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1787.

CHAPITRE X V.

Brienne présente plusieurs édits au parlement.

LOMEN

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OMÉNIE de Brienne successivement archevêque de Toulouse, de Sens, et cardinal, appelé au ministère pour remplir la première place, eut le titre de surintendant des finances, qui lui donnait l'inspection sur les contrôleurs généraux. Bouvart de Fourqueux, Laurent de Villedeuil et Lambert, qui occupèrent cette place sous son ministère, ne furent que ses commis. Le nouveau garde des sceaux s'unissait à lui pour inventer quelque projet agréable à la multitude toujours amoureuse de nouveautés ; ce rôle était difficile à jouer.

L'esprit de plaintes et de menaces, répandu dans les provinces pendant la session des notables, devenait de jour en jour plus alarmant; la révolution, faite depuis long-tems dans l'esprit de la nation, se manifestait au dehors. On passait des idées spéculatives à l'action et à la volonté. Les états-généraux étaient généralement regardés comme la seule autorité qui pût rétablir les finances.

Brienne jouissait, on ne sait pourquoi, d'une réputation d'habileté en économie politique.,

litique. On s'attendait qu'à la tête des af faires il allait les incliner vers une direc-1787. tion plus favorable: cette illusion dura peu. Sa première opération fut le renvoi des notables dont il pouvait se servir utilement, au moyen de l'influence que ses intrigues lui avaient donnée jusque-là sur leur conduite. Il fut déterminé à cette mesure, autant pour plaire à la cour qu'il voyait jalouse de la considération que les notables s'étaient acquise par leur opposition à Calonne, que par la tournure de son esprit tranchant et systématique; il pensait que ses vastes talens, dans l'art de l'administration, lui vaudraient beaucoup de réputation, et il ne se souciait pas de partager sa gloire avec une grande assemblée.

Le nouveau ministre, privé de l'appui des notables, se trouva bientôt à la merci des parlemens: ne sachant rien imaginer par luimême, non-seulement il s'appropria tous les plans de son prédécesseur, mais la maladresse. avec laquelle il voulut les faire enregistrer au parlement de Paris, dévoila toute son ineptie.

Il présenta, d'abord, un édit qui permettait la libre exportation des grains et des farines; il fut enregistré sans beaucoup de difficultés, soit que les magistrats voulussent témoigner à la cour la satisfaction qu'ils ressentaient de l'éloignement des notables dont les prétentions commençaient à leur

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donner de l'inquiétude, ou qu'ils n'eussent pas calculé toutes les conséquences de cette loi. Alors fut présenté l'édit du timbre dont quelques dispositions gênaient singulièrement les commerçans.

Pendant qu'on remplissait les formalités préalables à l'enregistrement de cet édit, le bruit se répandait dans le palais qu'il serait suivi de la déclaration du roi, qui établissait la subvention territoriale, et dont le brusque rejet avait précipité la dissolution de l'assemblée des notables. Les membres du parlement étaient bien décidés à ne pas enregistrer cette loi. Mais craignant que ce refus n'allumât, contre les cours souveraines, la haine de la multitude, qui n'eût pas manqué de dire hautement que les parlementaires ne rejetaient la subvention territoriale, que parce que cet impôt pesait sur eux; pour écarter ce reproche, le parlement demanda la communication des tableaux comparatifs de recette et de dépense, avant de concourir à l'augmentation des charges publiques. Cette communication lui ayant été refusée, il rejeta l'édit du timbre.

Cette acte de fermeté conciliait aux parlemens la faveur publique, dans un tems où la demande des états-généraux occasionnait les troubles les plus sérieux dans plusieurs provinces, et sur-tout en Bretagne et en Dauphiné. On commençait alors à soudoyer

dans les faubourgs une multitude de gens sans aveu, qui aiment l'oisiveté, le bruit, le désordre; ils se rendaient assidûment au palais comme on les vit se rendre assidûment dans la suite aux tribunes de la constituante et de la convention. Ils encourageaient les magistrats par leurs vociférations bruyantes, à persister dans leur opposition aux volontés de la cour. Des couronnes de chêne étaient offertes aux présidens et aux conseillers qui montraient le plus d'énergie. Quelquefois les prenant sur leurs bras lorsqu'ils sortaient de leurs voitures, ils les portaient en triomphe à la porte de la grand'chambre. Ce furent probablement les mêmes hommes qui, peu d'années après, portèrent Marat en triomphe à la convention, et qui conduisirent à l'échafaud avec les imprécations de la rage, ces mêmes magistrats qu'ils avaient couronnés de branches de chêne, et décorés du titre de défenseurs des droits du peuple.

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On sut, dans la suite, que l'argent qui payait ces émissaires, sortait des coffres du duc d'Orléans. Depuis que l'opinion publique se prononçait en faveur d'un nouvel ordre de choses, il se formait des clubs en France à l'invitation des clubs anglais. On y parlait des états-généraux comme s'ils étaient assemblés, et de la liberté comme étant déjà établie. Un de ces clubs tenait ses séances au Palais royal. Le duc d'Orléans y avait associé un

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grand nombre de conseillers au parlement, 1787. quelques-uns desquels jouèrent un rôle remarquable sur le théâtre de la révolution. Aveugles instrumens des passions qui leur étaient étrangères ! celui qui s'en était servi, les brisa successivement comme inutiles et même comme nuisibles à l'exécution de ses projets, à mesure que ces projets approchaient de leur maturité.

Au milieu de la rumeur qu'excitait l'édit du timbre, et lorsque la faveur populaire se prononçait de la manière la plus marquée pour les parlemens, Brienne, finissant par où il aurait dû commencer fit porter au palais l'édit de subvention territoriale. On ne pouvait se conduire avec plus de maladresse. Le parlement, en rejetant l'édit du timbre, avait déclaré que le droit d'asseoir de nouveaux impôts, n'appartenant incontestablement qu'aux états-généraux, il se reconnaissait incompétent pour les enregistremens de cette nature. Toutes les cours souveraines tinrent le même langage.

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