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marque ailleurs « que le Roi a vu dans le renouvelle«ment de la Pairie une institution vraiment nationale, « qui réunira les temps anciens aux temps modernes. » J'y vois plus loin « qu'on remplace par la Chambre « des députés les anciennes assemblées du Champ-de<< Mars. Or, voici la conclusion à laquelle je suis amené: Dans notre ancienne Constitution nous avions ces mêmes contre - poids qu'on donne aujourd'hui à l'autorité royale; notre Chambre des Pairs actuels est le renouvellement de l'ancienne Pairie; la Chambre des Députés dés départemens fait revivre sous une autre dénomination les fameuses assemblées du Champ-deMars. Donc la forme de notre gouvernement est la même qu'autrefois; donc autrefois la nation participait par ses représentans à la confection des lois; donc appeler la nation à délibérer d'une manière quelconque sur sa charte constitutionnelle, ce n'était pas donner un effet rétroactif à la puissance législative.

On insiste, et on dit que ni le Sénat, ni le Corps-Législatif n'avaient de mandat pour préparer et pour accepter une charte constitutionnelle; « qu'il aurait été « dangereux (c'est M. le chancelier qui l'a observé) << qu'il aurait été dangereux de rassembler les Colléges. «Electoraux du royaume dans un moment où tous les

partis sont encore en présence, où toutes les têtes «sont encore en fermentation; » que, dans un pareil étát de choses, par conséquent, le Roi, réunissant dans. sa personne toute la puissance exécutive à une partie de la puissance législative, a été suffisamment autorisé à nous donner lui-même une constitution, dont il avait

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au reste discuté les bases avec plusieurs membres des premiers corps de l'Etat.

Que de sophismes on entasse en pure perte les uns sur les autres quand on veut à toute force justifier les outrages faits aux principes et à la raison!

C'est d'abord une question fort délicate que celle de savoir si le même Sénat, si le même Corps-Législatif, à qui on n'a pas contesté le droit de renverser la constitution de l'an 8 (sauf la ratification postérieure du peuple), n'avaient pas également le pouvoir de coopé rer à la formation d'une nouvelle charte, sur le mérite de laquelle nous aurions ensuite prononcé en dernier ressort. Ces deux corps étaient institués, ce me semble, pour représenter la nation dans tous les cas prévus et non prévus; et si ce mandat général s'étendait jusqu'à la faculté de déchirer l'ancien pacte social, je cherche vainement pourquoi il ne serait pas étendu aussi jusques à la faculté de poser les bases du nouveau. Dans les règles ordinaires du raisonnement le pouvoir de détruire est présuppositif du droit de réédifier; et je m'étonne toujours davantage de ce que nous nous accoutumons à peser les hommes et les choses dans autant de balances différentes que nous avons de passions et d'intérêts opposés

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Dussé-je d'ailleurs passer condamnation sur ce point, M. le chancelier nous a dit « que, quoique le Sénat eût «< cessé en quelque sorte d'exister avec l'a puissance qui « l'avait établi; que, quoique le Corps-Législatif ne ❝ pût plus avoir, sans l'autorisation du Roi, des pouvoirs incertains et déjà expirés pour plusieurs de ses séries, leurs membres n'en étaient pas moins l'é

que

«lite bégale des notables du Royaume; et que c'était « le motif qui avait engagé le Roi à mettre la charte «constitutionnelle sous leurs yeux, à s'entourer même << préalablement des lumières de plusieurs d'entre eux, « et à proroger leurs pouvoirs jusqu'en 1816, pour les « séries dont le renouvellement aurait dû s'opérer de ❝ suite. >>

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Si le Roi a cru donner un caractère plus authentique à son travail, en le soumettant à l'examen préalable de quelques membres de ces deux corps; s'il a cru devoir le leur mettre ensuite sous les yeux; s'ils sont l'élite légale des notables du royaume; si enfin l'autorisation du Roi leur a su fi pour les rendre aptes à remplir désormais les nobles fonctions de législateurs, ils avaient certainement aussi les qualités requises pour accepter cette charte (d'une manière au moins provisoire, et en attendant le moment où l'on pourrait convoquer les colléges électoraux). Il me paraît difficile de concevoir comment ils ont été les représentans de la nation jusqu'au moment où la charte a été mise sous leurs yeux, comment ils l'ont été immédiatement après, et comment, pendant un espace de temps pour ainsi dire indivisible, ils n'ont plus été que des Automates dont le Roi a pu diriger à son gré tous les mou

vemens.

