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Je n'hésiterais donc pas à voter pour que cet article fût retranché de l'Ordonnance de réformation.

a tout au moins violation de ce principe de droit naturel, que chacun peut faire ce qui ne nuit pas à autrui, et n'est pas défendu par la loi.

En effet, toutes les lois qui obligeaient à la célébration des dimanches et fêtes (notamment le règlement du 8 novembre 1782, qui est cité dans cette ordonnance) ont été abrogées par les autres lois qui, pendant la révolution, ont proclamé la liberté absolue des cultes, et qui sont maintenues formellement par l'article 68 de l'Ordonnance de réformation. C'est à tort que monsieur le Directeur-général de la police s'est autorisé des dispositions de la loi du 18 germinal an 10; l'article 41 de cette loi est le seul qui ait quelque rapport à la célébration du dimanche ; et il est conçu dans des termes restrictifs, qui indiquent clairement que cette célébration était simplement tolérée à l'égard des Catholiques.

Ainsi, pas de difficulté: monsieur le Directeur-général de la police a commis un véritable abus de pouvoir, quand il s'est autorisé de lois abrogées, pour en détruire qui étaient encore subsistantes, et qu'il a mis son caprice à la place de la volonté du législateur. L'abus de pouvoir est d'autant moins équivoque, que l'article 260 du Code pénal, qui, lui, est certainement maintenu, prononce des peines très sévères contre tout particulier qui aura contraint quelqu'un d'exercer un culte, de fermer sa boutique, de suspendre certains travaux, pour cause de religion. Ce qui serait délit chez un particulier, est à coup sûr abus de pouvoir de la part d'un administrateur; pour tout ce qu'il fait sans y être autorisé par la loi, il mérite d'être puni plus sévèrement encore que le particu- | lier. Dût-il être rendu par la suite une loi relative à la célé→ bration forcée du dimanche, il n'appartient ni au pouvoir

ART. VII.

Il décide que « les ministres des religions Catho«lique, Luthérienne et Calviniste seront seuls salariés "par l'Etat ». C'est une injustice: les Juifs et les membres des autres sectes contribuent, comme les Chrétiens, aux charges du royaume; il est donc convenable que les ministres de leur culte soient salariés par-tout où ils formeront une réunion de quelque importance. La qualité de Juif, ou toute autre qualité pareille, ne

exécutif, ni à un de ses agens, de la supposer existante, ou de s'en faire le créateur.

Enfin, s'il était possible que, sous ces deux premiers rapports, monsieur le Directeur-général de la police fit admettre sa justification, il ne pourrait jamais se laver du reproche d'avoir prononcé des amendes de 300, 500 et 1000 francs contre ceux qui ne se conformeraient pas à son ordonnance. Je le suppose autorisé à publier des règlemens pour l'observation forcée des dimanches et fêtes; comme il ne peut pas se référer au règlement de 1782, qui est abrogé depuis longtemps (qui d'ailleurs remonte à une époque où la religion Catholique était la seule dont le culte, fùt toléré); comme aucune loi moderne n'a encore prévu ces contraventions, ce qu'il statue à cet égard est un simple arrêté de petite voirie qui, en cas de désobéissance, et aux termes de l'article 471 du Code pénal, n'entraîne d'autre peine qu'une amende dont le maximum est 5 francs.

Après avoir prouvé que cette ordonnance est une véritable usurpation sur l'autorité législative, qu'elle est même une violation du pacte social, je pourrais faire voir qu'elle est

doit priver personne des secours et de la protection qu'un gouvernement sage accorde indifféremment à tous les citoyens.

ART. VII.

C'est celui qui est relatif à la liberté de la presse; il accorde à tous les Français « le droit de publier et de « faire imprimer leurs opinions, en se conformant aux « lois qui doivent réprimer les abus de cette liberté ».

