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personnes, qui lui conseillaient de ménager un prince qui, dans la circonstance épi- 1787. neuse où l'on se trouvait, pouvait avoir des projets et des moyens de vengeance; que ce traitement, qu'il faisait éprouver au duc d'Orléans, était trop doux ; qu'il était en mesure de le livrer au parlement, et de faire tomber sa tête.

Philippe, duc d'Orléans, fut instruit de ce propos. Le ressentiment qu'il en conçut, acheva de décider la conduite qu'il tint dans la suite. Si cette conduite ne doit pas être mise au rang des causes principales de la révolution de France, du moins influä-t-elle, de la manière la plus formelle, sur le tragique sort qu'éprouvèrent dans la suite Louis XVI et Marie-Antoinette.

Depuis le duc d'Alençon, frère de Henri III, qui, dans le dessein d'épouser la reine Elisabeth, passa en Angleterre, le duc d'Orléans était le seul prince de la maison de France qui eût visité cette contrée. Il conserva les liaisons les plus suivies avec le prince de Galles et le duc d'Yorck. Il plaça des fonds considérables en Angleterre ; il voulut même avoir un hôtel dans Londres.

La cour de Saint-James regardait Louis XVI comme le véritable auteur de l'indépendance des Américains. La haine qu'elle conservait contre ce monarque, servant de véhicule à ses actions, les plaintes du duc Tome I.

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d'Orléans furent accueillies. On verra, dans la 1787. suite, que ce prince eût quelque assurance que les forces britanniques concourraient à le placer sur le trône, si, par les effets de la révolution qui s'annonçait, Louis XVI était forcé d'en descendre.

Dès lors, deux des passions les plus actives qui puissent influer sur les actions d'un homme, l'ambition et la vengeance, se réunissant dans l'ame du duc d'Orléans il se prépara ouvertement aux combats qu'il devait livrer.

Pour s'assurer des partisans les plus nombreux et les plus chauds, on le vit bientôt emprunter, de toute main, des sommes sz exorbitantes , que leur masse écrasante devait anéantir sa fortune, quelque prodigieuse qu'elle fût, si ses vastes desseins s'en allaient en fumée. Entouré d'un parti, qui l'avait pris plutôt pour son point de ralliement que pour son chef, il poursuivit avec acharnement Louis XVI et son épouse. Si·les outrages qu'il en avait reçus, étaient sanglans, jamais homme ne goûta plus pleinement l'affreux plaisir de la vengeance.

CHAPITRE XI I.

Composition du ministère.

Le conseil de Versailles se composait de

Gravier de Vergennes, ministre des affaires étrangères, et chef du conseil des finances; du maréchal de Ségur, ministre de la guerre; du maréchal de Castries, ministre de la marine; de Tonelier de Breteuil, ministre de Paris. Vergennes étant mort en 1787, Ségur et Castries ayant donné leur démission la même année ils furent remplacés par Mommorin aux affaires étrangères, Lomenie de Brienne à la Guerre, et la Luzerne à la Marine. Calonne était ministre des finances Hue de Miroménil avait les sceaux. SaintPriest, ministre de France à la Porte, avait été rappelé ; on lui donna, pour successeur, Choiseul Gouffier. Ségur, ambassadeur de France à Petersbourg, avait conclu, avec la czarine Catherine II, un traité de commerce, qui ne fut d'aucun avantage pour les Français.

Depuis quatre ans que Calonne avait succédé à d'Ormesson, l'embarras des finances augmentait rapidement par l'accumulation de l'intérêt des sommes annuellement empruntées, depuis l'époque où Necker était

1787.

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"entré dans l'administration. Cependant, par 1787. l'effet de différentes opérations ténébreuses, la masse de l'impôt avait été augmentée de plus de cent millions. Elle montait à cinq cent soixante millions, d'après le livre intitulé: de l'administration des finances, publié par Necker. Malgré ce gigantesque surcroît de revenus, la dépense surpassait la recette, à la fin de 1787, de cent dix millions.

L'ouvrage de Necker, en fixant d'une ma nière plus précise les regards publics sur les charges et les ressources de la France, inspirait des appréhensions aux capitalistes qui s'étaient empressés jusqu'alors de porter leur argent au trésor public, aussi-tôt qu'un emprunt était ouvert. Il devenait difficile d'emprunter davantage quelque brillante perspective qu'on offrît aux prêteurs. Plusieurs ministres étaient persuadés que la chûte du gouvernement ne pouvait être retardée que par une nouvelle distribution de l'impôt, dont la seule proposition avait renversé Machault sous Louis XV, et Turgot sous Louis XVI.

secousse,

Pour arriver à ce moyen, avec moins de Calonne non-seulement augmentait le nombre des assemblées provinciales, dont l'idée appartenait à Turgot, mais il donnait à ces corps administratifs une organisation, dont les plus grands avantages pouvaient résulter. On n'eut aucun égard, dans

la distribution de ce plan économique, à l'ancienne distinction des trois ordres, en 1787. usage dans les états provinciaux, et que Necker avait soigneusement conservée dans les administrations provinciales de son invention. Il n'y fut question que des propriétés possédées par les citoyens ; c'était comme propriétaire, et non en qualité de noble, de prêtre, ou de roturier qu'on devait être appellé à ces assemblées intéressantes par leur objet, mais plus importantes encore par la manière dont elles devaient être formées, puisque, par elles, s'établissait en France une véritable représentation nationale que nous avons vainement cherchée depuis.

Quatre sortes de propriétés étaient distinguées, 1o., les terres seigneuriales, ceux qui les possédaient, nobles ou roturiers, ecclésiastiques ou laïques, devaient composer cette première classe; la seconde classe comprenait les biens simples du clergé ; la troisième les biens ruraux ; la quatrième les propriétés urbaines, maisons ou jardins. De ces quatre classes, trois pouvaient être indistinctement remplies par les individus des trois ordres. Celle qui ne comprenait que les biens simples du clergé, semblait plus exclusive; cependant elle pouvait renfermer des laïques nobles ou non nobles, pour représenter les fabriques paroissiales, les hôpitaux, et d'autres biens de cette nature.

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