Page images
PDF
EPUB

S'il ne faut pas que la police puisse exercer sur les brochures et sur les journaux une censure inquisitoriale, il ne faut pas non plus qu'elle soit autorisée à faire saisir arbitrairement un ouvrage qui lui déplaît. -Ce n'est pas elle, mais les tribunaux qui doivent seuls être juges du danger de telle ou telle production; en bonne règle la police ne peut faire arrêter la publication d'un écrit quelconque que lorsqu'un jugement en a ordonné la suppression (1).

ART. IX.

Il porte que <<< toutes les propriétés sont inviolables, "même celles qu'on appelle nationales, la loi ne met<< tant aucune différence entre elles. »

(1) Ces réflexions me ramènent naturellement à parler. unc seconde fois de la saisie de ma brochure. Comme auteur, je dois plutôt m'en applaudir que m'en plaindre; mais considérée sous d'autres rapports, cette violation de la liberté de la presse (dont je n'ai pas été, à beaucoup près, la seule victime } cette violation, dis-je, est un abus de pouvoir non moins répréhen sible que celui que monsieur le Directeur-général de la police 'est permis, en publiant son Ordonnance sur l'Observation des Dimanches et Fêtes. Depuis la chute de Buonaparte, le principe de la liberté de la presse a été proclamé à plusieurs reprises; il l'a été par le projet de Constitution de l'ancien Sénat; il l'a été par la déclaration du Roi, dont l'effet nécessaire a même été de détruire la censure établie momentanément par le Gouvernement provisoire: ce principe, enfin, a été proclamé plus solemnellement encore par l'article 8 de l'Ordonmance de réformation; et ce que je trouve surtout fort étrange,

Cette rédaction a paru équivoque à beaucoup de personnes; on a craint qu'elle ne cachât l'arrière-pensée d'autoriser par la suite le Gouvernement, ou les anciens propriétaires des biens d'émigrés à en attaquer les détenteurs actuels, sur le fondement qu'ils n'en avaient pas payé tout le prix; et cela, de la même manière que le possesseur d'une propriété patrimoniale peut être poursuivi par son vendeur, comme reliquataire d'une partie du prix convenu entre eux; on s'est confirmé dans cette idée, en voyant que l'article suivant rappelait avec une sorte d'affectation un principe déjà consacré par le Code civil, que l'Etat peut exiger le sacrifice d'une propriété pour cause d'intérêt public légalement constaté, et sauf une indemnité préalable,

c'est que la saisie dont je me plains ait eu lieu le surlendemain de la Séance du 4 juin.

A partir de cette époque, la liberté de la presse ne pouvait être limitée que par les lois organiques à faire sur la matière ; à partir de cette époque, un ouvrage ne pouvait être supprimé, qu'autant qu'il aurait été jugé régulièrement qu'on y avait abusé de la liberté de la presse ; il ne pouvait plus être question ni de censure préalable, ni de réglemens de librairie obligeant à faire connaître les imprimeurs d'un ouvrage. Si quelques-unes des anciennes règles subsistaient encore, c'était seulement celles consignées dans le Code pénal, parce que celles-là sont moins l'ouvrage des circonstances et de l'arbitraire. Or, vois, article 283, qu'on n'y défend que la publication des ouvrages, où il n'y aura ni nom, ni profession, ni demeure d'auteur ou d'imprimeur. Ma brochure contenait mes nom, profession et demeure ; j'étais donc parfaitement en règle.

j'y

qu'on ne déclare pas devoir être juste, c'est-à-dire égale à la valeur intrinsèque; on en a conclu que quelque jour, armé de ces deux articles, l'Etat pourrait déposséder les détenteurs actuels des biens d'émigrés, moyennant une indemnité égale seulement au prit payé, et que le motif d'intérêt public qu'on invoquerait, ce serait la nécessité de faire quelque chose en faveur d'hommes injustement dépouillés; on a argu menté à cet égard de ce que l'intention bien manifeste du Gouvernement était de rendre aux anciens proprié taires tous les biens d'émigrés qui avaient été réunis aux domaines; (1) on a présumé qu'après avoir tout fait pour les uns, on ne pourrait pas se refuser au plaisir de faire également quelque chose pour les autres, et que le moyen d'y parvenir, ce serait de prendre des dé tours, autorisés en quelque sorte par l'ordonnance de réformation.

