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présentation nationale, contre l'exclusion qui pèse sur les catholiques, et contre mille autres choses qui semblent tenir à l'essence même de la Constitution. On n'y trouve pas que former des voeux pour le perfectionnement de cette Constitution, ce soit faire germer dans les esprits un poison dangereux; on n'y pense pas que protester de sa soumission à une loi constitutionnelle dont on demande la révision, ce soit abuser de la liberté de la presse; et en effet, malgré ce prétendu débordement d'opinions exagérées, le corps politique y marche d'un pas ferme et sûr vers une prospérité toujourscroissante... Français, vous vous croyez les heureux rivaux de l'Angleterre; vous vous enorgueillissez de lui avoir surpris les secrets les plus cachés de ses arts mécaniques et de son industrie agricole; quand elle se présente à vous escortée d'un Milton, d'un Bâcon et d'un Malbourough, vous lui opposez dédaigneusement vos Voltaires, vos Montesquieux et vos Turennes! Imitez-la, s'il est possible, dans la sagesse de ses institutions politi ques; imitez-la du moins dans son respect religieux pour la liberté de la presse; et ce sera seulement alors que vous pourrez soutenir le parallèle.

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Mais j'ai eu tort d'élever des doutes sur l'interprétation que le Gouvernement compte donner à l'art. 8 de l'Ordonnance de réformation. J'ai sous les yeux la circulaire que M. le directeur général de la police vient d'adresser à tous ses subordonnés; j'y remarque « que << maintenant la police, au lieu de comprimer la pen« sée, lui laissera son essor, et qu'elle n'arrêtera que » les écarts de l'esprit, qui pourraient blesser les mœurs,

«ou troubler la paix de la société. » J'y vois plus bas que « la police sera désormais tolérante, protectrice, dis«crète et paisible; que, semblable à la goutte d'huile « introduite dans les ressorts d'une machine compli«quée, elle s'insinuera doucement entre les rouages « de la société, pour en faciliter les mouvemens. » Comme mes réflexions ne blesseront pas les mœurs > comme elles seront trop modérées pour troubler en aucune manière la paix de la société, j'espère (pour me servir de l'ingénieuse figure employée dans cette circulaire) j'espère que je n'aurai pas même besoin de cette goutte d'huile qui doit servir désormais à diriger les mouvemens du corps social; et dans la supposition où, emporté par un zèle inconsidéré, je franchirais, sans m'en apercevoir, les bornes de la modération, on ne m'administrera que quelques gouttes d'huile épurée par la tolérance..... Je n'hésite donc plus; je vais faire part au public de mes nouvelles réflexions: trop heureux s'il les accueille avec la même bienveillance que les premières ! trop heureux surtout si la police les honore de la même attention! (1)

(1) On s'est permis de faire arrêter ma première brochure: serait-ce parce que je ne m'étais pas mis en règle vis-à-vis de la censure? Mais on m'a assuré qu'on laissait circuler librement toutes celles qui, comme la mienne, portent le nom de l'auteur et du libraire chargé de la vente. Serait-ce pour me punir d'avoir eu deux fois raison?

J'en atteste le ciel, je n'avais mérité

Ni cet excès d'honneur, ni cette indignité.

Quoi qu'il en soit, il est arrivé ce qui arrive toujours en pa

Elles se diviseront en deux parties; dans la première, je rechercherai si notre Charte constitutionnelle devait nous être présentée sous la forme d'une simple Ordonnance de réformation; dans la seconde, j'indiquerai les principaux vices, les principales lacunes que renferme, selon moi, cette ordonnance. Dans l'une comme dans l'autre, je ferai en sorte de ne rien dire qui puisse me faire accuser de manquer au respect que réclame la Majesté royale: au surplus, je proteste à l'avance de la pureté de mes intentions.

S Ier.

Notre Charte constitutionnelle devait-elle avoir la forme d'une simple ordonnance de réformation?