En dernier résultat, voulait-on ne pas transiger avec les principes? Il fallait réunir de suite les colléges électoraux; il fallait leur enjoindre de composer une représentation nationale régulière, à laquelle on aurait présenté le projet de Charte constitutionnelle, et qui

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aurait stipulé pour la nation; il fallait tout au moins appeler les colléges électoraux à délibérer sur cetté Charte. En se conduisant ainsi, on se serait assuré de l'adhésion légale de la nation; et le premier, lè plus sacré de ses droits n'aurait pas été dédaigneúsemént méconnu. Cette manière d'opérer aurait eu l'avantage inappréciable de concilier la majesté du trône avec les égards dus au peuple; et quant aux dangers dont on dit qu'elle était inséparable, plus j'y réfléchis, et plus je les trouve chimériques. En regardant autour de moi je n'y vois que des Français unanimes dans les vœux dont ils entourent l'auguste famille des Bourbons; je n'y vois que des citoyens fatigués de leurs longues dissentions, souriant pour la première fois à l'espoir d'un plus doux avenir; et, fussent-ils divisés d'opinions sur quelques-unes des bases de notre organisation politiqne, j'ose en concevoir l'espérance, ils sacrifieraient sans peine et leurs intérêts et leur amourpropre, à leur respect pour le Roi, à leur attachement pour la patrie.

Soutient-on maintenant qu'à défaut d'une représentation nationale régulière, le Roi a pu en remplir luimême les fonctions? Ce système est subversif de toutes les idées reçues en pareille matière. Il y a despotisme, toutes les fois que les autorités législative et exécutive sont réunies dans la même main; il y a pis encore, toutes les fois que la personne qui exerce cette autorité n'a pas été légalement constituée. Or, aux yeux des gens sans passions, il est hors de doute que la dynastie des Bourbons ne régnait pas en France à l'époque où toutes

les puissances de l'Europe avaient reconnu le gouvernement du Directoire et celui de Buonaparte; mais alors cette dynastie n'a pu être rétablie dans ses anciens droits que par un acte émané des vrais représentans de la nation; et si le Sénat et le Corps législatif n'avaient pas cette qualité quand il a été question de constitution, ils ne l'avaient pas mieux quand ils ont proclamé le frère de Louis XVI notre Roi. Ainsi, de deux choses l'une; ou il faut décider qu'il existait une représentation nationale régulière, et qu'elle avait qualité pour discuter la Charte constitutionnelle; où il faut accorder que cette Charte nous a été donnée par quelqu'un qui devait être, mais qui n'était pas encore notre Roi, et à qui on aurait à reprocher, d'après cela, un double empiètement de pouvoir.

Pour échapper à une aussi dangereuse conséquence, vainement dirait-on que le Sénat et le Corps Législatif ont été appelés à discuter notre charte constitutionnelle, « puisque le Conseil du Roi (selon l'expression « de monsieur le chancelier) a été agrandi de plu«sieurs personnes que le Roi a prises dans leur sein.»

Je n'entreprends pas d'examiner si, dans une matièré aussi grave, ces deux corps auraient pu déléguer leurs pouvoirs à des commissions par eux choisies, et s'imposer l'obligation téméraire d'approuver, les yeux fermés., tout ce que ces commissions auraient elles-mêmes approuvé. Mais je ne crains pas de prononcer affirmativement que des individus qui n'avaient reçu aucun mandat de leurs collègues, et qui avaient simplement voix consultative au conseil du Roi, étaient un ridicule

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