai promis de ne point en faire de pareille je n'insiste donc pas pour une autre rédaction.

Ce même article dit « que les juges sont nommés di« rectement par le Roi : » l'indépendance du pouvoir

indemnité; quand les droits publics des citoyens sont violés, il faut unei accusation; autrement, il n'y a pas de responsabilité.

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judiciaire aurait été encore mieux garantie, si le Roi, comme dans le projet de constitution du Sénat, n'avait pu nommer les juges que sur une liste triple présentée par le tribunal lui-même.

ART. LVIII.

«Les juges nommés par le Roi sont inamovibles, >> dit-il. Donc ceux actuellement en place ne le sont pas donc nous aurons encore des épurations. Cependant, on nous avait assuré, au nom du Roi, que rien ne serait change en France, qu'il n'y aurait qu'un Français de plus! Cependant c'est en épurant tout, que Buonaparte était parvenu à tout avilir! Cependant l'article 69 de l'ordonnance dit : « que les militaires en activité de service conserveront leurs grades!..... Serait-ce par hasard que ceux-ci ceignent le casque et l'épée, et que les autres n'ont pour armes que lance de Thémis? Pourquoi faire ce que faisait Buonaparte? pourquoi ne pas nous tenir tout ce qu'on nous avait promis?

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Mais on ne fera, dit-on, à l'égard des juges, que ce qu'on a déjà fait à l'égard des Sénateurs !..... Je le sais : aussi serai-je de l'avis de l'article, aussitôt qu'on m'aura prouvé qu'on a tenu à tous les Sénateurs ce que leur promettait une proclamation du Roi datée de Buckingham.

ART. LIX.

J'y lis « les cours et les tribunaux ordinaires ac

«tuellement existans sont maintenus; il n'y sera « rien changé que par une loi. » Je ne suis pas content dé la rédaction de cet article; elle est louche; elle paraît cacher une arrière-pensée.

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Par l'expression de cours et de tribunaux ordinaires, il semblerait, par exemple, qu'on doit entendre la cour de Cassation, comme les cours Royales et les tribunaux de Première instance. Il semblerait qu'elle est un tribunal ordinaire, comparée aux tribunaux d'accep→ tions, tels que les cours spéciales et prévôtales, qui sont l'ouvrage des circonstances, et qui n'ont jamais dû avoir qu'une existence éphémère. Il semblerait que la cour de Cassation doit être maintenue, elle qui est le premier anneau de la chaîne judiciaire, qui s'est tenue constamment à la hauteur de ses honorables fonctions, et dont les décisions forment aujourd'hui un véritable corps de doctrine. Il semblerait que sa conservation est une conséquence forcée de l'indépendance du pouvoir judiciaire, que le Roi a formellement reconnue dans la déclaration du 2 mai; et que la Chambre des Députés des départemens, d'après le discours de son Président, avait cru voir aussi rappelée dans l'ordonnance de réformation. Il semblerait enfin `que les juges étant inamovibles, l'existence future de la cour de Cassation est par cela même assurée, puisque, d'une part, il faut qu'on puisse appeler à une autorité judiciaire des arrêts mêmes des cours souveraines ; puisque, d'autre part, en appeler au Conseil d'Etat, comme autrefois, ce serait en appeler à des hommes qui ne sont, ni juges, ni inamovibles.

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