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Paris, nous promet un Tacite qui, avec de nouveaux documens, ayant pleine connaissance des actes hostiles et perfides des cabinets étrangers, dira jusqu'à quel point tous les scélérats, et même les hommes de bien, ont été des pantins obéissans qui ne soupçonnaient pas le ressort qui les faisait agir.

Ces documens ne sauraient se trouver que chez les contemporains. Si les contemporains ont été trompés ou trompeurs, l'erreur s'accréditera de siècle en siècle. La révolution française est une de ces grandes commotions qui, se liant peu au passé, doivent être présentées aux siècles futurs par ceux qui furent les impartiaux témoins de leur tissu presque inextricable. Les hommes qui jouèrent un rôle dans ce drame tragique, sont sans doute suspects; il leur est difficile d'éviter l'empire de leur propre opinion. Mais cette suspicion ne saurait raisonnablement atteindre le philosophe solitaire qui fut constamment et absolument étranger à toutes les commotions dont il réunit le tableau.

Sans ces ouvrages dictés par le seul amour de la vérité, une révolution de la nature de celle de France, ne serait connue dans la suite que par ses résultats. Chaque fait particulier se développerait dans un demi-siècle, selon les vues du parti qui parviendrait à triompher des autres.

L'histoire même des tems tranquilles et ordinaires ne fut jamais écrite avec plus de vérité, que par les contemporains. Xénophon et Thucydide, parmi les anciens; de Thou, Paul Joue et Guichardin, parmi les modernes, nous ont transmis les événemens dont ils furent les témoins leurs

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alors le char de l'opinion et s'empareraient de mon travail, tandis qu'une nuée de pamphlets tomberait sur ma tête.

Mais, d'un autre côté, ceux qui connaissent les hommes, savent que les révolutions ne sont pas des événemens ordinaires dont les circonstances simples et uniformes ; la marche suivie et naturelle le développement successif et prononcé, ne se présentent que d'une seule manière.

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Lorsque toutes les passions sont exaltées, lorsque tous les rapports qui subsistaient entre les hommes, sont méconnus, lorsque les notions même du juste et de l'injuste deviennent problématiques, ne saiton pas que le parti victorieux arrange les événemens et leurs causes comme il lui convient, force ses ennemis au silence, brise la plume de l'écri→ vain qui n'a pas, sur la poitrine, la triple cuirasse dont parle un poëte latin. La vérité se cache; on doute soi-même des faits dont on fut témoin; et l'erreur, prenant le caractère de l'opinion publique, va trompant la postérité.

On assure que les événemens révolutionnaires de France ne seront bien connus que dans cinquante ans. Cependant si les agens de cet étrange phénomène, encore plus mobiles que leurs actions, échappent presque toujours à l'œil qui les observe le plus attentivement; si l'enchaînement se perd à chaque minute, comment les historiens franchi. ront-ils dans la suite les routes tortueuses de ce labyrinthe? Si le fil d'Ariane ne guide leur marche incertaine, les ailes d'Icare ne les conduiraient qu'à un naufrage inévitable.

En vain Mercier, dans un livre intitulé Nouveau

Paris, nous promet un Tacite qui, avec de nouveaux documens, ayant pleine connaissance des actes hostiles et perfides des cabinets étrangers, dira jusqu'à quel point tous les scélérats, et même les hommes de bien, ont été des pantins obéissans qui ne soupçonnaient pas le ressort qui les faisait agir.

Ces documens ne sauraient se trouver que chez les contemporains. Si les contemporains ont été trompés ou trompeurs, l'erreur s'accréditera de siècle en siècle. La révolution française est une de ces grandes commotions qui, se liant peu au passé, doivent être présentées aux siècles futurs par ceux qui furent les impartiaux témoins de leur tissu presque inextricable. Les hommes qui jouèrent un rôle dans ce drame tragique, sont sans doute suspects; il leur est difficile d'éviter l'empire de leur propre opinion. Mais cette suspicion ne saurait raisonnablement atteindre le philosophe solitaire qui fut constamment et absolument étranger à toutes les commotions dont il réunit le tableau.

