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tandis qu'aujourd'hui les Pairs vont, di.-on, être portés à deux cents, et dans un an seront peut-être le double. Il me semble, qu'abstraction même faite de toute autre raison, la dignité nationale exigeait que le nombre des Députés des départemens fût assez fort pour surpasser toujours celui des Membres de la Chambre des Pairs.Qu'on y prenne garde, le système contraire tend à nous ramener, par une pente insensible, vers la bizarre idée que les quatre-vingt-dix-neuf centièmes de la po→ pulation ne doivent pas être représentés par un plus grand nombre de personnes que cette autre fraction cen tième, qui compose la classe la plus relevée de la société; que, par conséquent, un noble ou un homme ri❤ che mis dans la balance, vaut au moins cent obscurs roturiers.

D'ailleurs, ce ne serait pas trop de cinq ou six cents personnes, pour juger des besoins et des vœux de vingtcinq millions d'âmes; l'Angleterre a un nombre de représentans encore plus considérable, et sa population est moindre de moitié. Il est donc permis de regretter que notre représentation repose sur une échelle aussi réduite, principalement à l'égard des départemens qui n'avaient dans des derniers temps qu'un seul Député au Corps-Législatif.

Enfin, il est étonnant qu'on n'ait pas prévu le cas đes morts, des démissions, des doubles emplois; et qu'on n'ait pas décidé qu'il serait nommé des suppléans, afin de tenir au moins la Chambre des Députés toujours au complet,

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ART. XXXVII.

C'est cet article qui dispose « que les Députés sont << élus pour cinq ans, et que la Chambre est renouvelée « chaque année par cinquième. » Je ne verrais pas de grands inconvéniens à adopter ce mode partiel de renouvellement, si, d'un autre côté, l'article 50 n'ac cordait au Roi la faculté de dissoudre la Chambre. Dans le cas d'une dissolution, le renouvellement par cinquième présente ce vice remarquable, qu'une partie des Députés n'est élue que pour un an, l'autre pour deux, et ainsi de suite; que par conséquent, on viole la première partie de l'article, portant que les Députés sont élus pour cinq ans. Mais le droit accordé au Roi de dissoudre la Chambre des Députés, semble être de l'essence d'une monarchie mixte : le mieux aurait donc été de revenir au système d'un renouvellement général, qui est d'ailleurs plus conforme aux principes.

ART. XXXVIII.

Cet article contient deux dispositions remarquables; la première est celle qui porte « qu'aucun des Députés « ne sera admis dans la Chambre, s'il n'est âgé de 4o << ans ; » la seconde est celle qui exige « qu'ils paient une <<< contribution directe de 1000 fr."

Quant à la première de ces deux dispositions, je crois qu'un corps composé exclusivement d'hommes ayant plus de 40 ans, a rarement l'énergie nécessaire

pour s'opposer à cet empiétement successif et presque inévitable de l'autorité royale; il négocie, quand il faudrait combattre ; il temporise, quand il faudrait agir. On craint que, composé en partie de jeunes gens, il ne sorte quelquefois des bornes de la modération! Mais des hommes de 30 ans, par exemple, ne sont pas des fous; d'ailleurs, tant que l'initiative des lois sera laissée au Roi, la Chambre des Députés aura une simple force. d'inertie, qui sera par cela même sans danger. Enfin je me demande pourquoi on a établi sur cela deux règles différentes; pourquoi, d'après l'article 28 de l'Ordonnance, les Membres de la Chambre des Pairs ont voix délibérative à 50 ans : ou c'est une injure gratuite faite à toute la Nation dans la personne de ses représentans; ou c'est qu'en effet, avec un grand nom et une grande fortune, on suce, dès le berceau, des principes de sagesse qui, sur un sol plus ingrat, germent à peine dans l'arrière saison....

S'agit-il maintenant de la seconde partie de l'article? Je ne la trouve pas moins vicieuse que la première, et elle est de plus très-incomplette.

Elle est vicieuse : car elle consacre une aristocratie de fortune tout-à-fait exclusive, et qui est même renfermée dans des bornes très-étroites, puisqu'il est possible, d'après l'article 39 lui-même, que sur une population de cent mille ames au moins, il n'y ait pas plus de cinquante personnes réunissant les conditions requises pour être nommées. Or, comme il arrive presque toujours que sur cinquante personnes, il y en a à peine cinq en état de siéger dans une assemblée législa

tive, il est clair qu'on en agit avec la Nation, à-peuprès comme avec quelqu'un à qui on dirait: voici deux lots; choisissez celui que vous voudrez; mais ne prenez pas celui-ci. Dans un bon système de représentation, il faudrait que la fortune des électeurs fût, comme d'après l'article 40 de l'Ordonnance, une garantie suffisante de la bonté de leurs choix ; mais qu'on leur laissât ensuite la plus grande latitude. Dans un système mitoyen, il faudrait donner quelque chose à la propriété, et quelque chose aussi à la profession. Qu'on réfléchisse bien à une chose on semble craindre l'homme qui, avec des talens, n'a qu'une fortune médiocre; on suppose que quand il sera député, il cherchera à fomenter des troubles pour en profiter; mais s'il est honnête homme, le danger est chimérique; et, si sa probité est équivoque, sera-t-il moins à redouter, quand il verra qu'une politique soupçonneuse lui interdit à jamais les moyens de briller sur un grand théâtre?

Maintenant cette partie de l'article est incomplette: car elle ne dit pas, par exemple, si l'homme qui paie mille francs d'impositions directes, et dont les propriétés sont grevées de trois cent mille francs d'hypothèques, a également les qualités requises pour être nommé; car elle ne dit pas non plus si un mari peut cumuler ses impositions et celles de sa femmé, ou un fils les siennes et celles d'un père dont il est l'unique héritier.

Elle est incomplette enfin : car elle devait prononcer d'une manière quelconque sur la question de savoir si, ou non, les Députés des départemens recevraient

un traitement. J'avais cru un instant que cette question devait se décider affirmativement; (1) máis alors je ne raisonnais pas dans l'hypothèse où le Roi aurait le droit de dissoudre la Chambre. Cette hypothèse une fois admise, il me paraît au contraire indispensable que les Députés ne soient point payés, et qu'on leur donne, tout au plus, une indemnité proportionnée à la durée de chaque session. S'il en était autrement, le Roi les menacerait d'une prochaine dissolution toutes les fois qu'ils résisteraient à ses volontés; et la crainte de perdre une place lucrative pourrait les déterminer à approuver, les yeux fermés, presque tous les projets de lois qu'on leur présenterait. (2)

Or, l'Ordonnance qui a rapport au traitement des Membres actuels, ne statue pas pour l'avenir ; et rien n'est plus fâcheux que le silence qu'on a gardé, soit dans cette Ordonnance, soit dans l'Ordonnance de réformation. Qu'on ait besoin de calmer l'effervescence prétendue de la Chambre; on parlera de traitement; on dira que la Charte constitutionnelle ne défend pas d'en donner; cet argument paraîtra sans rẻplique; la Chambre tendra la main en rougissant.......))}

(1) Réflexions d'un Royaliste constitutionnel, page 32. (2) Beaucoup de personnes regrettent que les membres actuels conservent leur ancien traitement de législateurs, et qu'ils soient en même temps continués, pour plusieurs années, dans leurs fonctions. On aurait désiré qu'ils optassent entre le traitement et la place; on supposé que le désir d'échapper au désagrément d'une dissolution anticipée leur faussera quelquefois le jugement; mais j'ai peine à partager cette impression.

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