Je l'ai établi en commençant: il paraît résulter de cet article qu'on peut faire imprimer toutes les opinions qui ne blessent pas les mœurs, et qui ne provoquent ni

inexécutable dans plusieurs de ses dispositions; que les paysans qui allaient le dimanche à la ville pour y faire leurs emplettes, seront désormais obligés d'y aller un jour de la semaine ; qu'on prive de leurs moyens d'existence une foule de marchands Forains, qui ne vendent presque que le dimanche; qu'empêcher le peuple de danser avant cinq heures du soir, c'est l'engager à faire quelque chose de pire, etc., etc., etc,

Mais je me reprocherais de livrer simplement au ridicule un acte sur lequel je me plais à croire, qu'organe de la voix publique, la Chambre des Députés des départemens appellera bientôt sa juste et salutaire censure; elle en a le droit, puisque d'un commun accord avec le Roi, elle a interprété l'article 56 de l'Ordonnance de réformation en ce sens, que les ministres étaient responsables de tous les actes signés par eux qui violeraient les droits publics et privés des citoyens ; et ce qu'elle a le droit de faire, il est indispensable qu'elle le fasse, afin de marde suite aux ministres de Sa Majesté la juste limite de leurs pouvoirs.

quer

au crime, ni à la révolte. A ce compte, l'article pourrait subsister tel qu'il est.

Mais quelques personnes soutiennent que les lois destinées à réprimer les abus de la liberté de la presse, sont des lois qui rétabliront, à très-peu de chose près, l'humiliante censure de Buonaparte; qui y soumettront et les journaux et les brochures; qui enfin n'affranchiront de toute espèce d'entraves que les pâles auteurs d'in-folios. Or, s'il était possible de torturer les expressions de cet article, de telle manière que réprimer les abus ne signifiȧt plus punir un excès commis, mais prévenir un excès plus ou moins probable; s'il était possible enfin qu'à l'aide d'un pareil article, l'existence d'une censure quelconque fùt un jour réguJarisée par la loi, il est clair qu'alors une autre rédaction serait indispensable.

Je ne saurais trop le répéter: tout ce qu'on fera pour punir les abus commis, ne sera que juste; tout ce qu'on fera pour empêcher qu'il n'en soit commis, sera essentiellement vexatoire, et dangereux même dans ses résultats. (1)

S'agit-il d'abord des brochures? il ne faut pas perdre de vue que c'est l'à-propos qui en fait ordinairement tout le mérite; que le seul but utile qu'elles puissent avoir, c'est celui d'éclairer le public sur l'irrégularité de telle ou telle mesure du gouvernement, sur le danger de telle ou telle loi qui est soumise à la discussion des deux Chambres. Cela posé, qu'il existe une censure;

(1) Réflexions d'un Royaliste constitutionnel, pages 28 et 40

elle sera nécessairement dévouée à l'autorité qui la salarie quand on lui apportera une brochure modérée dans ses expressions, mais forte de choses; qui ne prêchera pas la désobéissance aux lois, mais qui en examinera les défauts, la censure temporisera, ajournera, marchandera ; et dans l'intervalle, la mesure illégale du gouvernement recevra son exécution; la loi proposée passera sans résistance.

Maintenant, soumettre les journaux à`la censure > c'est vouloir, de deux choses l'une: ou qu'ils ne soient, en matière politique, que la copie littérale du Bulletin des lois; ou qu'au lieu d'éclairer l'opinion publique, ils l'égarent et la pervertissent; c'est vouloir enfin qu'on les accuse de mensonge et de flatterie, alors même qu'ils ne seront que les fidèles interprètes de la vérité. Sous Buonaparte les journaux étaient humblement soumis à la censure de la police; qu'en résultaitil? que lorsque de loin en loin, ils rapportaient un acte de justice du gouvernement, on se refusait obstinément à les croire. Qu'on leur imprime encore aujourd'hui la ́même flétrissure, et quand ils voudront nous peindre un Roi juste et bon, dont toutes les pensées sont dirigées vers notre bonheur, dont toutes les actions ont un but utile, dont la seule présence excite des transports de joie unanimes, à moins que la vérité n'arrive à nous par une autre voie, nous douterons si ce portrait n'est pas plutôt celui d'un Roi fainéant ou despote.... Les journaux soumis à la censure ressemblent aux fabuleuses Harpies de l'antiquité; ils salissent tout ce qu'ils touchent.

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