Sans ces ouvrages dictés par le seul amour de la vérité, une révolution de la nature de celle de France, ne serait connue dans la suite que par ses résultats. Chaque fait particulier se développerait dans un demi-siècle, selon les vues du parti qui parviendrait à triompher des autres.

L'histoire même des tems tranquilles et ordinaires ne fut jamais écrite avec plus de vérité, que par les contemporains. Xénophon et Thucydide, parmi les anciens; de Thou, Paul Joue et Guichardin, parmi les modernes, nous ont transmis les événemens dont ils furent les témoins : leurs

alors le char de l'opinion, et s'empareraient de mon travail tandis qu'une nuée de pamphlets

tomberait sur ma tête.

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Mais, d'un autre côté, ceux qui connaissent les hommes savent que les révolutions ne sont des pas événemens ordinaires dont les circonstances simples et uniformes; la marche suivie et naturelle, le développement successif et prononcé ne se présentent que d'une seule manière.

Lorsque toutes les passions sont exaltées, lorsque tous les rapports qui subsistaient entre les hommes, sont méconnus, lorsque les notions même du juste et de l'injuste deviennent problématiques, ne saiton pas que le parti victorieux arrange les événemens et leurs causes comme il lui convient, force ses ennemis au silence, brise la plume de l'écri vain qui n'a pas, sur la poitrine, la triple cuirasse dont parle un poëte latin. La vérité se cache; on doute soi-même des faits dont on fut témoin; et l'erreur, prenant le caractère de l'opinion publique, va trompant la postérité.

On assure que les événemens révolutionnaires de France ne seront bien connus que dans cinquante ans. Cependant si les agens de cet étrange phénomène, encore plus mobiles que leurs actions, échappent presque toujours à l'oeil qui les observe le plus attentivement; si l'enchaînement se perd à chaque minute, comment les historiens franchi. ront-ils dans la suite les routes tortueuses de ce labyrinthe? Si le fil d'Ariane ne guide leur marche incertaine, les ailes d'Icare ne les conduiraient qu'à un naufrage inévitable.

En vain Mercier, dans un livre intitulé Nouveau

Paris, nous promet un Tacite qui, avec de nonveaux documens, ayant pleine connaissance des actes hostiles et perfides des cabinets etrangers, dra jusqu'à quel point tous les scelerats, et même les hommes de bien, ont ete des pantins obeissans, qui ne soupçonnaient pas le ressort qui les faisait agir.

Ces documens ne sauraient se trouver que ches les contemporains. Si les contemporains ont été trompés ou trompeurs, l'erreur s'accreditera de siècle en siècle. La révolution française est une de ces grandes commotions qui, se liant peu au passé, doivent être présentées aux siècles futurs par ceux qui furent les impartiaux témoins de leur tissu presque inextricable. Les hommes qui jouèrent un rôle dans ce drame tragique, sont sans doute suspects ; il leur est difficile d'éviter l'empire de leur propre opinion. Mais cette suspicion ne saurait raisonnablement atteindre le philosophe solitaire qui fut constamment et absolument étranger à toutes les commotions dont il réunit le tableau.

Sans ces ouvrages dictés par le seul amour de la vérité, une révolution de la nature de celle de France, ne serait connue dans la suite que par ses résultats. Chaque fait particulier se développerait dans un demi-siècle, selon les vues du parti qui parviendrait à triompher des autres.

L'histoire même des tems tranquilles et ordinaires ne fut jamais écrite avec plus de vérité, que par les contemporains. Xénophon et Thucydide, parmi les anciens; de Thou, Paul Joue et Guichardin, parmi les modernes, nous ont transmis les événemens dont ils furent les témoins leurs

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