(1) S'il faut en croire les journaux, cette restitution s'opère saps qu'aucune loi l'ait ordonnée : ce serait là une monstruosité en législation. Une loi a prononcé la confiscation de quelques biens; une autre loi peut seule faire cesser l'effet de cette confiscation.

Vainement argumenterait-on de l'Ordonnance du Roi, qui est relative à l'ancienne dotation du Sénat, et qui statue que' ce qui était d'origine nationale, sera rendu aux premiers propriétaires. D'abord, cette Ordonnance ne parle que de l'ancienne dotation du Sénat, et elle forme la moindre partie des biens d'émigrés, qui originairement avaient été réunis aux domaines; ensuite, en accordant même que le Roi a pu nous donner lui seul une Charte constitutionnelle, cette Charte une

Ces craintes sont chimériques, sans doute; mais puisqu'on les a conçues, il est clair que la rédaction est vicieuse. On ne saurait prendre trop de précautions pour rassurer une classe nombreuse de citoyens, qui ont suivi la foi du Gouvernement existant, et qui seraient en droit de se plaindre, si on les inquiétait d'une manière même indirecte.

Une loi a ordonné la vente des biens d'émigrés; injuste ou non, il a été permis à tous les citoyens d'en réclamer le bénéfice. La loi qui, l'année dernière, a or donné la vente des biens des Communes, est certainement injuste dans son principe, comme dans son application; elle viole de la manière la moins équivoque le droit sacré de propriété; elle le viole d'autant mieux, qu'à la place d'un immeuble dont la valeur est certaine, elle donne aux communes une inscription sur le grand livre, qui déjà n'a que les deux tiers de sa valeur nominale, et qui un jour peut-être en aura tout au plus le

fois donnée, il lui a été interdit d'empiéter sur l'autorité législative or, son Ordonnance est postérieure à la Charte; elle est donc (quant à la destination donnée à ces biens) aussi radicalement nulle que toutes celles par lesqueles on annulerait des lois existantes. Si le principe contraire pouvait prévaloir, nous aurions, sous un autre nom, l'équivalent du gouvernement despotique de Buonaparte, qui avait étouffé la loi sous l'odieux fatras des Sénatus-consultes et des Arrêtés du Conseil d'Etat; qui, enfin, n'avait conservé au Corps Législatif, de toutes ses anciennes et importantes prérogatives, que le droit illusoire de voter sur des projets d'échange, ou de rédiger d'humbles · adresses de félicitations.

quart. Cependant la politique et l'équité exigent à coup sûr, que celles de ces ventes qui sont consommées, soient irrévocablement maintenues: il me semble qu'à peu de chose près, la similitude est frappante (1).

Je pense donc qu'il aurait fallu trouver pour cet ar ticle une rédaction moins louche; qu'il aurait fallu garautir formellement les acquéreurs de biens d'émigrés de toutes recherches directes ou indirectes, soit de la part de l'Etat, soit de la part des anciens propriétaires; qu'enfin il aurait fallu laisser à l'opinion publique le soin de rétablir elle-même l'équilibre.

ART. XII.

Je n'aurais rien à dire sur cet article, qui décide «<que <<< la conscription est abolie, et que le mode de recru❝tement de l'armée de terre et de mer sera réglé par

(1) Il vient de paraître une Ordonnance du Roi qui statue qu'en exécution de la loi de l'année dernière, les ventes des biens des communes seront continuées pour toutes les portions dont on n'avait pas encore disposé, et qui, d'après cette loi, étaient de nature à être vendues ; c'est presque consacrer le principe que les biens des émigrés non vendus restent néanmoins réunis au domaine. Il me semble que la même loi qui ordonnera la restitution de cette dernière espèce de biens, devrait aussi ordonner celle des biens des communes qui, jusqu'à présent, n'ont pas été aliénés; sous plusieurs rapports, la loi de 1813 n'est pas plus morale que celle de 1792; et ce qui serait simplement un acte de justice à l'égard d'un bomme titré, n'est pas, à l'égard d'une malheureuse commune, une générosité déplacée.

« PreviousContinue »