« Oui, sans doute, nous dit monsieur le chancelier; << et nous devons rendre grâces au Roi de ce qu'il ne « veut exercer l'autorité, qu'il tient de Dieu et de ses ❝ pères, qu'en posant lui-même les bornes de son pou«voir; de ce qu'il ne veut être que le chef suprême de «la grande famille dont il est le père; de ce qu'il nous <apporte le bienfait précieux d'une Ordonnance de « réformation, par laquelle il éteint tous les partis, << comme il maintient tous les droits. »

S'il était vrai que le Roi ne tînt son autorité que de Dieu et de ses pères, la conséquence serait juste ; il

reil cas ; j'ai été lu par tous ceux qui aiment le fruit défendu, et qui sont heureusement fort nombreux. Sous ce rapport, j'ai des remercîmens à adresser à la police.

aurait seul le droit d'en régler l'exercice; il pourrait seul la modifier comme il l'entendrait, en nous don nant à la place d'une Charte constitutionnelle, une or donnance de réformation proprement dite.

Mais ce principe, essentiellement faux en droit, est encore mieux démenti par les faits. Le Roi occupe le trône de Pharamond; et jusqu'à Clovis, la couronne de France fut très-certainement élective: le Roi compte Pepin au nombre de ses prédécesseurs; et quand Pépin prit la place de Childéric, il ne s'adressa au Pape Zacharie, pour lui faire approuver son usurpation, qu'après s'être fait élire par le peuple: enfin, le Roi succède à des monarques qui, depuis plusieurs siècles, ont constamment juré de gouverner selon les lois du Royaume. Or, si dans l'origine nos Rois étaient électifs, ils ne tenaient pas leur autorité de Dieu et de leurs pères, mais de Dieu et de la Nation: si plus tard, c'est le peuple qui leur à donné des droits héréditaires au trône, ils sont bien redevables à ce peuple d'une partie de leur autorité: si enfin, à des époques plus rapprochées de notre histoire, ils juraient solemnellement de respecter des lois qui limitaient à quelques égards leur puissance, c'est, à coup sûr, parce qu'ils reconnaissaient que la nation leur faisait, à cette condition seulement, un don tacite de la couronne : et tout cela est exclusif de l'idée que les rois de France tiennent seulement leur autorité de Dieu et de leurs pères.

Au surplus, il existait indubitablement dans notre ancienne monarchie quelques lois, non écrites, mais

fondamentales cependant, et auxquelles nos Rois les plus absolus n'auraient pas cru pouvoir déroger. Ces lois étaient, entre autres, celles qui excluaient les femmes de la couronne, et qui y appelaient toujours l'aîné des mâles par préférence aux cadets. Or, si elles ont existé, elles supposent forcément un contrat originaire entre la nation et son chef; et je n'en demande pas davantage. Celui qui leur succède aujourd'hui ne pourrait pas soutenir qu'il ne tient son autorité que de Dieu et de ses pères, puisque de ce moment tout fait foi que sans le consentement de la nation, ses pères n'auraient pas été Rois,

la

Il ne serait pas mieux autorisé à dire, comme ont fait quelques-uns de ses prédécesseurs, qu'il ne tient cette autorité que de Dieu et de son épée. En fait, cela n'est certainement pas exact; en droit, ce serait donner à entendre que son titre est fondé sur la force, et que force peut par conséquent le détruire. Il faut donc, de toute nécessité, tirer d'ailleurs la preuve que le Roi a pu nous donner une simple Ordonnance de réformation à la place de la Charte Constitutionnelle que nous lui avions demandée.

«Mais, observe-t-on dans le préambule de cette or«donnance, l'autorité toute entière résidait autrefois «en France dans la personne de nos Rois; et ce n'est "que par suite de concessions, tout à fait volontaires de «leur part, que les communes ont été affranchies sous «Louis-le-Gros; que leurs libertés ont été confirmées << sous Louis IX et sous Philippe-le-Bel; que des règles « fixes en matière judiciaire ont remplacé sous Louis XI

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